Amis Bibliophiles Bonsoir,
Lors de la dernière vente Berès, un lot a particulièrement retenu mon attention, le numéro 59, qui proposait un ouvrage de 1605 dans une « fausse reliure aux écussons de Nodier et Thouvenin ».
J’ai voulu en savoir plus. Voici le fruit de ses quelques recherches :
J’ai déjà évoqué Charles Nodier (1780 – 1844) sur le blog. Académicien et écrivain français à qui l’on attribue une grande importance dans la naissance du mouvement romantique, il fût également conservateur de la Bibliothèque de l’Arsenal. Son relieur favori était Joseph Thouvenin (ancien élève de Bozérian), avec lequel Nodier remis au goût du jour le style « fanfare », inventant le nom même de ce style « fanfare » au passage.
Charles Nodier admirait le travail de Thouvenin et pour lui marquer sa reconnaissance, il fît pour son relieur ce que Béraldi appelle « un honneur sans pareil et unique dans l’histoire du livre » en lui demandant d’associer leurs deux noms sur ses reliures. Ainsi, sur chaque plat des relires confiées par Nodier à Thouvenin, on pouvait retrouver deux supra-libris différents : sur le premier plat, celui de Charles Nodier « Ex Musaeo Caroli Nodier », sur le second plat, celui de Thouvenin, « ex Opificina Jos. Thouvenin ». Chacune des deux mentions était entourée d’un écusson ovale et c’est pour cela qu’on appelle cette série de reliures, exécutées dans les années 1830-1834, les « reliures aux écussons ». Il semblerait également que certaines reliures exécutées dans les années 1820 aient été frappées des écussons a posteriori.
On connaît aujourd’hui environ 70 reliures aux écussons et elles sont donc très recherchées, quelques unes d’entre elles ont été vendues pendant les ventes Berès (mais je n’ai pas les prix finaux, je devais dormir lundi dernier au moment fatidique).
Le catalogue est malheureusement assez imprécis en ce qui concerne ce lot (« fausse reliure aux écussons de Nodier et Thouvenin »), alors, est-ce une reliure à l’imitation, ou bien est-ce l’un des reliures modifiées a posteriori? Vraie question.
Cet hommage de Nodier à Thouvenin en tout cas est une vraie particularité bibliophilique que je tenais à vous faire partager.
H
Déjà, si je pouvais trouver une reliure à la fanfare dans mes prix, je serai heureux! :o)
J’atendrai un peu avant d’entrer dans l’histoire!
Gonzalo, c’est le moment idéal pour vous, pour que vous restiez dans l’histoire : dénichez une reliure « à la fanfare » antérieure à 1549 et qu’on puisse dater avec certitude, et vous serez le phénix des hôtes de ce blog.
Etienne
Pourtant, Bertrand, il est tard, pour moi !
Merci pour les compliments ! Bonne nuit !
Amitiés
Jean-Paul
Je ne suis donc pas seul (après mon professeur) à effectuer la comparaison entre cette gravure et le décor des reliures dites « à la fanfare »… On peut effectuer cette comparaison, mais on ne pourra peut-être jamais dire s’il existe un lien direct entre les deux. Peut-être même existait-il un modèle antérieur dont la gravure et les reliures s’inspirent toutes deux indépendamment?
Merci Jean-Paul pour la définition (plus claire que la mienne) de ce qu’est une fanfare. Peut-être Hugues pourrait-il envisager un message sur les différents types de reliure (fanfare, Du Seuil, dentelle, etc.) et la manière de les reconnaitre: lorsque j’ai commencé à m’y intéresser, j’ai pas mal galéré pour comprendre ces différences, parce qu’aucune liste de définitions claires n’existait. Avec un peu d’habitude, on finit par comprendre, mais ça pourrait être intéressant… Hugues, raconte nous une histoire!
On ne peut même plus sortir avec des amis sans se voir affublé de commentaires! Surtout que moi, question reliure, je n’ai sûrement pas la culture de Gonzalo!
Ca c’est du commentaire ! clair, net, précis.
Merci Jean-Paul.
amitiés, Bertrand
De reliure « à la fanfare » proprement dite, il n’en est qu’une, celle que Nodier commanda en 1829 à Joseph Thouvenin pour son exemplaire des « Fanfares et courvées abbadesques… » (Chambéry, 1613).
Le succès rencontré par cette reliure lors de sa vente le 28 janvier 1830 fut tel qu’on ne put dès lors dissocier le titre de ce livre d’un style décoratif antérieur appelé jusqu’alors « décor aux petits fers ».
Le portrait équestre de l' »Entrée » d’Henri II (Paris, Roffet, 1549) montre un cavalier et son cheval vêtus respectivement d’une armure et d’un tapis de selle dont les motifs présentent effectivement toute la structure des dessins adoptés 20 ans plus tard sur les reliures parisiennes.
La référence en la matière est toujours G. D. Hobson : le décor dit à la fanfare repose sur de stricts jeux de rubans dessinant, à partir d’un ovale central laissé vierge de toute dorure ou marqué des armes d’un possesseur, des compartiments de formes et de tailles diverses qui structurent toute la surface des plats et qui sont ensuite complétés de feuillages et de petits fers dont le nombre et la disposition déterminent la densité d’une composition toujours unique (1935).
Jean-Paul
J’ai entendu (mais je ne sais plus où) la même version pour l’origine du motif à la fanfare. Pour ce qui est de l’appellation, Nodier a lui-même rapporté l’anecdote pour « épargner des tortures aux Saumaises futurs ».
Philippem
Ce qui semble convainquant dans cette thèse c’est que les premières reliures à la fanfafe apparaissetn (là encore, si j’en crois les livres) à la fin des années 1550 ou au début des années 1560. Soit quelques années à peine après la publication de ce livre. Personne ne possède l’ouvrage d’Hobson, Les reliures à la fanfare, Amsterdam, 1970? Peut-être est-ce lui qui a lancé cette thèse?
Hier, Hugues m’appelait Xavier, et aujourd’hui Bertrand m’appelle Pilou!
Le nom « reliure à la fanfare » vient bien, si ce que j’ai lu est correct, de Nodier et Thouvenin, même si les motifs « à la fanfare », à savoir des compartiments « quadrilobés » (ou bilobés) formés par deux filets (un simple et un double) et s’organisant autour d’un oval, existent depuis le XVIe siècle.
C’est l’un de mes professeurs, dont je ne me permettrai jamais de remettre en cause la compétence, qui nous a montré cette image et nous a indiqué que « certains affirment que c’est le caparaçon du cheval qui est à l’origine de l’ornementation des reliures à la fanfare »… Lui même n’ose pas être péremptoire. J’aimerai, comme vous, savoir d’où vient cette thèse, c’est un peu pour cela que j’en ai parlé ici. Quelqu’un d’autre que moi avait déjà entendu/lu cela?
Compte-tenu du fait que le livre qu’a fait relier Nodier parlait de « fanfares », (et que pour la petite histoire et le clin d’oeil, la reliure a fait beaucoup de bruit) le nom de « fanfare » pour ce type de reliures n’est donc pas bizarre du tout, et même plutôt logique.
Maintenant, savoir si les relieurs du 16ème se sont inspirés de l’image de Gonzalo…?
ça… Des preuves Gonzalo, autres que des images?
H
P.S. : Bertrand, Pilou n’a rien dit, c’est Gonzalo.
Hugues
Merci Hugues, je savais que les fanfares existaient déjà au XVIè et XVIIè siècle et qu’on ne les a appelé comme cela seulement avec Nodier. Nom plutôt bizarre d’ailleurs. Je trouve l’explication de Pilou plus convaicante en fait même si ce n’est pas la version retenue. J’aimerais bien savoir Pilou, sur quels documents tu te bases pour cette information.
Amitiés, Bertrand
De mémoire, on trouve également ce genre de reliures aux écussons dans la bibliothèque de Martin Bodmer.
Etienne
et aussi chez Pierre Bérès le n°69 visible sur ce catalogue :
http://www.bibliorare.com/vente-pierre_beres11.pdf
Pierre Bérès ne les possédait pas toutes visiblement mais presque…
Ca laisse rêveur sur la capacité de ce grand homme à collecter les plus belles et les plus rares pièces sur le marché !!
Amitiés, Bertrand
En fait, Bertrand, comme je l’avais déjà expliqué sur le blog, les reliures à la fanfare sont apparues au 16ème siècle sauf qu’on ne les appelait pas « fanfare ».
Le terme fanfare, lui, est apparu au début du 19ème lorsque que Nodier a demandé à Thouvenin d’exécuter une reliure pastiche à la manière des reliures du 16ème – 17ème.
On dit parfois que cette reliure fît tant de bruit qu’on l’appela fanfare.
Pour résumer, les fanfares existaient bien avant Nodier, mais le terme est apparu avec/grâce à Nodier.
Hugues
Pierre Bérès en possédait un autre exemplaire relié en maroquin rouge et visible sous le n°286 ici :
http://www.bibliorare.com/vente-beres-dec-05-9.pdf
Amitiés, Bertrand
A noter également l’exemplaire suivant passé en vente en 2002 et qui a été adjugé 30.000 euros sur une estimation de 30.000 euros. La particularité de l’exemplaire étant que les écussons de Nodier et Thouvenin ont été frappés sur les doublures intérieures. Fait apparemment rare voire unique pour cette provenance. Voici le descriptif complet de l’exemplaire :
ANDREINO (Giovanni Batista). L’Adamo. Sacra representatione. Milan, Geronimo Bordoni, 1613. In-4, maroquin brun, encadrement de filets dorés, l’un formant une petite boucle aux angles, large rectangle central couvert de compartiments réunis par des entrelacs et ornés de fers pointillés et fleurons, le décor s’articulant en quatre bandes verticales identiques, dos orné, encadrement intérieur orné de filets dorés, doublure de maroquin rouge orné d’une dentelle droite, écusson au centre, tranches dorées (Thouvenin). EDITION ORIGINALE TRÈS RARE, dédiée à la Reine Marie de Médicis, de cette pièce sacrée illustrant la chute de l’homme. Considérée comme l’un des chefs-d’oeuvre du théâtre italien du XVIIe siècle, elle est célèbre pour avoir été l’une des sources d’inspiration de Milton pour son Paradis perdu. L’édition est ornée d’une remarquable illustration : un titre gravé sur cuivre, orné d’une gravure à mi-page représentant la tentation d’Adam et Eve, une représentation à pleine page du Paradis, placée en frontispice du texte, et 38 gravures sur cuivre à mi-page, gravées par Cesare Bassano, graveur milanais renommé (1584-1641) d’après Carlantonio Procaccini et ses frères. L’ouvrage sera réimprimé avec quelques changements dans l’illustration chez le même éditeur en 1617. REMARQUABLE RELIURE À LA FANFARE DE THOUVENIN, DOUBLÉE. Le relieur, loin de copier servilement un modèle ancien, donne d’une fanfare une interprétation très personnelle dans laquelle l’ordre et la répétition créent l’harmonie. EXÉCUTÉE POUR CHARLES NODIER, ELLE PORTE AU CENTRE DES DOUBLURES LES CÉLÈBRES ÉCUSSONS AUX NOMS DU BIBLIOPHILE ET DE SON RELIEUR. C’est apparemment la seule reliure dont les écussons sont frappés sur les doublures. On rapprochera cette reliure de celle qui recouvre Les demandes faites par le roi Charles VI touchant son état, Crapelet, 1833, de la deuxième vente Petiet (1992, n°75), aujourd’hui à la BnF. Cet élégant volume ne figure pas dans les catalogues de Charles Nodier, et n’est pas cité par Pascal Ract-Madoux dans son étude sur les reliures aux écussons de Charles Nodier (Bulletin du bibliophile, 1982 pp. 386-391). Signature sur une garde John Burns, july 15 1921 et ex-libris imprimé avec la devise Vernon semper viret. est : 30.000, Résultat : 30.000, ( 196.787,FRF ) (05/06/2002.Paris-Drouot.L.G.B.Exp.D.C.)
Amitiés, Bertrand
Sans vouloir te contredire Gonzalo je crois que les reliures dénommées « à la fanfare » le sont ainsi en raison d’un livre particulier que Nodier a fait relié d’une façon originale, il avait pour titre :
« Les fanfares et corvées abbadesques des Double Bontemps » Chambéry 1613
Voir la reliure ici : http://www.photo.rmn.fr/cf/htm/CPicZ.aspx?E=2C6NU0V54ZC9
Après, peut-être que ton explication est bonne également, je n’en sais rien.
Amitiés, Bertrand
Théorie tentante sur le plan du graphisme…
Hugues
Le message précédent était peut-être (sûrement…) un peu abscons.
le lien est :
http://www.pba-auctions.com/resultats.html
Ah, ça va mieux comme ça…
Philippem
Hugues, vous trouverez les résultats sur le site de pba.
Cordialement
Philippem
ALlez, pour comparaison:
http://www.ville-blois.fr/servicesbibliotheques/fondsancien/visite_virtuelle/images/fanfare.jpg
Je vais commencer par répondre avec un hors sujet… Mais puisqu’Hugues évoque l’invention du terme « reliure à la fanfare » par Thouvenin, je place ma science!
Connaissez-vous cette théorie qui veut que les motifs apposés sur les reliures dites « à la fanfare » soient inspirés du caparaçon d’un sergent apparaissant dans une gravure du livre d’entrée d’Henri II à Paris (réf exacte: C’est l’ordre qui a este tenu a la nouvelle et ioyeuse entrée, que treshault, tresexcellent, & tres puissant prince, le roy treschretien Henry deuzieme de ce nom, à faicte en sa bonne ville et cité de Paris, capitale de son Royaume, le sezieme iour de Iuin M.D.XLIX., Paris, Jacques Roffet dict le Faucheur, disponible sur Gallica).
La preuve en image:
http://www.exlibrisdatabase.com/images/fanfare.jpg
Y croyez-vous?