La Reliure: la couleuvre de Colbert, les armes « animalières » parlantes des bibliophiles III

Amis Bibliophiles bonjour,
Après Fouquet et son écureuil, poursuivons notre petite découverte des armes utilisant les animaux symboles de leurs propriétaires, avec la couleuvre du Grand Colbert, qui était d’ailleurs l’un des rivaux de Fouquet à la cour et dans la course au pouvoir.
Né à Reims, fils aîné de Nicolas Colbert et de Marie Pussort, le « grand Colbert » (1619-1683) fit ses études au collège jésuite de sa ville natale avant d’aller travailler à Lyon dans la maison de commerce de son cousin Oudart. Il quitta ensuite la capitale des Gaules pour Paris, où il fut successivement clerc de notaire et employé dans un bureau de finances. En 1640, son cousin Colbert de Saint-Pouange le fit entrer dans le bureau du secrétaire d’Etat à la guerre, Sublet des Noyers. Il devint ensuite premier commis de Michel Le Tellier. C’est la recommandation de Mazarin, dont il administra la maison à partir de 1651, qui lui permit de gagner la confiance de Louis XIV après la chute de Fouquet en 1661. On se souvient du mot de Mazarin peu avant sa mort le 9 mars 1661, lorsqu’il suggère à Louis XIV de prendre Colbert à son service: « Sire, je dois tout à votre Majesté, mais je m’acquitte de ma dette en lui présentant Colbert ».
Dès lors, et jusqu’à sa mort en 1683, Jean-Baptiste Colbert joua un rôle de premier plan dans la politique intérieure et extérieure de Louis XIV, notamment en tant que contrôleur général des finances, secrétaire d’Etat à la marine et à la maison du roi et surintendant des bâtiments.
Sur le plan économique, il mit en oeuvre une politique résolument mercantiliste et encouragea le développement des manufactures. Son action dans le domaine de la marine fut double : développement d’une marine de guerre, création de grandes compagnies de commerce. Il encouragea enfin les sciences et les arts par la fondation des académies royales.
Il encouragea le commerce, protégea les sciences, les lettres et les arts, et favorisa également la recherche en créant l’Académie des sciences (1666), l’Observatoire de Paris (1667) où Huygens et Cassini furent appelés, l’Académie d’architecture (1671).
Tout en gérant d’une manière si brillante les affaires de l’État, Colbert avait amassé une fortune considérable, qui s’élevait à environ dix millions ; aussi à sa mort, le peuple, croyant voir dans cette fortune un signe de déprédation, insulta son cercueil ; il fut enterré à Saint-Eustache, où resteraient ses jambes ; le reste de ses ossements fut transféré dans les catacombes de Paris en 1787.Sa devise : « Pro rege, saepe, pro patria semper » (« Pour le roi souvent, pour la patrie toujours »). Il laisse une image d’excellent gestionnaire, même si les résultats économiques peuvent paraître assez faibles, en raison des fortes ponctions générées par les dépenses guerrières de Louis XIV.
En matière de bibliophilie, Colbert est l’un des plus grands amateurs du 17ème siècle, à l’image de son mentor, Mazarin et dans une moindre mesure de Fouquet. 
Est-ce l’influence d’un autre immense bibliophile, Mazarin, ou son apprentissage au collège des Jésuites de Reims qui firent de Colbert un amateur passionné? Toujours est-il qu’il y consacrera une part de son énergie, accordant ses soins à la Bibliothèque du Roi et à sa bibliothèque personnelle. En effet, s’il confie la charge de garde de la librairie à son frère Nicolas, Jean-Baptiste assure lui-même la gestion de la bibliothèque royale, avec l’aide de Carcavy et de Nicolas Clément.
C’est d’ailleurs Pierre de Carcavy et Etienne Baluze qui gèreront de leur côté la bibliothèque personnelle de Colbert. C’est Baluze qui se charge des nombreux achats à Paris et dans l’Europe entière, mais aussi intègre les doubles de la Bibliothèque du Roi. Ainsi en 1680, Colbert acquiert la collection de manuscrits de Jacques-Auguste de Thou (800 volumes).La bibliothèque de Colbert, la « Colbertina » survivra à son décès jusqu’en 1728, date à laquelle elle est mise en vente par le neveu des fils de Colbert. Au moment de la vente, la bibliothèque compte 22 000 volumes et les enchères dureront 6 mois. C’est la Bibliothèque du Roi qui achètera les manuscrits.
22 000 volumes, on comprend pourquoi les ouvrages aux armes de Colbert ne sont finalement pas si rares, tout en restant recherchés: les fameuses armes à la couleuvre (D’or, à la couleuvre ondoyante en pal d’azur), sont assez fréquentes dans les salles des ventes réelles ou virtuelles. On trouve également son chiffre couronné sur les dos.Une anecdote pour terminer, si vous avez déjà compris que l’explication de la couleuvre vient de son étymologie (coluber en latin, qui donne colber et donc Colbert si on enlève le « u »), saviez-vous qu’après avoir commencé sa carrière dans le clan Le Tellier, Colbert créa son propre courant et devint le rival de François Michel Le Tellier de Louvois, le secrétaire d’État à la guerre. 

Face à la couleuvre de Colbert, les Le Tellier ont comme symbole le lézard étoilé, qui se dit « stellio stellifer » en latin…. Et si on enlève les « s » et « f » de « stellio stellifer », on obtient « tellio tellier ». Les armes parlantes de la famille Tellier sont donc constituées de trois lézards et trois étoiles. Il arrive aux couleuvres de manger un lézard, mais trois, ça fait beaucoup…
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