Principes généraux autour de la pagination et de la foliotation.

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Quelques notions générales sur la pagination et la foliotation, qui conviennent pour décrire la plupart des ouvrages d’ancien régime.

PROLOGUE : LES FORMATS.

Avant de commencer, un simple rappel de ce que sont les formats des livres anciens.

In-plano : la feuille imprimée n’est pas pliée, mais reliée à « plat », parfois sur onglet.

In-folio (2o) : la feuille imprimée est pliée une fois, dans le sens de la largeur. Cette pliure divise la feuille en deux parties égales.

In-quarto (4o) : la feuille imprimée est pliée deux fois. Cette pliure divise la feuille en quatre parties égales.

In-octavo (8o) : la feuille est pliée trois fois. Cette pliure divise la feuille en huit parties égales.

In-seize : la feuille est pliée quatre fois, et divisée en seize parties égales.

Et ainsi de suite…

1. LES UNITÉS BIBLIOGRAPHIQUES

Un livre se divise en « unités bibliographiques ». Ces unités sont des éléments choisis arbitrairement par le catalogueur pour exprimer les caractéristiques matérielles du livre imprimé. Quatre unités bibliographiques sont donc utilisées généralement : la feuille, le feuillet, la page, le cahier.

La feuille : la feuille est à l’origine du livre. C’est le matériel brut, sorti des « formes » du moulin à papier. Elle présente un recto et un verso, et n’est pas encore pliée.

Le feuillet : c’est l’unité de base du volume. Un feuillet correspond au rectangle de papier que la main du lecteur tourne au fil de sa lecture. Le feuillet est constitué d’un recto et d’un verso (soit deux pages).

La page : la page correspond à l’une des deux faces du feuillet. Un livre ouvert présente deux pages en vis-à-vis (sur deux feuillets différents). Un feuillet présente deux pages « dos à dos » (recto et verso).

Le cahier : c’est l’élément clé du livre. Le cahier est un groupe de feuillets. Le plus souvent, il correspond à une feuille imprimée et pliée (en quatre, huit, seize, etc.). Un livre au format in-8o est généralement constitué de cahiers de huit feuillets (16 pages). Un in-4° est constitué de cahiers de 4 feuillets (8 pages). Il arrive cependant que plusieurs feuilles soient « encartées » (= regroupées l’une sur l’autre et pliées ensembles), notamment pour les livres au format in-folio : regrouper les feuilles par trois ou quatre (soit des cahiers de six ou huit feuillets, au lieu des deux feuillets de la feuille seule pliée) permet au relieur de travailler beaucoup plus vite (une seule couture au lieu de trois ou quatre). À de très rares exceptions (lorsqu’un feuillet seul est encarté), un cahier a toujours un nombre pair de feuillets.

2. LES NOTATIONS BIBLIOGRAPHIQUES

L’imprimeur qui compose son livre doit veiller à ce que les différentes pages imprimées se trouvent dans le bon ordre une fois la feuille pliée. Il doit donc les disposer sur la presse de manière à ce que le verso des feuillets corresponde à leur recto, et à ce que les feuillets se succèdent dans le bon ordre. Cette opération s’appelle l’imposition. Pour s’y retrouver, le typographe s’aide d’un certain nombre de mentions imprimées en haut ou en bas des pages, qui lui servent à identifier d’un coup d’œil la place de la page à l’intérieur du livre.

Foliotation : la foliotation est l’une des premières mention à avoir été utilisées par les typographes. J’écrivais plus haut que le feuillet était l’unité matérielle de base, et pour nous, qui sommes habitués à lire des livres « paginés », il est dur d’admettre que l’usage aux XVe et XVIe siècles pouvait être différents. Les livres de la première moitié du XVIe siècle sont pourtant généralement numérotés par feuillets (= foliotation), et non par pages. La foliotation prend généralement place en haut à droite sur le recto du feuillet concerné. Le verso ne comporte aucune numérotation. Cette foliotation peut être en chiffres arabes ou romains.

Pagination : La pagination apparaît un peu plus tard. En France, c’est à partir des années 1530 que l’on commence à croiser régulièrement des ouvrages « paginés », c’est-à-dire des livres dont les feuillets sont numérotés sur leur recto et leur verso. Cet usage, plus commode pour le lecteur qui dispose d’un nombre plus grand de points de repères, s’est peu à peu imposé et reste notre référence aujourd’hui.

Réclame : On voit souvent, en bas des pages composées, les premiers mots ou les premières lettres de la page suivante. C’est ce que l’on appelle la réclame. La réclame a deux utilités : d’une part, elle sert de point de repère pour le typographe, qui sait immédiatement quelle page va venir à la suite de celle qu’il est en train de disposer sur le marbre de la presse ; d’autre part, le lecteur a ainsi sous les yeux le début de la page suivante, qu’il lit à l’avance : il peut anticiper la lecture, tourner la page et reprendre le fil du texte sans perdre la dynamique qui était la sienne.

Signature : Mais pour le typographe, la plus importante de ces mentions, c’est la signature. À elle seule, la signature permet de connaître la place d’un cahier dans l’ouvrage et la place d’un feuillet à l’intérieur d’un cahier. La signature se compose généralement d’une lettre, suivie d’un chiffre (arabe ou romain). La lettre indique la place du cahier à l’intérieur du volume : en effet, les différents cahiers d’un livre sont généralement « signés » dans leur ordre de succession par des lettres, de a à z. Le relieur, auquel on présente les feuilles pliées, n’a plus qu’à remettre les cahiers dans l’ordre avant de procéder aux opérations de reliure. À l’intérieur d’un même cahier, les premiers feuillets (généralement la première moitié du cahier) sont signés par la lettre identifiant le cahier auquel ils appartiennent, mais aussi par un chiffre indiquant leur place à l’intérieur du cahier. Le feuillet signé « b5 » est donc le cinquième feuillet du cahier « b ».

Une petite méthode pratique à connaître : Face à un livre sans foliotation ni pagination, grâce aux signatures, on peut, sans avoir à compter les pages unes à unes, connaître le nombre de feuillets : il suffit de regarder la lettre signant le dernier cahier, de voir quel est le rang de cette lettre dans l’alphabet (attention : jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, l’alphabet latin n’a que 23 signes : pas de J, ni de V ni de W !) et de multiplier le chiffre obtenu par le nombre de feuillets des cahiers. Par exemple, un livre du XVIe siècle de format in-8o, dont le dernier cahier est signé X (21ème lettre de l’alphabet de l’époque), comprend (21 x 8 =) 168 feuillets (soit 336 pages). Cette méthode n’est pas fiable à 100% et ne remplace pas une véritable collation page à page (les cahiers n’ont pas nécessairement le même nombre de feuillets), mais elle peut tout de même aider lorsque l’on est pressé.

3. LES FORMULES DE FOLIOTATION

Une fois défini tout ce jargon, on a sans doute mieux compris comment le livre est fabriqué. Mais le bibliographe/catalogueur ne doit pas se contenter de comprendre comment est fait l’ouvrage, il doit décrire cette matérialité, et exprimer avec des formules claires la collation d’un livre. Quelques usages sont donc à respecter pour que les formules utilisées soient compréhensibles par tous.

Pour exprimer la foliotation ou la pagination d’un livre, les usages sont assez bien définis.

– La numérotation s’exprime selon une formule simple : [premier chiffre mentionné] + [tiret] + [dernier chiffre mentionné] : un livre dont la foliotation est formulée « 1-244 » sera donc composé de 244 feuillets chiffrés de 1 à 244.

– Très souvent, les feuillets liminaires (titres, dédicaces, etc.) ne sont pas chiffrés. Dans ce cas là, en règle générale, on fait figurer entre crochets le nombre de feuillets (ou de pages) non chiffrés : un livre dont la foliotation est formulée « [2] 3-244 » sera donc composé de deux feuillets non chiffrés et de 242 feuillets chiffrés de 3 à 244.

– On respecte le format de la numérotation du livre : chiffres romains en chiffres romains, chiffres arabes en chiffres arabes.

Il est important de toujours indiquer l’unité matérielle utilisée comme référence. Pour cela, on dispose de quelques abréviations :

– f. (ou ff.) pour feuillets,

– p. (ou pp.) pour pages,

– col. pour colonnes (il arrive en effet que les colonnes soient numérotées, et non les pages ou les feuillets)

– ch. pour chiffré(s).

– n. ch. pour « non chiffrés »

La formule changera selon que l’on réfléchira en feuillets ou en pages. On suit généralement l’usage du livre lui-même, selon qu’il soit paginé ou folioté. Ainsi, si l’ouvrage est composé de 244 feuillets foliotés, on formulera « 244 ff. ch. » (ff. ch. pour « feuillets chiffrés »). Si l’ouvrage est composé de 244 feuillets paginés, on formulera : « 488 pp. (ou pp. ch.) ».

Pour des ouvrages en plusieurs parties, il arrive que la numérotation reprenne au début à chaque partie de l’ouvrage. On fait alors se succéder les différentes séries de foliotation/pagination. Ainsi, la formule « [2] III-XXVI, 1-344, 1-648 » décrit un livre composé de trois parties : la première (sans doute les pièces liminaires) comprend deux feuillets non chiffrés et 24 feuillets numérotés en chiffres romains de III à XXVI ; la deuxième partie comprend 344 feuillets chiffrés, et la deuxième partie comprend 648 feuillets chiffrés.

4. LES FORMULES DE SIGNATURE

Le catalogueur doit aussi souvent indiquer la manière dont sont signés les différents cahiers et feuillets d’un livre. Cela est finalement assez simple.

En règle général, on l’a dit, une lettre de l’alphabet (ou un symbole quelconque) correspond à un cahier. Lorsque les lettres se suivent dans l’ordre alphabétique, on n’indique que la première et la dernière de la série, séparées par un tiret : la mention « a-m » indique ainsi une succession de 12 cahiers (l’alphabet complet n’a que 23 lettres, ne l’oublions pas !) signés de « a » à « m ».

On précise, en exposant, le nombre de feuillets composant chaque cahier. La formule « a-m8 » indique donc une succession de 12 cahiers de 8 feuillets (soit un total de 96 feuillets).

Mais il arrive souvent que certains cahiers n’aient pas le même nombre de feuillets que les autres. Il faut alors parfois interrompre la série des signatures. La formule « a-g8 h4 i-m8 » indique ainsi une série de 12 cahiers de 8 feuillets, à l’exception du cahier signé « h » qui n’en comprend que quatre.

Parfois, le bibliographe se trouve face à un feuillet, seul, encarté entre deux cahiers (cela m’est arrivé récemment). La formule la plus simple et la plus compréhensible consiste alors à mentionner la présence de ce feuillet par un symbole, suivi en exposant du chiffre « 1 ». On obtient alors une formule du genre « a-g8 [*]1 h-m8 ».

Il arrive qu’un ouvrage comporte plus de 23 cahiers (c’est même le cas pour la majorité des éditions). La série des lettres de l’alphabet ne suffit alors plus. Généralement, l’imprimeur reprend la signature des cahiers à la lettre « a », mais passe des minuscules aux majuscules, puis il multiplie les lettres. Il n’est ainsi pas rare de croiser des formules de signatures ressemblant à cela : « a-z8 A-Z8 Aa-Zz8 Aaa-Mmm8 ». Dans le cas présent, on est face à un ouvrage de 648 feuillets (3 x [23 x 8] + [12 x 8]), signés de « a » à « z », puis de « A » à « Z », puis de « Aa » à « Zz », puis de « Aaa » à « Mmm ».

Nous avons désormais toutes les clés pour lire et comprendre une mention de signature. Passons désormais aux travaux pratiques : combien de feuillets compte la célèbre Cosmographie de Sébastien Münster publiée chez Heinrich Petri (Bâle, 1550, in-2o), dont la formule de signature est la suivante :

[-]6 *6 [14 cartes sur bifeuillets hors-texte] a-e8 f2 g4 h-k6 l8 m2 n2 o6 p8 q4 r4 s-z8 A-B8 C6 D2 E8 F6 G4 H2 I4 K2 L4 M2 N-O8 P6 Q-R2 S4 T-V2 X4 Y4 [1 planche dépliante hors-texte entre les feuillets Y2 et Y3] Z6 Aa-Bb2 Cc8 Dd2 Ee-Gg8 Hh4 Ii8 Kk6 Ll2 Mm2 [1 pl. dépliante h.-t. entre Mm1 et Mm2] Nn-Oo8 Pp4 Qq2 Rr4 Ss2 Tt4 [1 pl. dépliante h.-t. entre Tt2 et Tt3] Vu6 Xx4 Yy2 Zz8 AA-BB2 CC8 DD4 EE-FF8 GG4 HH-KK8 LL4 MM-QQ8 RR4 SS-ZZ8 Aaa-Fff8 Ggg6 Hhh8.

Bon courage à ceux qui se lanceront !
H

5 Commentaires

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