Le Merle blanc et le Bibliophile

Amis Bibliophiles Bonsoir,

Ca y est! Il est passé de l’autre côté de la barrière, de commentateur expert, Jean-Paul est enfin devenu rédacteur d’un message sur le blog. Ca fait plaisir.

Comme souvent avec Jean-Paul, l’action se déroule en Champagne… et nous partons avec lui sur les traces de son merle blanc personnel. Pour faire court, un « merle blanc » est un ouvrage extrêmement recherché.
« Le 30 octobre 1653, en l’église Saint-Crépin de Château-Thierry, eut lieu le baptème de Charles, fils qui restera unique de Jean de La Fontaine et de Marie Héricart. François Maucroix, chanoine de Reims, fut son parrain.

De l’année suivante date le privilège de la première impression lafontainienne parvenue jusqu’à nous : « L’Eunuque », traduction plutôt médiocre de la comédie de Térence, fut éditée à Paris par Augustin Courbé, libraire au Palais, en la petite salle appelée aussi galerie des merciers, à l’enseigne de la Palme. L’achevé d’imprimer est du 17 août 1654. Il s’agit d’un in-4° de 4 feuillets et 152 pages, les trois dernières non chiffrées. Des en-têtes, des initiales et des ornements typographiques marquent les actes et les scènes.

Le bibliographe Jean-Albert Fabricius, dans sa « Bibliotheca latina », ne cite que cette édition parisienne.

Mais Mathieu Marais, avocat au Parlement de Paris et contemporain de Jean de La Fontaine, est formel : la première édition est de Reims, la même année et dans le même format. C’est ce qu’il écrit vers 1725 dans son « Histoire de la vie et des ouvrages de M. de La Fontaine », éditée seulement en 1811 par Renouard (Paris, in-12, vi-132 p.).

Il paraît en effet étonnant qu’un jeune auteur champenois puisse être édité d’emblée par un des tout premiers libraires parisiens de l’époque, éditeur de Ménage, Chapelain, Scudéry, Voiture, Corneille, … On sait d’ailleurs que l’ouvrage n’eut pas de succès.

L’édition de Reims précéda donc celle de Paris, la même année. En 1654, l’impression a pu être réalisée à Reims par la veuve de François Bernard, active de 1650 à 1660, ou par Jean Multeau, actif de 1652 à 1693, ou plus certainement par Augustin Pottier, actif de 1650 à 1659. Mais aucun exemplaire n’est connu!

Depuis maintenant plus de 25 ans, je le traque, cet exemplaire! Qui de nous n’est pas prisonnier de cette espèce d’obsession?!

Si vous le trouvez, n’oubliez pas de me le faire savoir! »

Merci Jean-Paul, tu étais seul sur sa piste, c’est maintenant une meute qui va le pourchasser!

H

11 Commentaires

  1. OHR, pl. 188 est formel, c’est bien au chiffre de Marie-Marguerite Le Gendre, marquise de Crozat du Chatel.

    Bien que le chiffre, 2 C accolés soit indiqué « surmonté d’une couronne de comte » ??

    Les mystères de l’héraldique !! si quelqu’un a une explication. Sans doute lié à son mariage ??

    Amitiés, Bertrand

  2. Cher Bertrand, n’était-ce pourtant pas une couronne de Comte au dos de ton exemplaire des Lettres de Madame de Sévigné ?

  3. Je suis, à cette heure, d’humeur taquine mais le Quai des Orfèvres n’a-t-il pas été condamné récemment à la ruine (pour sa version « montez moi donc une bière et des sandwichs »)…?
    Tout le monde sait que Bertrand n’est pas un aïeul, lui qui organisait les traques dans les mines de la Moria…
    Quant au La Fontaine reimois, j’attends d’en savoir plus sur cette « mimi » pour éclairer mon interprétation de  » à femme avare galant escroc ».
    Bien à vous tous,
    Olivier

  4. Le vieux n’est pas encore chez Morphée Pierre !

    Et si vous cherchez un alter ego pour la fin XIXè, début XXè, cela devrait pouvoir s’arranger.

    Madame de Sévigné et La Fontaine ont-ils eu « affaire » ensemble ?? Bonne question. Je vais essayer d’y réfléchir pour un futur article.

    Amitiés, Bertrand (qui ne dort pas encore…)

    PS : j’ai le même âge que le quai des orfèvres alors… question vieux… je me sens encore assez alerte pour espérer trouver le merle blanc dans les 50 prochaines années de ma vie (si les maisons de retraite acceptent les bibliophiles neuropathiques dans les années 2060… ??)

  5. Nos aïeux sont couchés. Chut ! Ne les réveillons pas…

    Je profite de leur absence momentanée pour vous présenter un constat amusant . Le hasard fait qu’ils s’intéressent tous deux à des auteurs ayant vécu très exactement à la même époque et au même age (se sont-ils connus ?) et édités tous deux en Champagne pour leurs premiers écrits. Nos bibliophiles sont tous deux à la recherche de leur merle blanc, tendance veau d’or (bibliolâterie) à connotation chimère (on peut rêver)…

    Alors je passe une annonce :
    Cherche, moi aussi, alter ego, mais fin 19eme, début 20eme !
    Codialement. Pierre

  6. Tu vas pouvoir rêver, Bertrand …
    car on ne sait pas grand chose sur la jeunesse de La Fontaine.
    Ecole primaire et collège à Château-Thierry, où il fait la connaissance de Maucroix, l’ami d’une vie. Entrée en seconde à Paris en 1635, où il fait la connaissance de Furetière.
    Il enterre sa vie de garçon à Reims, avec Maucroix, en caressant une fille de petite vertu nommée « Mimi »…
    Se marie en 1647 : il a 26 ans.
    Très curieusement d’ailleurs, on ne parle pratiquement jamais de La Fontaine à Reims..alors qu’on nous bassine les oreilles avec Roger Caillois !

    Ton hypothèse d’une co-édition avec Courbé…etc..tient la route…Mais n’a pas existé (voir ma Bibliographie des impressions rémoises du XVIIe siècle chez Koerner, tome XXVII, 2005)…

    Bonne nuit !

  7. Est-ce que l’hypothèse selon laquelle le libraire parisien Augustin Courbé aurait pu travailler en collaboration avec un imprimeur rémois a déjà été évoquée ?

    L’association libraire parisien et imprimeur de province a déjà été employée de nombreuses fois dans le XVIIè s., je pense que dans ce cas on pourrait avoir un tirage avec des titres à l’adresse de Paris et d’autres (peut-être plus rares, peut-être même, prévus à l’origine mais qui n’ont finalement pas été imprimés à l’adresse du rémois pour une raison diverse ??).

    L’hypothèse te parait-elle plausible ?

    Ce qui est curieux quand on se penche sur la biographie de jeunesse de La Fontaine, c’est qu’on ne sait pas vraiment grand chose de précis sur cette période de sa vie. Il aurait fréquenter une « école de village » nous dit-on, où ?? et continuer ses études dans la ville de Reims ?? mais où ???

    Ce qui est encore plus étonnant, c’est de le voir édité à Paris par le plus grand libraire éditeur de son temps ou presque (avec les Sercy, Billaine etc), alors que visiblement il n’était même pas encore « monté » à Paris ???

    Ton avis sur tout ça Jean-Paul et je m’endormirai serein. Avant changement demain matin de ma bonne vieille paire de lunettes pour une neuve (spécialement conçue pour traquer les éditions rémoises – sourires…)

    Amitiés, Bertrand

  8. Au risque de me répéter, cela me rappelle étrangement ma quête (sans espoir) d’un exemplaire de la première impression des Lettres de Madame de Sévigné, publiée en 1725 à Troyes (la Champagne serait-elle la région de France des éditions introuvables ??) en 75 pages seulement.

    On en connait cependant au moins 2 exemplaires… ce qui esn fait un merle un peu moins blanc que le tien Jean-Paul…

    Mais tout de même, si vous en trouvez un…

    PS : je me console en traquant les autres éditions de la Dame. L’édition de 1734-1737, Paris, Simart et Rollin, 6 vol. in-12 vient de rejoindre mes rayons. Reliure veau de l’époque au chiffre de Marie-Marguerite Le Gendre, marquise de Crozat du Chatel (décédée en 1738). Chaque volume porte en plus du chiffre au dos répété entre chaque nerfs, la mention manuscrite « ex bibliotheca Crozat » au verso des faux-titre.

    Amitiés, Bertrand

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