Tribune libre et iconoclaste par un expert: la présentation de la vente de Livres chez Millon & Associés, le 30 juin

Amis Bibliophiles bonsoir,
J’avais prévu d’écrire un message pour vous présenter la vente Millon & Associés, « Livres Anciens & Modernes, Autographes », avant de me raviser. Puisque notre ami l’excellent (et iconoclaste?) Ugo officie en tant qu’expert pour la vente, j’ai préféré lui céder la place et lui demande un petit texte. L’idée de base était une présentation simple de la vente… mais Ugo ne fait pas comme tout le monde… Le mieux est de m’effacer et de lui laisser la parole….
« Ce bouquin je ne le mettrai pas au catalogue; arrivé trop tard. L’heure c’est l’heure; même les enfants le savent. A 8h30, l’école ferme ses portes; à 8h31, tu restes sur le trottoir, et donc représailles: ni ordi, ni télé jusqu’à demain. Je sais, je suis un tyran. 
Pourtant il est plutôt maigre le catalogue, 200 numéros à tout casser. Alors un livre de plus, un livre digne de ce nom, je suis preneur. Mais là, j’ai plus le temps, je dois rendre ma copie. Tant pis, ce sera pour une prochaine vente, même qu’il fera une très bonne couverture de catalogue, ce livre de dernière minute. 

Heureusement je ne suis pas tant démuni. D’abord, il y a ces grandes roses de Redouté. 

Mais qu’en dire ? Une double page bien torchée et passez muscade ! 
Surtout, il y a ces incunables qui me font bien plaisir, merci pour moi. Des beaux, des grands, des balaises, des qui en jettent, qu’on expose sous vitrine fermée et si j’ai des doutes sur tes qualités bibliophiliques, si je t’imagine du genre à ouvrir un ouvrage à plat avec grand angle à 90°, si je te soupçonne de mouiller tes doigts pour tourner les pages, si je te subodore touriste en veine de curiosité, alors j’ai pas la clef. Non, vraiment désolé… La faute au commissionnaire, Savoyard cuit au génépi qui rigole dans son coin. Reviens le matin de la vente entre 11h et midi. 
Parce que vois-tu, coté incunables, y’a du lourd, du matos en veux-tu en voilà; à la régalade.  Du faaastoche qui plus est, des grosses machines traçables, connues, déjà sanctifiées par des ex-libris qui les introduisent genre «by appointement».  Une seule chose à faire, trouver quelque chose de nouveau à raconter, une histoire qui ne sera pas une resucée, qui ne sera pas un copié-collé wikipedia; genre l’auteur, sa vie, son oeuvre; même pas ses moeurs au cas ou on serait tenté de rigoler. D’ailleurs  ils n’ont pas besoin de moi pour leur faire l’article; ils vont se vendre tout seuls les petits chéris.Mais bon, je ne peux pas me contenter d’une fiche technique. Et il y a tant de choses à dire; s’intéresser à l’imprimeur; plancher sur ses presses, ses fontes, sa gens, se concentrer sur qui à produit quoi; avant et après qui.  Tartiner sur la genèse de l’ouvrage, la version du texte; vraiment de quoi gratter. Surtout oublier l’auteur, sauf si l’auteur est un autre et qu’Augustin n’est pas vraiment le saint annoncé mais un de ceusses qui ont écrit par-dessus lui. Alors quel plaisir de dire  Pseudo-Augustinus plutôt que Saint-Augustin; ça fait savant, c’est élégant. Voila un livre que j’aime dans le miroir que je lui dresse. Bien sur qu’il est le plus beau du monde, noblesse oblige, puisque c’est moi qui suis chargé de le décrire. 
Mais lui, ce petit dernier, arrivé trop tardivement pour me laisser le temps de le décapsuler; il est anonyme; brut de pomme, sans couronne ni décorum, malgré ses 55 bois gravés. Juste une date 1482.
Merci l’imprimeur… pas un nom, pas un lieu; silence radio; y’a quelqu’un ?
D’accord une gothique ronde et un filigrane à  fleurs de lys; c’est Franco-français ça madame. Sauf que Hain (8261) me renvoie à un Albert Kunne de Memimngen. Ah tiens, le Kunne en question, il a aussi imprimé un Rolewinck, Et vu qu’il y a  des diables mahousses dans ce bouquin comme ceux qu’on trouve dans le Fasciculus temporum, ça pourrait coller. Mais il n’en est pas sur, le Hain. Même qu’il dit «forte» avant de dire Memmingen. D’accord, il a le droit de ne pas être sur de lui le bénédictin de l’incunable. Sauf que ne pas être sur de soi quand moi je nage dans le potage, c’est agaçant; isn’it ?
Et depuis quand les teutons utilisent cette  gothique charnue, ronde de la fesse et du téton? Et qu’est-ce qu’un foutu germain du fin fond de la Bavière irait acheter du papier français pour ses presses ?  En plus il y a un grand dessin au lavis collé sur le 2° contre-plat. Un crucifié de toute beauté, peu ou prou contemporain de l’ouvrage. Mais pour  dessiner comme ça, faut avoir fait un tour en Toscane, s’être imprégné des fresques de Giotto. France, Allemagne, Italie; je vais pas me farcir toute l’Europe ?!?
Déjà que je me suis gouré le jour de notre rencontre; Postilla super epistolis et evangeliis  avez-vous dit… Docteur Livingstone je présume ? Mais non, c’est Christophe Colomb, couillon !
Nicolas de Lyre, 2 parties sur 4, beuh que neni… Alors Simon de Cremone ? Niama ! Alors qui ? Ah, ben oui, Guillaume d’Auvergne Mais le Guillermus en question faut aller le pécher à la 14° ligne de la 2° colonne du verso du feuillet A3 ou quelque chose dans le genre. Enfin tout s’éclaire; Hain c’est gouré et Copinger ne l’a pas rectifié. Dieu merci les cocos de l’ISTC (ig00677000) ont réparé l’erreur. Désormais tout s’accorde Gesamtkatalog 11984, Goff G677 ; Pellechet Ms 5661, &c.  

Jusqu’au Fond des incunables de la bibliothèque de Cologne qui l’a numérisé : http://inkunabeln.ub.uni-koeln.de/vdib-cgi/kleioc/0010/exec/pagemed/%22gbiv1731%5fdruck1%3d0001%2ejpg%22

Imprimé à Lyon par Nikolaus Philippi et Markus Reinhard…  Mais c’est qu’il est complet le kiki !!!, jusqu’à ses deux derniers feuillets blancs et 55 bois gravés. Miracle : je me sens capable de chanter le Salve regina sur fond de vuvuzela.

Sauf que les savants bibliographes, ils  disent tout sauf ce qui m’intéresse. Ces illustrations c’est de qui ? Qui tient la gouge entaillant le bois ?
Le maître à l’abeille ou celui à la feuille de vigne, le maestro au pot de confiture ? Là, il va falloir chercher loin. A moins de tomber sur le travail d’un universitaire qui a potassé le sujet. Heureusement, il me reste encore des cartouches, comme ce très cher Claudin dont j’espérais faire l’économie parce que chacun des 4 tomes pèse un âne mort. Mais bon, faut bien s’y coller. Claudin en décrit un autre, deux ans après, chez les mêmes imprimeurs. Sauf que dans celui qu’il reproduit, les bois présentent quelques différences. Ceux de Claudin sont retravaillés; enfin non copiés puisque désormais ils s’alignent par rapport aux colonnes. Dans celui que j’ai entre les mains, ils débordent, bousculent la typo et empiètent sur l’espace qui sépare les colonnes. Ils ont donc été conçus avant que les imprimeurs n’aient l’idée de produire l’ouvrage. Ils ont donc été déjà utilisés mais par qui et pour quel ouvrage ? 
Allez, il reste encore beaucoup de travail. Mais je n’ai plus le temps. Je dois boucler le catalogue, l’envoyer à l’imprimeur; espérer que les fiches sont les bonnes et vogue la galère. C’est trop tard pour toi mon petit Guillaume D’auvergne, évêque de Paris. Tu attendras une vente d’automne. Mais promis, tu en seras une des stats. Et en attendant, tu partiras en vacances avec moi.
Ugo. »

Iconoclaste? Merci Ugo! N’oubliez pas la vente, le mercredi 30 Juin 2010, Drouot. Je pense que Ugo reviendra nous voir à l’automne… En attendant, vous pouvez consulter le catalogue complet ici:http://www.millon-associes.com/vo30062010/millon_30062010.pdf

Hugues
PS: nouvel ebayana demain samedi

7 Commentaires

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  2. De la façon de faire les choses très sérieusement en ne se prenant pas au sérieux…

    Excellent Billet. En espérant que les enchères restent basses pour démontrer que les estimations étaient justes ;-)) Pierre

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