Amis Bibliophiles bonsoir,
Chaque bibliophile se trouve un jour confronté aux marginalia: parfois rédhibitoires, parfois fort intéressantes, parfois elles ajoutent même de la valeur à un livre ancien lorsqu’elles sont le fruit des réflexions de l’auteur (rare, mais cela arrive) ou plus fréquemment d’un lecteur célèbre. Nous avons tous en tête les marginalia de Montaigne dans un Lycosthènes déniché sur le puces de Toulouse.
C’est d’ailleurs un autre toulousain, Olivier, qui vous présente trois exemples intéressants de marginalia.
Le premier ouvrage est une copie manuscrite d’un ouvrage de 1675. Le livre est entièrement manuscrit et contient les visions, prédictions etc. d’une religieuse, mais Olivier ne connaît pas l’ouvrage d’origine. Le « copiste » a également utilisé la page de faux-titre et l’a rempli d’une écriture minuscule et serrée. Etait-ce à but décoratif? Le texte est curieux, et semble dédier l’exemplaire (mais à qui?). Si je déchiffre correctement le début : « chère ame pour gage de mon amour je vous laisse le souvenir amoureux & fréquent (?) de ma sainte passion ainsi que la dévotion & la confiance au mistere (?) de mon auguste sacrement. […] Dans ce mistere de mon incomparable amour quoi que fils de Dieu je me suis fait fils de l’homme […] De pasteur que je vous suis je me veux tous les jours l’agneau sur les autels pour vous engresser de ma substance divine et humaine ». Etonnant, non?
Le deuxième ouvrage est plus connu. Il s’agît de l’édition originale de la Folle Journée de Beaumarchais et dans ce cas, on se trouve face au cas typique du bibliophile encombrant, tellement content d’avoir l’édition originale qu’il la couvre de notes… avant de s’arrêter, fort heureusement juste avant la page de titre.
Le troisième ouvrage est daté de 1875 et il rassemble 49 vignettes à l’eau-forte pour illustrer le théâtre choisi de Molière chez Mame (1875-1879), elles sont de Foulquier et sont montées sur onglets et reliées en un in-folio. La reliure est simple mais parfaitement exécutée et rien ne fait particulièrement penser à un maître relieur. En fin une note au crayon précise qu’il a été relié par Chambolle-Duru. Il n’y a pas d’étiquette de relieur simplement une petite marque dont je ne sais si elle est un indice. C’est un exemple assez fréquent que je retrouve dans certains de mes ouvrages… en l’absence de signature ou d’étiquette du relieur, je considère en général que la reliure n’est donc pas signée. En effet, comment savoir si l’inscription manuscrite est celle de l’amateur qui a fait relier le livre, celle d’un libraire qui voulait en accroître la valeur, ou celle d’un autre amateur… Mais peut-on réellement parler de marginalia dans ce cas?
Le quatrième livre est de 1902. Il s’agît de l’édition originale du Temple enseveli, de Maeterlick, relié en demi-maroquin par Lavaux. Dans ce cas, nous avons affaire à un bibliophile sentencieux, qui a parsemé le volume de notes où il manifeste ses accords ou désaccords avec Maeterlinck.
Il semble être l’auteur d’une nouvelle intitulée Le Meurtre qu’il ne cesse de citer et de comparer au livre qu’il est en train d’annoter. Quelqu’un sait-il de qui il s’agit? Dans ce cas, il faut avouer que les marginalia, si elles sont cocasses, sont un peu ennuyeuses. Mais cela reste mon exemple préféré et vu le personnage, il doit être amusant de les lire.
Olivier & H
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Pour compléter ce que j'ai dû écrire à toute vitesse (on ne sait jamais ce que dure la sieste d'un enfant…) :
Sur le volume "attribué à" Chambolle-Duru, c'est plus qu'une note mais une pleine page soigneusement écrite décrivant ce dont il s'agit : exemplaire, papier, prix (malheureusement au crayon à papier elle est difficile à reproduire). Elle est datée de 1885 et de la même main me semble-t-il que celle qui numérote et désigne chaque vignette en bas de page.
Bref, cela sort peut-être d'un grand atelier mais ce n'est pas une grande reliure (mais il fallait bien vivre, non?). L'inverse pouvant être vrai d'ailleurs comme je l'ai dit à Hugues en aparté : il y a de belles reliures non-signées et des reliures signées qui… comment dire…
Pour le dernier, ce qui m'amuse, c'est de me demander à qui il parle? Pourquoi citer sans cesse une nouvelle dont il est l'auteur? Une belle baudruche littéraire sans doute.
Pour le premier livre, si quelqu'un peut m'en dire davantage. J'ai trouvé un exemplaire imprimé vendu il y a quelques années mais c'est tout.
Après je ne saurais que vous en recommander la lecture : une religieuse laide (ceci expliquant souvent cela à l'époque) et acariâtre dès son plus jeune âge qui entretient des rapports avec Jésus qui ont autant d'intérêt au 17ème qu'au 21ème siècle. Ce qui est rare pour moi.
Mais je suis un mécréant…
Amicalement,
Olivier
Il me semble que notre ami Raphael est un fanatique d'ouvrages "marginaliés" du XVIe siècle.
Paléographie et bonne connaissance du latin nécessaires!
Ces annotations ne sont peut-être pas d'un intérêt primordial pour un bibliophile, mais pour les historiens du livre, les marginalia sont des objets d'études fabuleux, qui témoignent de la réception et de l'utilisation du livre.
Je ne connaissais pas le terme " marginalia". Pour les ouvrages anciens, des formations à la paléographie sont nécessaires si on veut déterminer à quel type d'ouvrage on a à faire.
Pour un libraire se pose la question de l'évaluation d'un tel ouvrage. La reliure mise à part, il est difficile d'en percevoir la valeur et encore plus de trouver des bibliophiles intéressés par ce type de livre.
Il n'empêche que je suis émerveillé par ces petites écritures en pattes de mouches illisibles mais tellement régulières. Pierre