Les sociétés de bibliophiles III – La société « Les Cent Bibliophiles », avec une présentation de Mimi Pinson d’Alfred de Musset, illustré par Courboin

Amis Bibliophiles bonsoir,
Après la Société des Bibliophiles François et la Société des Amis du Livre, je vous propose de découvrir aujourd’hui la Société « Les Cent Bibliophiles ». On l’a vu Octave Uzanne avait du mal à trouver ses marques dans les sociétés des autres, divergences de goût… et les autres dans les sociétés crées par Uzanne. Ainsi la société Les Cent Bibliophiles fut fondée par une partie des membres de la société d’Uzanne, les Bibliophiles Contemporains, qui firent sécession en 1895, parce qu’ils jugeaient les vues d’Uzanne trop modernistes (ce qui est curieux quand on pense à Rodrigues…). Les Bibliophiles Contemporains ne survivront pas à ce départ.

Alfred Piat, le secrétaire des Bibliophiles Contemporains, envoya une circulaire « pour recueillir des adhésions à un projet de Société devant pour titre « Les Cent Bibliophiles ». Après avoir obtenu l’adhésion de cent membres, Piat convoqua les futurs sociétaires dans une assemblée générale constitutive qui se tînt le 23 mars 1895. Cette assemblée générale permit d’approuver les statuts et le règlement de l’association, et le comité: Piat fut élu président, Paul Eudel et Maurice Quentin-Beauchart vice-présidents, et l’assemblée générale nomma président d’honneur… le Duc d’Aumale, déjà fort présent dans les autres sociétés, comme nous l’avons vu, ainsi que MM Claretie et Houssaye, membres d’honneur. On le constate, il existait donc des ponts entre les Amis des Livres et Les Cent Bibliophiles.
Une assemblée extraordinaire fut convoquée le 17 juillet 1896 suite au décès de Piat en mai 1896. Lors de cette assemblée, fut élu président celui qui allait incarner la société pendant 32 ans et jusqu’à sa mort, le 20 avril 1928, Eugène Rodrigues, qui, nous l’avons vu était par ailleurs lui aussi membre des Amis des Livres (il contribua notamment à Paris qui Crie). En juillet 1928, c’est Henri Vever qui lui succédera.
Portrait d’Eugène Rodrigues Henriques (1853-1928), alias Erastene RamiroLe droit d’entrée dans la société, si l’on est accepté, est de 500 francs, payables en même temps que la première cotisation, qui est aussi de 500 francs. En principe la société publie un ouvrage par an, mais le coût des ouvrages imposera parfois quelques délais. Le tirage de chaque ouvrages est limité à 130 exemplaires, tous numérotés, dont 100 immatriculés au nom des sociétaires; les autres étant réservés aux collaborateurs et au libraire agréé par la société pour l’ouvrage.
Comme dans les autres sociétés, les dîners des membres jouaient un rôle important et l’on festoyait sous l’oeil complice de Sainte Wiborade, ainsi le dîner du 10 décembre 1901 proposait-il des huîtres, des potages, de la bisque, un tournedos, du foie gras, des faisans et perdreaux, des pointes d’asperges, des écrevisses, et les desserts.
Comme Pichon chez les Bibliophiles François, comme Paillet chez les Amis des Livres (dont Rodrigues est le neveu par alliance), comme Uzanne chez les Bibliophiles Contemporains, Rodrigues avait une vision, des idées et il va réellement imprimer sa marque sur la société. 
Eugène Rodrigue est avocat à la Cour de Paris, ancien membre du Conseil de l’Ordre… et malgré cette formation en droit… il avait l’âme d’un dictateur, un caractère absolu (voir sa nécrologie dans l’annuaire des Amis des Livres: « à 26 ans… c’était un jeune avocat plein d’avenir, grand mince, brun, avec une fine barbe noire, distingué… et de caractère absolu »). Il connaissait également très bien les sociétés de bibliophiles, ayant par exemple architecturé les Quinze Histoires d’Edgard Poë  puis Lorenzaccio pour les mêmes Amis des Livres. Curieux, amateur d’art, sa vision était qu’en tant que président, il lui revenait d’imposer ses vues. La longévité de sa présidence, la longévité de la société démontrent qu’il avait raison, et ses visions prophétiques en matière d’art ne tardèrent pas à s’imposer. Il avait en effet une conception très large de l’art, et souhaita rapidement donner une liberté plus grande à l’illustration, tout en innovant au niveau des deux choses qui le passionnaient,  la fabrication et l’architecture du livre.
Rodrigues n’abandonna pas l’architecturage des ouvrages de la société à un membre ou à un autre, il assuma seul, avec le tempérament autocratique qui le caractérisait, la direction des éditions des Cent Bibliophiles. Comme le dit Raymond Hesse, les Cent Bibliophiles, c’est Eugène Rodrigues. 
Ainsi Rodrigues était-il un fervent admirateur de Félicien Rops et de Louis Legrand. En 1887, à 34 ans seulement, il avait d’ailleurs publié un catalogue descriptif des eaux-fortes de Rops chez Conquet (sous le pseudonyme d’Erasthène Ramiro), auquel devait suivre en 1891 un  catalogue de ses lithographies (toujours chez Conquet); il publiera plus tard le catalogue de l’oeuvre de Legrand chez Floury.
Pour les ouvrages publiés par les Cent Bibliophiles, Rodrigues va naturellement faire appel à ses artistes favoris et à leurs élèves, tendant naturellement vers les modernes: Rops, Legrand, Rassenfosse, Lepère, Chahine, Lucien Pissaro, Louis Jou, etc. Dans tous les cas, pour les Cent Bibliophiles, l’artiste produire toujours une oeuvre originale, donnant souvent le meilleur de lui-même, notamment parce que Rodrigues est farouchement opposé à la gravure de reproduction. Tant pis pour ceux qui n’étaient pas capable de reproduire eux-mêmes leurs oeuvres dans le bois, la pierre ou le cuivre, et qui faisaient appel à un graveur. Pour les autres, les Rassenfosse, les Jou, les Paul-Emile Colin, et autres, capables de graver de leurs mains leurs bois, les portes des Cent Bibliophiles leurs sont ouvertes. Rodrigues résumait à sa façon son horreur de la gravure de reproduction: « on me donnerait un Raphaël gravé par Albert Dürer que je n’en voudrais pas ».
On le constate, Rodrigues était un faiseur de livres. Parmi les oeuvres majeures des Cent Bibliophiles on connaît Les Fleurs du Mal (1899), avec les 160 eaux-fortes de Rassenfosse, Mademoiselle Mimi Pinson, une plaquette aux 18 eaux-fortes en couleurs de Courboin… et surtout A Rebours (1903), auquel Lepère consacra deux ans de travail, et qu’il orna de 220 bois en couleurs, comme le texte d’ailleurs, qui est lui aussi imprimé en plusieurs couleurs. En 1905, les Cinq Contes Parisiens de Maupassant, et même Quelques Fables de La Fontaine illustrées par Chadel de gravures sur bois de fil, imprimées à l’eau selon la méthode japonaise de M. Urishibara, artiste de Tokyo.
Focus:Mademoiselle Mimi PinsonProfil de Grisettepar Alfred de MussetEaux-fortes en couleurs par François CourboinParis, Les Cent Bibliophiles,1899Tiré à 115 exemplaires, n°23 pour M. Adolphe Bordes, enrichi d’une suite sur chine.


Reliure de Mercier, successeur de Cuzin.
Rodrigues était un moderniste. Il regroupa d’ailleurs autour de lui puis de Vever de grands bibliophiles de son époque: Louis Barthou, Jean Borderel, le Duc de Massa, etc. mais comme le disait Raymond Hesse, pour résumer l’emprise de Rodrigues sur la Société: « Les Cent Bibliophiles ou cent têtes sous le même bonnet ».
H
Dictionnaire Encyclopédique du Livre
Histoire des Sociétés de Bibliophiles, Raymond Hesse

7 Commentaires

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