Portrait de Bibliophile : Il était une fois un bibliophile qui…

Amis Bibliophiles bonsoir,
Je vous propose ce soir de découvrir le portrait d’un bibliophile, fidèle du blog, fidèle entre les fidèles, même. Bonjour, Pourriez-vous nous parler un peu de vous et de votre bibliothèque?

J’ai 37 ans, je suis père de famille de deux (bientôt trois) petites filles, provincial d’origine, j’habite en région parisienne depuis la fin de mes études. Je suis cadre supérieur dans un grand groupe français, dans lequel j’occupe un poste à dominante marketing.
Une de mes bibliothèques de biblipégimane accompli.

Ma bibliothèque n’est malheureusement pas regroupée dans une seule pièce mais elle couvre quelques longs mètres de murs dans mon appartement, sans compter les livres qui sont posés un peu partout, sur les tables, les bureaux, dans les commodes, bref à leur place, mais pas seulement… Mon épouse est heureusement compréhensive et tolère avec humour cet envahissement progressif. La cadette de mes filles n’a que 4 ans et est passionnée par les livres, qu’ils soient modernes ou anciens. Après avoir dépecé une édition courante des Fables de La Fontaine du 19ème à l’âge de 3 ans (il faut bien apprendre), elle est aujourd’hui beaucoup plus respectueuse des livres et le croiriez-vous, elle est tout à fait capable de distinguer le veau du maroquin; à condition que celui-ci soit rouge, il est vrai, mais je ne crois pas avoir connu la nuance avant l’âge de 22 ans en ce qui me concerne. Il est amusant de constater que lorsque je lui demande ce qu’elle voudra faire plus tard (et oui, tous les parents sont les mêmes), en espérant qu’elle me réponde astronaute ou artiste, elle me répond invariablement « vendre des livres anciens », ou « changer la litière des chats »… Il ne me reste plus qu’à espérer qu’elle penchera du bon côté.

Pour revenir à ma bibliothèque, elle est à mon image : protéiforme et changeante, éclectique et exigeante. Vous y trouverez des ouvrages de voyages, de la littérature, des curiosités, un peu de militaria et une bonne pincée d’occultisme, mais ceci n’est pas restrictif et je fonctionne au coup de cœur. Au moment où je vois un livre et où je le prends en main, je sais en général immédiatement si j’en ai envie, la question suivante étant « est-ce raisonnable ou pas (oui, j’ai une famille à nourrir !) ? ». J’ai malgré tout quelques domaines spécifiques : les textes curieux (je lis en général les ouvrages que j’achète, ou je les feuillette, souvent par manque de temps, en attendant d’en avoir plus), les ouvrages joliment illustrés et les reliures de Lortic sur des ouvrages anciens. Pourquoi Lortic ? Je ne sais pas, mais je caresse souvent l’espoir insensé de rassembler une bibliothèque entière avec ses reliures. Quelques reliures de Lortic

Il est vrai que je suis bibliopégimane, j’aime la reliure, pardonnez-moi mon père. En passant je trouve d’ailleurs regrettable le léger mépris qu’ont souvent les bibliophiles pour les bibliopégimanes, après tout, on peut être les deux. Comme le dirait un délicieux personnage que j’ai croisé cette semaine : « la reliure est au service du livre, et le livre au service du texte ».

A bien y réfléchir, le seul critère évident de ma bibliothèque est la période qui m’intéresse : en général, je n’acquiers aucun livre postérieur au 18ème siècle. Pour autant, je n’ai pas d’incunable, parce que les seuls qui pourraient m’intéresser sont inabordables financièrement. Je ne suis pas dans une logique où je veux posséder un incunable uniquement pour en avoir un.

Autre chose importante, à seulement 37 ans, j’ai l’impression d’avoir déjà eu plusieurs bibliothèques. En effet, d’une part, j’ai changé d’orientation il y a quelques années, et d’autre part, et surtout, je suis un fervent partisan des entrées et sorties au service de l’amélioration. Ainsi, si certains ouvrages qui sont aujourd’hui dans ma bibliothèque sont là « pour toujours », d’autres entrent et sortent au gré des améliorations possibles et des besoins financiers pour acquérir d’autres ouvrages. Je déteste avoir plusieurs exemplaires d’un même ouvrage, même si cela arrive, j’ai trop d’amour à donner ! Au final, en y songeant, c’est l’émotion que je recherche, chaque livre m’envoie des ondes particulières, je connais chacun d’entre eux. Ce sont des choses que seuls d’autres bibliophiles peuvent comprendre.

Depuis quand la passion de la bibliophilie s’est-elle emparée de vous?

J’ai toujours été passionné par les livres. Lecteur insatiable, je lis aussi bien des ouvrages modernes que des ouvrages anciens, et en général deux ou trois à la fois. C’est par la lecture que je suis venu à la bibliophilie. En effet, alors que mes études m’ont laissé peu de temps pour m’intéresser aux livres, pour le plaisir en tout cas, mon service militaire dans la Royale m’a offert cette occasion. Officier sur un bateau gris, j’avais pris l’habitude de me rendre chez un libraire brestois avant chaque embarquement, pour acquérir un grand texte dans une belle édition 19ème, qui me servirait de compagnon en mer. Ce type de navigation est en effet très propice à la lecture. C’est ainsi que petit à petit je me suis constitué une bibliothèque dont je me suis ensuite séparé pour m’orienter vers des ouvrages plus anciens.

Depuis, cette passion dévorante, omniprésente, ne m’a jamais quitté. Je vis en pensant aux livres, et je rêve même souvent d’en vivre. Rapidement, chercher, acheter, lire et chérir les livres ne m’a plus suffit et j’ai essayé d’aller plus loin : cours du Gippe à la Maison de la Bibliophilie, heures passées dans le froid à discuter avec un libraire du marché Georges Brassens, interminables week-ends de chine, etc… jusqu’à ce que je sente seul et que je me décide à essayer de créer un lien entre les bibliophiles.

Quels sont vos domaines de prédilection, ou votre approche est-elle éclectique et vous fonctionnez au coup de coeur?

Comme je l’ai dit plus haut, je suis éclectique et tout en ayant quelques obsessions, je fonctionne au coup de cœur. Je vis la bibliophilie comme une passion, sans volonté sourgetiste de valoriser ma bibliothèque, c’est sans doute aussi pour cela que je n’ai pas comme objectif de créer un ensemble cohérent.

Ce qui est capital pour moi c’est surtout la qualité des ouvrages : que le texte soit bon, c’est une affaire de goût, mais je rejette systématiquement les livres incomplets, les dépareillés, et les reliures abîmées. Si je ne devais donner qu’un seul conseil à un jeune bibliophile, en toute modestie, ce serait celui-là : évitez cet écueil sur lequel la plupart d’entre nous ont déjà naufragé, achetez peu, mais achetez mieux, écartez tous les livres à défauts, ces livres « à problèmes » deviennent rapidement des poids morts que l’on traîne comme des boulets et que l’on finira par remplacer ou doubler.

Où achetez vous vos livres.? Internet, salons, libraires?

Vous me verrez partout ou presque où l’on trouve des livres : sur les salons, dans les salles des ventes, dans les brocantes et autres vide-greniers au petit matin (l’espoir fait vivre), au marché Brassens (plus pour l’ambiance que pour les livres désormais), sur ebay, sur les sites généralistes de type abebooks, même dans des dîners de bibliophiles, mais c’est vrai, de moins en moins chez les libraires… sauf en province, parce qu’ils sont plus sympas !

Quel est le ou les livres qui vous font rêver? Et les livres que vous possédez déjà et qui vous sont particulièrement chers?

De manière générale, je rêve devant des éditions anciennes, en français, bien reliées, même si la reliure n’est pas d’époque, tant qu’elle est parfaitement exécutée. Il n’est pas de livre qui me fasse spécifiquement rêver, ou alors il y en a trop! Le Songe de PoliphileEn ce qui concerne les livres que je possède déjà et qui me sont chers : et bien tous, mais la réponse est trop aisée, il vous en faut plus, alors allons y : avant tout j’ai une faiblesse pour le premier livre ancien que j’ai acheté (30 francs), une édition 18ème de Racine en format Cazin, viennent ensuite un Songe de Poliphile, une folie que je me suis un jour offerte, une Histoire des Larrons en maroquin rouge, un Licetus et les Contes et Nouvelles en vers de La Fontaine, tout deux reliés par Vermorel, l’un en vélin doublé de maroquin, l’autre en maroquin bleu, et puis il y a aussi…. Il y en a trop, je ne saurais choisir. Vous savez que les lecteurs du blog aiment les histoires, auriez-vous une anecdote à nous raconter, sur une trouvaille, un livre, autre chose qui touche à la bibliophilie?

J’en aurais beaucoup, histoires de chopins, histoires de dépareillés réconciliés, histoires de négociations déraisonnables de ma part, histoires de salles des ventes, etc. Je me contenterai d’une seule : il était une fois un bibliophile qui aimait tellement les livres qu’il ne pouvait se résoudre à vivre cette passion seul. Il lui fallait la partager. Après avoir cherché sans succès dans son entourage il finît par se résoudre à aller courir le monde pour aller à la rencontre de ses pairs. Il aurait pu délaisser ses livres et mettre un sac sur son dos, il a choisi de rester auprès d’eux, et il a ouvert un blog. Mais quel nom lui donner ? Tout simplement « Le Blog du Bibliophile ». Et puis voilà…
Enfin, vous êtes un visiteur fidèle du blog… qu’en attendez-vous?

Il fait partie de moi aujourd’hui, même s’il est parfois difficile de poster un message par jour. Je voudrais en fait qu’il continue de vivre, tout simplement, parfois sans moi, et je remercie profondément ceux d’entre vous qui m’offrent des respirations en m’envoyant leurs messages à publier.

Enfin, finalement, il est devenu un point de rencontre virtuel incontournable entre bibliophiles, j’aimerais maintenant que ces rencontres se prolongent dans le monde réel, comme cela a déjà été le cas plusieurs fois. Ces instants passés avec certains d’entre vous lors de dîners et de déjeuners ont été pour moi un aboutissement, la raison pour laquelle j’ai un jour créé ce blog. Rien ne me fait plus plaisir que lorsque l’un d’entre vous décide de sauter le pas et de nous rejoindre. J’ai d’autres projets autour du livre, d’autres idées pour renforcer cette petite communautés, je vous en parlerai un jour prochain !
Au fait, aujourd’hui, vous venez de lire le 500ème message publié sur le blog…
H

25 Commentaires

  1. May I just say what a comfort to uncover somebody who actually knows what they’re talking about on the net. You actually understand how to bring an issue to light and make it important. More people must read this and understand this side of the story. I was surprised that you’re not more popular since you definitely possess the gift.|

  2. Qu’ajouter à tous ces commentaires, sinon merci pour ce travail quotidien et enrichissant. L’ouverture du blog suit immédiatement celui du courrier, c’est un signe qui ne trompe pas. Je comprends et partage ton amour « physique » de certains ouvrages.
    A bientôt

  3. L’avantage de parler après les autres est qu’on peut s’en tenir à la formule: « tout a été déjà dit… ». L’inconvénient est qu’on se sent honteux de recourir à un tel expédient en face d’un travailleur aussi opiniâtre que Hugues: je dirai donc que, pour ma part, l’un des principaux apports de ce blogue a été de me faire me sentir (un peu) moins excentrique qu’auparavant et (beaucoup) plus savant, ce qui n’était guère compliqué vu le niveau de départ…
    Vale,
    Guillaumus

  4. Et nous sommes tous reconnaissants pour l’�nergie, le travail, la culture qui font vivre ce blog…
    rendez-vous quotidien incontournable!

  5. J’ai tenu 8 jours sans internet suite à un problème inexpliqué avec mon serveur… Pas de problème, j’avais tant de travail en retard!

    Lorsque la connexion s’est comme par miracle restaurée (j’aimerais quelquefois des interlocuteurs aussi clairs que Bernard dans leurs explications…), j’ai, dans l’ordre, été sur le site :

    – de ma banque (ça va, merci…)
    – d’Ebay pour payer des enchères remportées (avec excuses pour le retard à l’allumage)
    – du bibliophile pour y retrouver les commentaires et les articles toujours aussi passionnant de ses acteurs.

    J’ai quelquefois des scrupules à voir son « commodore » faire tourner la machine sans trop pouvoir aider. Mais n’est-ce pas ce qu’un équipage attend de son capitaine ?

    Remerciements. Pierre

  6. Bonsoir à tous,

    Un grand merci à Hugues pour cette heureuse initiative.
    Je rejoints l’avis d’Isa quant à la fréquence des messages.
    Il te faut une sacrée énergie pour ces « dons » que tu nous fait et je regrette pour ma part de ne pouvoir suivre ce rythme et ne me connecter que 2 ou 3 fois par semaine(mais je lis « en vitesse » les messages sur mon email)
    J’ai appris énormément grace à tes messages et aux commentaires, ma bibliophilie à évoluée (je suis devenu plus exigeant), je me sens moins seul et je suis sorti de mon trou pour les rencontres qui ont été de grands moments de plaisirs et de convivialité (ma femme peut témoigner que c’est un exploit que de me faire cotoyer des « vrais gens » !!!).
    Je râle de ne pouvoir être de la prochaine « expédition ».
    Amitiés
    Pascal (de Soissons)

  7. 500 messages, quand on y pense c’est assez énorme. Merci beaucoup pour ce blog. Souvent je culpabilise en me disant que je devrais vous envoyer un message à diffuser, mais voilà je manque de temps.
    C’est aussi pour cela qu’il me semble légitime que vous ne postiez qu’un jour sur deux, c’est déjà un très bel effort.
    J’ai tenté un blog l’année dernière, sur un tout autre sujet, j’ai tenu 15 jours! Pas plus!
    Bravo donc, et merci
    Etienne

  8. Avec ce Blog, Hugues, tu as réussi le pari de l’impossible, à la fois fédérer de nombreux bibliophiles autour d’un contenu tout aussi riche qu’éclectique, répondant à l’attente de très nombreux amateurs de livres en tous genres.

    Plus que cela encore, tu as réussi à mettre en place une communauté, petite encore, mais qui ne demande qu’à grandir, partager.

    Je suis heureux d’en faire partie, fier d’y participer dans ma modeste mesure et surtout, ému d’avoir en plus de tout cela, trouver un ami.

    Tu me permettras de dire ici, en public (ou presque), sans fausse pudeur. C’est plus d’une fois déjà que je t’ai affublé du titre de « mon meilleur ami ». J’espère que je le mérite, toi c’est certain.

    Foin des épanchements sentimentaux, mais cela fait du bien de dire les choses telles qu’on les ressent. C’est sans doute la projection de « Deux jours à tuer » (le dernier film de Jean Becker), dont je sors à l’instant, qui m’incite à tant de franchise.

    Amitiés bibliophiliques, Bertrand

  9. Merci pour ce beau portrait.

    J’ai particulièrement apprécié la phrase : « chaque livre m’envoie des ondes particulières, je connais chacun d’entre eux ».

    Jean-Marc

  10. 500 messages ! Est-ce raisonnable?
    Acheter des livres ! Collectionner des livres rares! Est-ce raisonnable?
    En tous cas c’est passionnant surtout avec un lieu de rencontre comme celui-ci. Bravo
    Lauverjat

  11. Bien d’accord avec Isabelle. J’avais déjà conseillé à Hugues de prendre un nouveau rythme, pour ne pas trop négliger famille et travail…mais ils sont têtus ces bibliophiles !

  12. Isabelle, je suis tout à fait d’accord avec vous. J’ai moi aussi du mal à suivre le rythme…

    Pour ma part, j’ai peur de paraitre trop élogieux sur ton portrait, car tu as la « malchance » d’être l’auteur de ce Blog !
    Pourtant je veux te remercier pour le plaisir procuré dans la lecture de ton cheminement vers l’Univers du Bibliophile.
    Grâce à toi nous pouvons aujourd’hui dialoguer, échanger et partager cette même passion.

    Merci encore
    Toute mon amitié
    Xavier

  13. Bonsoir,
    Merci pour ce portrait aussi sympathique que son auteur !
    Mais, au risque de faire « ronchonner » les « fidèles du blog » dont je fais partie, pourquoi ne pas ralentir un peu le rythme qui, effectivement, doit être très ardu à tenir ? Avec notre soif perpétuelle de nouveaux articles, j’ai l’impression que nous sommes en train de vous « vampiriser ». Un nouvel article un jour sur deux seulement ne serait-il pas suffisant ? Cela donnerait le temps aux lecteurs de lire tous les commentaires ou d’y participer. Personnellement, je suis ravie de trouver chaque jour des nouveautés mais je sais que je n’ai pas toujours le temps de suivre tous les commentaires et c’est souvent regrettable. En adoptant un rythme moins soutenu mais régulier, vous nous inciterez peut-être aussi à intervenir davantage, puisque nous saurions que nous avons un certain temps pour réagir à chaque article avant qu’un autre n’attire notre attention. Pour ma part, je sais que dans ces conditions je continuerai à venir tous les jours sur ce blog : j’y lirai les commentaires, ou je fouillerai dans les archives pour relire un article qui m’a intéressée, ce qui ne manque pas !
    Bref, j’espère ne pas me faire « lyncher » par les « fidèles » mais j’aimerais savoir ce qu’ils en pensent. Pour que ce blog vive, il faudrait que son auteur arrive à survivre !
    Amicalement,
    Isabelle

  14. 😉
    Je me précipite avant que le « n’en jetez plus » résonne. Merci encore pour ce rendez-vous…!
    J’aurais beaucoup appris en 500 posts…! Si je ne suis toujours pas bibliopégimane, je me sens gagné… (Satan sort de ce corps!!). Bibliophile débutant lorsque ce blog est né, je crois avoir « grandi » en fort peu de temps. Et je crois ne pas être le seul…
    Bonne soirée Hugues et la bise à vos filles (bibliophages et à venir…)!!
    Olivier

  15. Hugues, merci.

    [Première phrase de Bergamoustique (3 ans 1/2) ce matin au réveil : « quand je serai grand je voudrai réparer des livres ! »]

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