De l’effondrement des prix en haute bibliophilie, ou comment (mal) investir 14 millions de dollars dans un livre

Amis Bibliophiles bonsoir,
On attendait avec impatience de savoir à quel prix allait être adjugé le livre d’heures réalisé autour de 1505 pour les Habsbourg et qui a ensuite appartenu à la fameuse collection Rothschild. Mis en vente par Christie’s le 29 janvier (j’en avais parlé ici: http://bibliophilie.blogspot.fr/2014/01/miscellanees-bibliophiles-et-autres-de.html), et estimé entre 18 et 19 millions de dollars. Christie’s avait donné toutes ses chances à la vente en faisant voyager l’ouvrage en Russie et en Chine (on imagine dans quelles conditions… et quelle tentation pour un Arsène Lupin bibliophile – sujet de roman à n’en pas douter) où il fût présenté à des acheteurs potentiels avant la vacation.

Son programme de tournée ressemblait plus à celui d’une rockstar faisant une tournée d’adieu:Christie’s Moscow | November 6-10Christie’s Hong Kong  | November 20-25Christie’s London | November 29-December 2Christie’s New York | January 25-28
Inutile de revenir en détails sur la description du lot (que vous pouvez retrouver ici: http://www.christies.com/lotfinder/books-manuscripts/the-rothschild-prayerbook-a-book-of-hours-5766082-details.aspx?from=searchresults&intObjectID=5766082&sid=aaeb6691-5b28-49ec-90de-91352f949fb3), c’est son histoire récente qui est passionnante:
Le livre d’heures avait rejoint la collection Rothschild au 19e siècle, avant d’être soumis une première fois au feu des enchères en 1999, déjà par Rothschild, lors de la vente de la collection des barons Nathaniel et Albert de Rothschild. Cette année là, il 15 ans donc, l’ouvrage avait été adjugé pour 13,378 millions de dollars, établissant plusieurs records au passage. 


Le 29 janvier 2014, le livre refaisait son apparition sur le marché, et cette fois, Christie’s l’estimait entre 12 et 18 millions de dollars. On peut d’ailleurs au passage s’étonner que l’estimation basse était en dessous du prix d’adjudication de 1999, si on tient compte de l’inflation, c’était presque un camouflet pour l’ouvrage.
Après un tour du monde, des articles dans de nombreux journaux à travers le monde, le marteau tombait à 13,605 millions de dollars, soit seulement 300 000 dollars de plus que l’adjudication de 1999. Encore une fois, si on tient compte de l’inflation, pour être adjugé au même prix qu’en 1999, l’ouvrage aurait dû atteindre au moins 16,500 millions de dollars… près de 3 millions de dollars se sont donc envolés dans l’intervalle… ou 200 000 dollars par an. Le prix du plaisir donc.

L’ouvrage rejoint une nouvelle fois des mains privées, mais cette petite anecdote, pour une fois, bat en brèche l’idée souvent exprimée ici et là que les prix ne feraient que monter dans une spirale sans fin. Dans le petit monde des amateurs (ou des investisseurs) où les livres s’arrachent à coups de millions de dollars, peut-être y aura-t-il désormais comme un petit doute (pour mémoire, selon Aristophil, « les prix ont augmenté de 8 % par an, en moyenne, ces dernières années », cf http://bourse.lesechos.fr/infos-conseils-boursiers/dossier/Comment-marier-ses-investissements-avec-ses-passions/manuscrits-et-livres-anciens-un-marche-d-exception-906849.php).
Et cela peut également instiller un soupçon de doute envers les sociétés qui voient dans le livre un produit d’investissement sans risque. 
O tempora, o mores.
H

7 Commentaires

  1. En tous les cas c'est une très bonne affaire et je suis heureux que cet ouvrage soit maintenant dans ma bibliothèque à côté de tous mes manuscrits des 11ème et 12ème siècles…
    … quel est ce bruit ? Ah ! Mon réveil… je rêvais…
    Xavier

  2. Si l'on ne parle que d'investissement, ce n'est pas le plus mauvais placement qui soit, à mon avis…

    Son propriétaire n'a pas payé de droit de possession annuel (comme une maison, par exemple) et son cours ne s'est pas effondré contrairement à de nombreuses actions en bourse.

    C'est plutôt rassurant. Pierre

  3. c'est vrai, la revente peut provoquer des désillusions. Dernièrement j'ai revendu un Marc Lévy de la bonne époque, tirage courant mais en très bon état, et franchement je n'ai pas retrouvé le prix d'achat. Il était pourtant enrichi d'un envoi de ma tante Gertrude.

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