Finalement, aujourd’hui, on peut mettre tous les ouvrages d’une bibliothèque sur un support numérique qui rentrerait dans une poche… Quelle évolution!
D’une certaine façon, c’est une parabole autour de l’évolution des formats connue par le Livre, et en particulier par le Livre Ancien, enfant chéri des bibliophiles.
J’ai déjà parlé dans un message des différentes appellations données au format (in-folio, in-4, in-12, etc.) des livres, mais sans réellement m’attacher à l’évolution de ces formats au fil du temps.
Au fil de mes lectures, j’ai lu plusieurs fois que pour le Livre ancien, en ce qui concerne les formats, tout a changé en 3 ou 4 siècles, avant que ne soit adopté le format qu’on lui connaît la plupart du temps aujourd’hui.
A l’origine, au Moyen-Age par exemple, le livre est un objet sacré, ou au moins sacralisé… Et d’une certaine façon sa rareté, sa valeur et le travail qu’il exige, justifient la taille qu’on lui donne alors le plus souvent, à savoir des in-folio, qui sont conservés à plat dans les scriptoriums et les bibliothèques, voire sur des lutrins (la physionomie des bibliothèques elles même évoluera d’ailleurs aussi significativement, de fait).
Jusqu’au 17ème, le livre (dans son format in-folio) est un signe de pouvoir, il est « monumentalisé », et n’est pas réellement pensé pour le lecteur, pour l’individu : peu aisé à transporter, encombrant, lourd, fragile, etc. Aussi il voyage peu, et son univers est statique : nombre de lecteurs limité, déplacements limités.
A partir du fin du 17ème siècle les choses changent, on commence enfin à voir apparaître des formats de taille in-8 ou plus petits, et si les grands formats perdureront un temps pour des raisons diverses, dont notamment la beauté des figures, le mouvement sera dès lors irrémédiable…
Les Elzevier, qui avaient lancé leurs petits formats pour des raisons d’économie furent bien sûr les précurseurs. Mais au 18ème, la tendance devient générale, et c’est le format in-12 qui s’impose très majoritairement, voire des formats encore plus petits, comme les Cazins.
Economie, société dans laquelle les idées s’échangent plus rapidement peut-être, mais aussi « démocratisation » de la lecture, et surtout nouvelles habitudes de lecture. En fait, avec le 18ème, le livre commence enfin à être pensé pour le lecteur.
La lecture devient personnelle, intime, et non plus rituelle et devant un auditoire comme quelques siècles auparavant, le lecteur même se déplace avec ses livres : il voyage, il les offre, il les lit dans les salons, il les revend… La vie de l’objet elle-même se fluidifie en fait, et justifie ces nouveaux formats, infiniment plus pratiques.
Pour ma part, même s’il me serait évidemment difficile de résister à un bel in-folio… je préfère les petits formats, notamment in-12 et in-8, probablement parce que je suis avant tout un lecteur (même les in-4 sont parfois un peu embarrassants je trouve, même si leur « noblesse » est évidente). Aussi, et comme nous tous, je pense, j’ai une relation très personnelle avec mes livres, et même s’il est difficile de transcrire cela en mots… cette intimité s’exprime plus volontiers avec ces petits formats maniables… qui souvent d’ailleurs n’ont rien à envier à la qualité des grands formats.Pour tout vous avouer, je pense que les livres in-folio qui sont dans ma bibliothèque, dont un sublime Racinet… sont ceux que j’ouvre malheureusement le moins souvent…Quoi qu’il en soit, je trouve que cette évolution du format des livres est vraiment intéressante… le passage du livre monumental à l’objet intime, évolution culturelle et historique qui se reflète dans les formats… Intéressant, non?
Et pour vous? La taille compte?
🙂
H
Images : un moine au travail, et une étudiante travaillant sur deux elephant-folio… pratique, non?
J’aime beaucoup les livres en in-12. Je trouve que tous alignés dans ma bibliothèque, ils ont un certain style. Très faciles à prendre en main, contrairement aux in-8 et encore plus aux in-4°.
Il n’empêche qu’un bel in-4° dans une bibliothèque, c’est toujours sympa. J’attends avec impatience mon premier in-folio!
Génial, un nouveau venu!
Bienvenue Thomas.
Hugues
Bonjour et bravo pour ce blog que j’ai découvert la semaine dernière et que je visite quotidiennement.
Pour ma part j’aime beaucoup les grands in-8°. J’ai une collection entière de Jules Verne dans ce format et je trouve qu’ils remplissent parfaitement les cases (IKEA) de ma bibliothèque. Ils sont malheureusement trop grands pour le reste de mes livres qui se trouvent dans une autre bibliothèque (faite maison). La taille n’est pas importante dans le choix de mes achats. Même si je n’aime pas trop les petits formats il m’arrive d’en acheter quand même notamment pour combler les trous de ma rangée de bibliothèque. En effet j’aime ranger mes livres par taille décroissante puis de nouveau par taille croissante : ça fait un effet de vagues sur mes étagères 🙂
Plus sérieusement, je pense que les grands formats sont prisés car assez rares et avec forcément de plus grandes gravures : pourquoi un don quichotte 1780 édition Ibarra en 4 volumes in-4° vaut dix fois plus chère qu’un édition en 6 volumes in-12°beaucoup plus vieille ? (pardonnez si je dis une bêtise – je ne suis pas spécialiste).
Amitiés,
Thomas
J’avais évoqué cette invention de l’in-8 par Alde Manutius dans mon message du 16 mai :
http://bibliophilie.blogspot.com/2007/05/incunable_16.html
On y apprend qu’il était également l’inventeur du caractère italique.
Merci à lui!
H
…les livres de ce format étaient appelés « libelli portatile » ce qui traduit bien l’esprit avec lequel ce format avait été conçu, pouvoir se déplacer avec son (ses ) livres.
Tout à fait d’accord pour la majesté des in-folios 18e; les Métamorphoses de 1732 illustrées par Picart dans la traduction de l’abbé Banier (Amsterdam, R. et J. Wetstein et G Smith) sont sublimes.
Ce format est malheureusement délicat à manipuler est à ranger, d’où la difficulté de le trouver en reliure d’époque et bien conservée (dans mon expérience tout au moins).
Le même.
Le IN-4° est l’empereur des livres ! Majestueux, parfois arrogant… Larges marges, planches aux dimensions idéales.
Ave In-4° !
Le 12°, lui, est une arme de poing. Maniable, dense, réhaussée de planches, chien de guerre des In 4°, il se glisse dans les contrées que le In 4° ne peut atteindre de par sa taille. Tomaisons ramassées, titre tronqué sur le dos, il se glisse dans la boue et endure le pire sans jamais plier… Il est le seigneur incontesté des corps à corps littéraires.
Le 8° ne me semble pas franc du format. Hésitant, tantôt trop grand tantôt trop petit, il a la page entre deux chaises et, pour tout dire, n’a guère mes faveurs (quoi que je fasse une grosse nuance entre les « petits 8° » et les « grands »).
Quant aux Cazins & autres, je les vois comme des curiosités sympathiques, du 22 mm. Efficace à très courte portée, idéale pour les femmes… 😀
Le Derringer du bibliophile; il peut toujours etre utile, en effet, mais toujours en complément d’un 12°.
Enfin, le Folio est le vecteur de la grandiloquence. Idéal pour les Bibles, me semble-t-il, qui invite ses proportions éléphantesques dans nos intérieurs sans courber l’échine face aux époques qui le voudraient révolu. Dignement drappé dans son combat perdu…
TE
Rendons hommage à Alde l’Ancien pour avoir introduit le format in-8. Ce format laissait respirer le texte renaissant en ne l’embarrassant plus dans la gangue proliférante des gloses et des commentaires qui réclamaient le format in-folio. L’in-8 s’est du reste rapidement propagé au reste de l’Europe. Il me semble que son apparition dès le début du 16e siècle marque le développement d’une lecture plus personnelle et concentrée sur le texte lui-même, pour ce qui concerne au moins les classiques.
Festina lente
On est bien d’accord.
Amicalement, Bertrand
Quand j’écris que ma préférence va aux formats in-8 et in-12, naturellement cela ne signifie pas que j’achète un livre parce qu’il est de ce format.
Le format n’a pour moi aucune importance quand j’acquiers un nouveau livre. Ou alors si c’est pour acquérir la version in-4 d’un in-12 à planches que je possède déjà.
C’est ensuite, dans la pratique que je trouve que les in-8 et les in-12 sont tout de même bien plus agréables.
Pour revenir à ce que disait Bertrand, il est tout à fait vrai que les nobles in-4 et les in-folio ne se justifient plus que pour les livres à planches à partir du 18ème. D’ailleurs, si on regarde la production de ce siècle, les in-4 sans planches restent assez rares. Quant aux in-folio ils semblent… bizarres. 🙂
J’ai quelques in-folio et comme je le disais… ont dirait vraiment des éléphants dans une bibliothèque!
H
Je n’ai strictement aucune préférence quant à la taille. Je préfère chercher les beaux papiers, les belles reliures et les autographes sur des livres d’auteurs qui me plaisent.
Il faut dire aussi que mes moyens ne me permettent pas trop de toucher à l’ancien proprement dit, ma bibliothèque contient à 90% des livres entre 1850 et 1950, beaucoup plus accessibles pour l’étudiant que je suis
Bonsoir,
ma préférence va sans la moindre hésitation aux in-8.
L’in-8, à la fois d’un format pratique pour la lecture et noble par la taille. C’est dans le format in-8 que l’on trouve les almanach royaux, les grands philosophes des lumières en EO (pas tous certes mais beaucoup).
Ensuite je placerais l’in quarto ou in-4 pour sa majesté, sa noblesse comme le dit si bien Hugues. J’ai entre les mains l’EO de « De l’Esprit » d’Helvetius en in-4 en plein veau blond de l’époque… ce texte déjà mythique et fondateur à plus d’un titre pour l’histoire des idées au XVIIIè siècle, prend ici dans ce format toute sa force (enfin c’est ce que je ressens).
L’in-12 est sans doute le plus commun des formats rencontrés, ancêtre de notre format dit « livre de poche », pratique à manier, facile à transporter, souvent très bie imprimés ils permettent une lecture itinérante agréable.
Les in-folio ne se justifient à mon sens que pour les incunables et les livres à planches. Lire des traités de droit de Domat en in-folio aujourd’hui, quel sport ! Posés sur les genoux ou sur une table l’in-folio (hors du pupitre du scriptorium n’a pas vraiment de côté pratique). Par contre consulter de belles planches in-folio (scènes de batailles, botanique ou autres) est un vrai plaisir de bibliophile.
L’in-32, très petit, trop à mon goût.
Voilà mes préférences, et vous ?
Amicalement, Bertrand