Pour qui, pourquoi ? Ce sont en effet, au fond, les questions capitales…
Collectionner, amasser, mais dans quel but, pourquoi ?
Je vous renvoie à l’excellent ouvrage de Werner Muensterberger, « Le Collectionneur : anatomie d’une passion ». Ce psychanalyste américain a longuement exploré l’état d’esprit du collectionneur, en illustrant ses thèses de nombreux exemples concrets.
Selon lui, la collection, cette quête perpétuelle d’objets nouveaux, que rien ne peur rassasier, provient « d’un souvenir sensoriel – qui n’est pas immédiatement identifié – de privation, de perte ou de vulnérabilité, et d’un désir consécutif de substitution, étroitement associé à la morosité et à des tendances dépressives ».
En quelque sorte, la collection est à l’adulte, ce que le doudou serait à l’enfant, une façon inconsciente de faire face aux angoisses, à l’appréhension, à la vulnérabilité ou à la solitude. L’objet devient un talisman, une protection magique, un réconfort, qui vient remplacer la consolation ou l’attention qui ne seraient pas prodiguées…
Selon Muensterberger encore, l’acquisition et l’accumulation, caractéristiques du collectionneur, seraient une conséquence d’une phase d’individuation mal vécue. (pour Carl Jung, L’individuation est caractéristique de la seconde moitié de la vie : quand l’homme a établi sa place dans le monde une nouvelle exigence peut se faire valoir à lui : celle d’être vraiment lui-même, être ce qu’il est, tout ce qu’il est, et seulement ce qu’il est. Merci wiki pour cette définition claire). Si l’individuation se fait mal, ou incomplètement, alors l’être humain lui trouve des substituts symboliques, la collection par exemple.
Ainsi, la « collectionnite », « propre de l’homme », est présente dans toutes les sociétés et à toutes les époques (Muensterberger donne des exemples remontant à la Rome antique). Chaque enfant notamment passerait par cette phase, de façon plus ou moins prolongée, pour faire face au premier dilemme, celui de la substitution (de la mère), mais idéalement, c’est seulement une étape qui doit être transitoire.
Un autre aspect intéressant, auquel je suis confronté en direct avec ce blog (plusieurs d’entre vous m’ont fait part de leur réserve naturelle quant à échanger sur leur passion) est le suivant : si les collectionneurs aiment parfois rencontrer d’autres amateurs, ils ont beaucoup de mal à se départir d’une attitude qui consiste à considérer ces relations soit comme des « contacts », susceptibles d’être d’éventuels rabatteurs ou nouvelle source d’approvisionnement, soit comme des rivaux, soit comme des personnes devant lesquelles se mettre en valeur… et dans ces deux derniers cas, le besoin de reconnaissance fait surface, comme en témoignent quelques commentaires laissés sur le blog…
Enfin, et comment ne pas s’y reconnaître, le psychanalyste américain détaille l’un des ressorts essentiels de la collection : le «besoin fondamental de refaire le plein, pour se sentir bien, est temporairement suspendu à une trouvaille ou une acquisition nouvelle. L’euphorie provoquée par un achat heureux se dissipe obligatoirement tôt ou tard. Une fois que l’objet a été incorporé à la collection et que la sensation affective initiale, la joie, la fierté, la nouveauté se sont émoussées, le souvenir inconscient de désirs anciens refait surface, selon le processus mental du retour du refoulé. La réalité est sans cesse mise à l’épreuve, et le sujet retrouve son impatience caractéristique jusqu’à ce qu’il découvre un nouvel objet ». Aie!
Comment, ne pas s’y reconnaître parfois…
Bien sûr, la psychanalyse n’est pas une science exacte, mais cette approche de Muensterberger présente malgré tout l’avantage de susciter la réflexion en chacun de nous… en attendant d’y trouver une réponse… Non?
Hugues
Images : une acquisition récente. Les contes et nouvelles en vers de La Fontaine. Edition des Fermiers Généraux, réédition de 1792, 2 volumes in-8, dans une reliure de maroquin bleu foncé signé Vermorel. Un bijou.
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Oups, je me suis mal exprimé. Ce n’est pas la bibliophilie qui est inaccessible, c’est de faire partager à quelqu’un ce que notre propre bibliothèque nous apporte. C’est une construction très personnelle et je crois une forme de refuge, donc un endroit inaccessible.
On peut, à l’inverse, bien entendu, partager l’amour des livres et sa passion de collectionneur, et ce blog le montre très bien.
Les dernières lignes de votre commentaire sont une partie de mon combat…
Essayer, à mon échelle, de rendre la bibliophilie plus accessible.
Hugues
Je crains même, si l’objet collectionné est « un talisman, une protection magique, un réconfort, qui vient remplacer la consolation ou l’attention qui ne seraient pas prodiguées… » que la bibliophilie soit le paroxysme du besoin de protection et ainsi l’étalon des névroses du collectionneur. Du moins, en ce qui me concerne.
Le livre est en effet pour moi un refuge, un lieu pour exercer sans danger mon individualisme. Collectionner ces objets par essence misanthropes (du moins, a-sociaux) est, alors, plus qu’une protection, un rempart, une forteresse, une utopie dont l’entrée est interdite (quand bien même on accepterait de prêter ces livres), car inaccessible.
Si cela peut rassurer les esprits, sachez que l’on peut être libraire, bibliophile (collectionneur de livres si vous préférez) et collectionneur de tout autre chose (ordinateurs d’échecs des années 70 à nos jours), le tout en simultané,
pas simple à gérer tout ça,
mais ça se fait !
Amicalement, Bertrand
Je pense à peu près la même chose… Cessons de nous rengorger, nous sommes des collectionneurs comme les autres.
C’est d’ailleurs ce snobisme déplacé qui a longtemps nuit à la bibliophilie, et ou en tout cas qui ne lui a jamais fait de bien.
A quoi nous sert de faire les importants, seule la passion compte. Je connais des collectionneurs d’objets divers qui ne sont pas moins passionnés que moi.
Maxime.
Vous m’avez mal lu… Je ne considère pas que « collectionneur » est un vilain mot. Pour moi, un bibliophile est à 95% un collectionneur.
Prenons du recul, aux yeux des amateurs de Dinky Toys, de boites de camemberts, de tire-bouchons ou d’autres, notre passion n’est pas moins étrange et incompréhensible que la leur à nos yeux.
Une définition plus flatteuse? Et? Encore une fois vous avez mal lu, il ne s’agît pas d’opposer collectionneur et bibliophile, mais de dire qu’en tout bibliophile, il y a des réflexes de collectionneur.
En effet, si on se réfère à la définition de bibliophile (donnée il y a longtemps sur ce blog), soit pour résumer, « qui a l’amour des livres »… qu’est ce qui empêcherait un bibliophile non collectionneur d’aller contempler les livres chez les libraires, ou dans les expos des salles des ventes?
Vous en connaissez? Moi non. Le bibliophile, il lui faut posséder les livres, c’est donc bien un collectionneur.
Quand on me présentera un bibliophile qui ne possède aucun livre, qui « les aime », tout simplement, alors je réviserai peut-être mon propos…. mais mon petit doigt me dit que ce jour n’est pas arrivé…
🙂
Hugues
P.S : en passant, c’est le language courant qui définit boitedecamenbertauphile comme « collectionneur de boites de camembert ». Logiquement, comme pour le bibliophile, ce devrait être « celui qui aime les boites de camembert ». Et je ne pense pas que ces passionnés traitent moins bien l’objet de leur collection que nous nos livres…
D’ailleurs, interrogez quelqu’un dans la rue, demandez lui ce qu’est un bibliophile, il vous répondra « quelqu’un qui collectionne les livres ».
Grand dieux qu’ai-je dit!
Collectionneur, le vilain mot
Je vous renvoye au Petit Robert,au mot collectionneur: bibliophile, numismate et philateliste figurent bien!
Mais pour vous consoler, la définition du bibliophile est bien plus flatteuse..et peu servir de base de discussion.
Je vous laisse chercher!
La bibliophilie est-elle un acte de collection comme un autre ?
En voilà une question qu’elle est bonne.
Pour ma part, je pense que, oui, la bibliophilie procède du même phénomène compulsif de vouloir rassembler des objets qui se ressemblent soit physiquement (forme livre) soit abstraitement (thème).
Alors, la bibliophilie a-t-elle quelque chose en plus que la collection de faïences ou de petites voitures Dinky Toys ?? Je ne sais pas…
Peut-être a-t-elle même quelque chose en moins, ce petit quelque chose de frivole qui fait sans doute qu’on achète et que l’on vend sa collection au gré de ses envies.
Avec les livres, ce sont peut-être eux qui prennent le dessus sur nous et qui deviennent maître de nos pensées et ont raison de nous…
A suivre…
Amicalement,
Bertrand
« Pas d’accord: si la bibliophilie se réduit à être collectionneur, je ne suis pas bibliophile!!! »…
Merci de signer vos commentaires, ça facilite les échanges.
En ce qui concerne votre commentaire, je n’ai jamais dit que la bibliophilie se « réduisait » à une collection. Jamais.
Vous avez dû mal lire. Je n’ai fait que présenter une thèse (celle de Muensterber), sur le fait de collectionner, qui ne me semble pas très éloignée des réflexes que peuvent avoir certains bibliophiles, dont moi.
C’est curieux, en vous lisant, on a l’impression qu’être bibliophile serait une chose noble, alors que collectionner, grands dieux, protégez-en nous… serait ce qu’il y a de plus vil. En gros la noblesse d’un côté, qui bibliophilise, la populace de l’autre, qui collectionne. Bizarre.
D’autant plus que si on prend la définition de collectionner, on obtient : « rassembler peu à peu, grâce à des choix successifs, un nombre théoriquement non limité d’objets ayant certains points communs, en raison de leur valeur scientifique, artistique, esthétique, documentaire, affective ou vénale, etc ».
Je n’y vois rien de vil, ou de bas, et cela ne me semble pas éloigné d’une certaine partie de la bibliophilie (qui va au delà du fait de rassembler, nous sommes bien d’accord, mais je n’ai jamais dit le contraire).
En ce qui me concerne, je pense que nombreux (tous?) sont les bibliophiles qui ont à un moment ou un autre, des réflexes de collectionneur : dans l’acte d’achat par exemple, mais aussi dans celui de rassembler des ouvrages par domaines, selon des critères définis, etc.
Hugues
Vous pouvez croire ce que vous voulez, une partie de vous au moins est collectionneur…
C’est beau le déni!
T
Pas d’accord: si la bibliophilie se réduit à être collectionneur, je ne suis pas bibliophile!!!
La réserve naturelle du collectionneur ne peut elle s’expliquer par une crainte de la comparaison,la peur d’être mis en état d’infériorité par la collection de l’autre qui doit forcément étre plus belle plus riche…
Ce qui n’est pas loin de l’analyse freudienne!
Intéressant message sur l’état d’esprit du collectionneur.
Merci Hugues.
Martin
Pour les incultes ou les cinémo-réfractaires, sachez qu’Ubertin de Cassale se posait en 1326 la même question que moi….
Evidemment, à l’époque, inquisition aidant, il a préféré fuir dans un panier perché sur une charrette plutôt que d’affronter un blog entier,
mais j’aime le risque et décide de vivre… avec mon époque en 2007 !
Allez, riez ! le chef est rentré.
Bonne soirée,
Bertrand
Moi, dans tout ça, ce qui m’a toujours posé problème et qui me posera toujours question, c’est l’interrogation suivante :
Jesus Christ possédait-il la robe qui le vêtait ??
Je n’en dors plus les nuits.
Parce que s’il ne la possédait pas, soit, il avait du l’emprunter à un apôtre, voire à Marie Madelein (Cf. ma lecture de l’été…),
mais s’il la possédait alors là, il est tout à fait possible que Jésus ait été collectionneur de robes, auquel cas, et vus les avis psychanalytiques ci-dessus, je m’intérroge quant au bien fondé de suivre pendant près de 20 siècles les préceptes névrotiques et forcément dépressifs d’un homme vestimento-compulsif ?!
A votre avis.
PS : Ames religieuses s’abstenir de lire jusqu’au bout ce message. Trop tard ! Toutes mes excuses mais je n’ai pu résister à cette facétie pour fêter le retour parmi nous (Amen) du chef incontesté de ce blog indispensable à tous les bibliophiles renfrognés et recroquevillés sur leur passion. Un peu de partage leur fera le plus grand bien. Que l’humour soit aussi pour eux une forme bénigne de thérapie.
Amicalement, Bertrand