La Roue à Livres, l’un des articles les plus lus sur le blog

Amis Bibliophiles Bonsoir,

(n’ayant pas internet, je me permets de reposter depuis mon bureau, en quelques clics, un des articles les plus lus sur le blog, pour ceux qui ne le connaissaient pas encore).
Ah, des livres, j’en ai, vous en avez, nous en avons… Je suis Bibliophile, vous l’êtes, nous le sommes… Mais qui sait peut-être en est-il parmi nous qui lisent leurs livres précieux!

Pour ceux-là, voici l’outil indispensable qui leur permettra de parcourir moult livres sans se mouvoir : la roue à livres.Modèle Ramelli
La première Roue à Livres est apparue dans le « Le diverse et artificiose machine del Capitano Agostina Ramelli » (des machines artificieuses, etc), de Ramelli (1531-1600), paru à Paris en 1588. Le texte, en français et en italien qui accompagne la gravure 188 précise « qu’avec cette sorte de machine un homme peut voir et lire une grande quantité de livres sans se mouvoir d’un lieu; outre elle porte avec soi une belle commodité, qui est de tenir et occuper peu de place, etc. ».
Modèle « Zeising »

Une seconde Roue à Livres fît son apparition en 1611 dans l’ouvrage de Heinrich Zeising, « Theatrum machinarum », mais tout porte à penser quand on compare les deux images, qu’il s’agît d’une copie de l’image du Ramelli (probablement d’Andreas Bretschneider), qui était connu en Allemagne, puisqu’une traduction parût quelques années plus tard, en 1620. Il est en effet amusant de constater que si le lecteur change à peu près sur les deux gravures, le décor est très semblable, avec une porte à l’arrière-plan et une bibliothèque en haut à droite. (Celle de 1620 aura subi quelques modifications, se situant à mi chemin entre la Ramelli d’origine et celle de Zeising).Modèle de la traduction allemande du Ramelli, 1620Plus curieuse est cette roue à livres qui apparaît dans un livre chinois du missionnaire jésuite Terrence Schreck en 1627. Lors de son séjour en Chine, cet érudit travailla avec le chinois Wang Cheng à un ouvrage sur les technologies occidentales, et copia lui aussi la gravure originale de Ramelli avec quelques changements (mais la porte et la bibliothèque n’ont pas bougé même si cette fois c’est un chinois qui actionne la roue! Public oblige!).Le Modèle Chinois, Schreck, 1627Il est très intéressant de voir que Schreck n’a pas travaillé à partir de la gravure de Zeising, mais directement à partir de celle de Ramelli. En effet, la porte de la gravure chinoise possède 3 verrous, comme celle de Ramelli, alors que celle de Zeising n’en comporte qu’un!

Enfin, plus proche de nous, c’est le français Nicolas Grollier de Servière qui dans son ouvrage « Recueil d’ouvrages curieux de mathématiques et de mécanique », chez Forey, à Lyon, en 1719, va pour la première fois depuis 1588 proposer une gravure différente. Il critique au passage la complexité du modèle de Ramelli et son illustration est en effet plus simple.Le Modèle Grolier de ServièreGrolier de Servière décrit ainsi la Roue à Livres : « Les deux grandes roues sont solidement attachées l’une à l’autre par un axe qui les fait tourner ensemble sur les pieds droits. Entre ses deux grandes roues, et autour de leur circonférence, il y a des tablettes ou pupitres qui y sont retenus par des espèces d’axes coudés et mouvants dans les grandes roues, en sorte que, lorsque les roues tournent, le poids des pupitres les tient toujours dans la même situation et les empêche de basculer et de perdre leur équilibre. Avant de travailler, on range sur les pupitres tous les livres dont on juge que l’on aura besoin ».

Pour l’histoire, on notera également la présence d’une Roue à Livres sur le portrait de Charles V assis en costume royal, peint en page frontispice de la traduction française du Policraticus de Jean de Salisbury (BNF, ms fr. 24287). Charles V possèdéait en effet une superbe bibliothèque de près de 900 volumes, installée au Louvre dans la tour de la fauconnerie.
Aujourd’hui, on peut encore voir des Roues à Livres au Smithsonian Institute, à la bibliothèque de Wolfenbüttel, en Basse Saxe. 
La Roue du Smithsonian InstituteJ’ai pris plaisir à écrire ce message, et notamment à débusquer les analogies entre les premières gravures, toutes inspirées de la Ramelli, toutes si semblables et pourtant toutes si différentes. J’espère que vous prendrez plaisir à le lire!

H

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