Un peu plus loin autour de la vente de l’atelier Simier – « Les relieurs des rois de France »

Amis Bibliophiles bonsoir,
Tenir un blog a parfois quelques menus avantages, puisque l’étude Lafon-Castandet a eu la gentillesse de m’adresser un catalogue de la vente qui sera consacrée à l’Atelier Simier. Cette superbe vente se tiendra le 2 juin prochain à Drouot. Tâchons d’y revenir aujourd’hui et d’aller un peu plus loin que ce qui a été dit ici ou là.Le catalogue de la vente Simier est vraiment superbe et ne se contente pas de présenter les lots qui seront mis en vente, mais propose également en préambule plusieurs articles et témoignages sur Simier et son atelier (Simier, un provincial à Paris, par M. Didier Travier – La Bibliothèque de la duchesse de Berry au chateau de Rosny, par M. Patrick Guibal – Blasonner pour mieux régner, par M. Mathieu Desachy – Les relieurs Simier et Louis Médard, par M. Jean-Bertold Orsini – Souvenirs de l’atelier Barbance par le comte Christian de Pange).Cet historique permet au passage de corriger les petites erreurs qui se sont glissées dans la présentation de la vente sur le site de l’étude et que peu de gens ont hélas relevées: s’il était relieur de l’Impératrice, puis du Roi, Simier n’a jamais été le relieur de l’Empereur… et il est assez douteux que Victor Hugo soit le dessinateur de la plaque de Notre Dame de Paris qui est proposée… entre autres. Merci à l’expert de la vente, M. Roch de Coligny, que les habitués de Drouot connaissent bien, pour ces précisions.
M. De Coligny propose d’ailleurs un site spécifique consacré à cette vente (www.atelier-simier.com), qui a le mérite de proposer une intéressante chronologie de l’Atelier Simer dont je reprends ici les dates clefs (pour plus de détails, n’hésitez pas à vous rendre sur le site où vous pourrez également télécharger le catalogue).L’atelier Simier en quelques dates :
1772 : Naissance de René Simier, fils de meunier, à Téloché, dans la Sarthe.1796 : Installation de son atelier, à Paris, rue Neuve des Bons-Enfants, après un passage dans l’imprimerie mancelle de Maudet, ainsi qu’une formation de relieur chez Bozerian.1801 : Participation à la prestigieuse Exposition des Industries Nationales, au Louvre.1810 : Remarqué pour son habileté technique et la qualité d’exécution de ses travaux, Simier est nommé relieur de l’Impératrice Marie-Louise. Il change d’adresse pour le 152, rue Saint-Honoré, adresse qui deviendra célèbre.1815 : Le roi Louis XVIII le prend sous sa protection, la signature devient alors « SIMIER, R. DU ROI ».1816 : Marie-Caroline de Bourbon-Siciles devient duchesse de Berry en épousant le second neveu du roi de France. Bibliophile, elle engage un mécénat prolifique avec Simier, qui exécutera pour elle les reliures les plus luxueuses.1819 : Le relieur décroche une Mention Honorable à l’Exposition de l’Industrie, la première sous les Bourbons. Les observateurs ne tariront plus d’éloges.1823 : René Simier livre ses derniers grands ouvrages pour l’Exposition de l’Industrie, où il reçoit une prestigieuse médaille d’argent. Il annonce ensuite qu’il laisse la direction de l’atelier à son fils Alphonse, digne héritier.1827 : Nouvelle médaille d’argent pour l’atelier, cette fois-ci dirigé par Alphonse, le fils. L’année suivante, la maison accueille une extraordinaire presse à balancier, cadeau du roi Charles X. Les années suivantes sont extrêmement fastes : toutes les Cours d’Europe passent commande auprès du roi des relieurs.1843 : Mort de René Simier.1848 : Mort d’Alphonse Simier, le relieur Charles Petit, compagnon de longue date de Simier père, reprend l’affaire. Vingt-cinq ans après, vient Thierry, qui dirigea seul l’atelier jusqu’en 1908, année où Louis Yseux, s’associa avec lui ; il reprit l’affaire en 1915.1951 : Jean-François Barbance se pose en digne successeur de cent-cinquante ans de savoir-faire. Il déménage l’atelier de Paris à Avallon, en 1970, où il s’éteint, en 1994. Ses deux fils, François & Jean-Louis, relieurs, héritent du fonds.


Et Simier en quelques mots:

René Simier père, relieur du roi dès 1818 est décédé (d’après Fléty) en 1837. Adolphe (Fléty), ou plutôt Alphonse (Paul Culot) son fils lui succède en 1824 également relieur du Roi, il cède son atelier en 1847 ou 1849. Son successeur est Charles Petit.
Jean Simier le neveu ou cousin de René s’établit en 1844 il n’a pas exercé avec les deux premiers, et il poursuit son activité jusqu’en 1864 son atelier fut repris par Petit fils. D’après Devauchelle il avait été condamné à faire figurer ses nom et prénom sur ses reliures.
Il existe un autre Simier : Germain Simier sans parenté avec les autres qui exerce jusqu’en 1855. 

…Mais revenons au catalogue. On dépasse d’ailleurs là le simple exercice habituel de présentation des lots et l’ouvrage est tout simplement luxueux. Tout au long des 263 pages, ce sont plusieurs centaines de fers qui nous présentés (349 lots exactement), regroupés en plusieurs parties, mais aussi les presses de l’atelier, dont la fameuse presse offerte par le Roi Charles X en 1828.
Les fers sont rassemblés selon les familles suivantes:
Monogrammes et CouronnesLes Rois et leur FamilleLa duchesse de BerryLes plaques romantiquesLes presses de l’AtelierL’empereur NapoléonLa NoblesseSouverains, familles régnantes, Etats étrangersLa famille d’OrléansLe Second EmpireAttributs et fers décoratifsIl faut reconnaître que l’accumulation de fer est très impressionnante et laisse une impression de foisonnement. Pour le bibliophile néanmoins, même si l’on est là face à un sujet connexe, il est intéressant de retrouver des armes souvent croisées et au fil du catalogue de retrouver des fers plus « classiques » qui ne sont pas « aux armes » et qui parlent peut-être un peu plus aux bibliophiles. Ainsi les grands fers destinés aux reliures à la cathédrale, ou des fers plus simples mais tout aussi attachants, destinés à orner les reliures.

Ce sont potentiellement vers ces lots que mes choix de bibliophile peu versé en héraldique pourraient se porter.
Enfin, la question s’est posée parfois de savoir si cette vente était une bonne chose et si nous n’assistions pas à la dispersion d’un patrimoine culturel qu’il aurait mieux valu conserver dans le giron de l’Etat. Je ne reviendrai pas sur ce débat vain et l’opposition déjà évoquée ici entre un bouclier fiscal à l’efficacité contestée et un bouclier culturel qui pourrait dans ce cas faire ses preuves… je tire simplement mon chapeau à l’expert et à l’étude pour avoir donné à cette vente le relief qu’elle mérite, notamment via ce catalogue, qui comme je l’ai dit plus haut, est bien plus qu’un catalogue à mes yeux. Si cette vente doit être faite, et elle le sera, autant qu’elle le soit bien, ce qui me semble être le cas ici. Certains me répondront que le montant alloué par l’Etat est sans doute mieux utilisé ailleurs… sans doute, mais j’aimerais en avoir la certitude.Charles Nodier, que l’on ne présente plus, était le contemporain de Simier et son ami. Il le gratifiait du titre de « restaurateur de la reliure en France ».
Pour le reste, retrouvons-nous dans la salle!
H
Si vous souhaitez aller plus loin, au delà du catalogue, vous pouvez également consulter les ouvrages de la bibliographie suivante:- Didier Travier « Les Simier, relieurs du roi et propriétaires sarthois », Revue historique et archéologique du Maine, 2003, p. 121-163.- Paul Culot et Denise Rouger, Louis Médard et les relieurs de son temps. Gustave Durville, Gout fils et François-Noël Jaujon de Montpellier et leurs confrères de Paris, Lunel, Bibliothèque municipale de Lunel, 2003.- Elizabeth Mismes « L’atelier Simier : un patrimoine unique », Arts & Métiers du Livre, 2007, n° 260, p. 48-55.- Jean-Bertold Orsini, « Louis Médard. Une vie au travers d’une collection », Arts & Métiers du Livre, 2010, n° 277, p. 60-73.

12 Commentaires

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  3. Je suis passé voir l'exposition :
    1 – effectivement le catalogue est magnifique ; il faut savoir que l'expert annonce la sortie ultérieure d'un ouvrage plus exhaustif contenant le catalogue actuel complété de fers et roulettes supplémentaires. Ils doivent représenter le "tout venant" de l'atelier de dorure et ne sont en fait pas mis en vente.
    2 – l'expo est très belle avec 2 objets émouvants (non mis en vente) : la presse à dorer et le réchaud sur lesquels Simier a du travailler (enfin c'est ce que je me suis dit)
    3 – également très joli, quelques fers (dont un de ceux de Philippe-Égalité) avec un manche de bois ayant encore son écorce ; là je ne sais pas si c'est d'époque.
    4 – les plaques, fers, fleurons… sont très beaux comme objet d'art, et leur finalité est d'être utilisé dans un atelier de dorure, mais qui pourrait faire apposer une plaque "Simier" sur une reliure actuelle ?? Cela paraît complètement anachronique. Après réflexion, je rejoins ceux qui pensent qu'il aurait mieux valu ne pas les disperser. La contrepartie, c'est le catalogue !

  4. Je crois que si vous avez le courage de regarder l'émission en entier pour voir le passage, vous pourrez le voir. Ce n'est toujours pas mon cas, pas assez patient.

    Et je ne trouve rien sur le site, si ce n'est l'annonce de la vente.

    Wall

  5. oui, c'est dans Télématin, samedi 28. Pour l'heure, je ne sais plus, mais en principe on peut retrouver la rubrique "vente aux enchères" assez facilement, elle devrait figurer au sommaire de l'émission.

  6. Stp calamar, aurais-tu souvenir de l'heure et du jour, même approximatifs, de la diffusion de ce doc ? Que je puisse le retrouver via la catch-up TV, qui ne conserve le "courant" que 7 jours. Merci !

  7. vu récemment sur F2, dans un sujet consacré à cette vente : la personne qui fait visiter l'atelier montre la presse à balancier, et fait une démonstration : il appose des armes sur quelque chose qui ressemble fort à un livre ancien… j'espère me tromper !

  8. J'avoue ne pas avoir d'avis sur la dispersion de ces outils. A moins de les exposer avec les reliures auxquelles ils correspondent (mais là, comme on dit, ça fait plus cher) j'ai du mal à me les représenter muséographiquement (comme on dit aussi)???
    Après, des questions de grand naïf: pourquoi tant de fers anachroniques? Hormis quelques fautes de goût (aperçues ici ou là sur ebay) de reliures ornées d'armes manifestement hors de propos, je trouve que les reliures aux armes prestigieuses (sans aucun autre signe extérieur ou intérieur de prestige) sont extrêmement nombreuses rapportées au nombre de lecteurs prestigieux.

    Pour faire court, Simier signait-il toutes ses "reliures" (ou apposition de fers) et cette vente n'est-elle pas l'occasion de se poser la question de la valeur (actuelle et à venir) des "reliures aux armes"?
    Car ces fers il avait bien fallu les acheter et j'imagine que ce n'était pas pour que les apprentis "se fassent la main"…?

    Deux codicilles :
    1) je suis un grand naïf
    2) d'un point de vue technique je ne sais pas si la chose a du sens.

    Olivier

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