Connaissance de la reliure: protection et enrichissement des livres brochés

Amis Bibliophiles bonsoir,  A notre époque où, devant l’invasion barbare des technologies, on est tenté de « cultiver l’authentique », deux positions se dégagent en bibliophilie :

– les livres en état « traditionnel », c’est à dire reliés, de préférence à l’époque de parution, ou revêtus des somptueux vêtements du XIXe  

– les livres tels que parus, dans leur couverture  imprimée d’édition ou dans un cartonnage d’attente pour les anciens.

Ces deux tendances sont, à mon sentiment, également louables, même si la seconde paraît d’un abord plus difficile. Il existe cependant des solutions susceptibles de rapprocher les deux.
Les belles et riches reliures sont souvent protégées dans de luxueux étuis ou coffrets : pourquoi ne pas se tourner vers le même type de protection pour les livres brochés.

C’est, à mon sens, la solution parfaite pour habiller ce genre d’exemplaires sans attenter à leur intégrité tout en se réservant la possibilité de changer à son gré, si le résultat n’est pas satisfaisant.

La réalisation d’une boîte est une opération digne d’un parfait relieur. Comme je pratique moi-même la reliure en modeste amateur, je peux témoigner qu’il s’agit bien d’un travail fort délicat que je ne réserve qu’à des cas particuliers.

Pour des volumes moins importants, pour lesquels je souhaite me faciliter la vie, j’opte depuis quelque temps pour une chemise en carton mince, à la fois décor et protection, que l’on peut considérer comme ce qu’on appelait autrefois une « liseuse » et qui confère d’ailleurs à l’ouvrage une « lisibilité » plus aisée. C’est beaucoup plus facile et plus rapide à réaliser qu’un coffret.

Il n’empêche que l’on peut bien sûr ajouter un coffret de protection richement décoré si l’ouvrage le mérite.

Quant à l’exécution, les photos qui suivent dispensent de toute explication.

Une remarque cependant : pour éviter que le livre ne tombe, je glisse le second plat derrière une « bretelle » en papier résistant : papier peau d’éléphant par exemple – de plus en plus difficile à trouver, mais que l’on pourrait remplacer avantageusement par du Tyvek.
    Connaissance des Tems – 1827,  dans sa couverture d’attente de papier bleu. Plats et dos recouverts de papier éléphant bleu, contre-plats de papier flammé bleu.   Traité de la Chaleur de Rumford – Firmin Didot 1804, dans sa couverture d’attente de papier bleu. Dos et mors en papier éléphant, plats recouverts de papier Ingres bleu, contre-plats de papier flammé bleu.  

Les atomesde Jean Perrin – Alcan 1913, dans sa couverture d’édition Dos et plats recouverts de papier Ingres havane, contre-plats de papier flammé brun.

 

L’art d’assassiner les Rois (tout un programme) – Thomas Fullher 1696, dans son cartonnage d’époque recouvert de papier tiré à la colle, brun foncé. Dos et plats recouverts de papier marbré multicolore.  Cinq prières dans la Cathédrale de Chartres par Charles Peguy Images de Nathalie Parain Gallimard NRF – 1950  dans sa couverture d’édition. Dos de toile beige, plats recouverts de papier à la colle, étiquette en fac-similé.   Fables de La Fontaine – Publications des Laboratoires BOUILLET  1937 Dos en toile beige, plats en papier jaspé à la colle. Le livre, composé de cahiers non reliés, est maintenu par un gousset en papier éléphant. René de BLC

76 Commentaires

  1. Le cout d'une reliure de notre temps ajouté au coup d'un texte de l'ancien temps ça peut revenir très cher.

    Il suffit de consulter quelques catalogues de vente du XIXeme pour voir à quel prix dérisoire pouvaient être achetés des brouettes d'ouvrages rarissimes plus ou moins délabrées. Il était plus aisé ensuite de débourser quelques pièces chez les ateliers de relieurs pour laver tout ça et faire de beaux maroquins.

    Autres temps parfois autres moeurs, mais l'aspect économique est une variable éternelle.

    Car je pense que n'importe quel bibliophile d'aujourd'hui serait heureux de pouvoir passer commande de somptueuses reliures en maroquin mosaïqués ou que sais-je. Encore faut-il trouver l'artisan capable de les réaliser + trouver des peaux acceptables + faire un très gros chèque + espérer vivre plus de 100 ans pour voir de son vivant ses 450 reliures commandées terminées et rangées dans sa bibliothèque.

  2. Bien sûr que je ne rejette pas la reliure moderne, même contemporaine, pour autant qu'elle recouvre des livres modernes.
    Un maroquin de Derôme est un pur délice. Ce qui est critiquable ce sont les pastiches.
    L'Anonyme anonyme cite Viollet-le-duc, ses restaurations sont plus que discutables mais "de gustibus …"

  3. Cette voie est très largement utilisée par les bibliophiles, croyez-moi… René n'envisageait ici que la protection des brochés, pas la reliure. Il y a des ouvrages que l'on n'a pas envie de relier… Mais croyez-moi, parmi les auteurs, lecteurs et commentateurs du blog, pas mal font bosser des relieurs… Moi le premier ; mais j'aime beaucoup les boîtes aussi !
    B.

  4. Vous avez une démarche intéressante et cependant il me parait qu'elle s'inscrit trop dans les préjugés de notre époque : il y a une troisième hypothèse que plus personne n'ose envisager la reliure actuelle : je ne dis pas "contemporaine" car le mot est connoté Fiac etc… mais simplement la reliure de notre temps, pour maintenir un savoir faire, laisser une trace de la sensibilité des hommes de notre temps, au lieu de vouloir préserver comme des reliques les livres qui nous proviennent du passé, de même qu'à peu près tout : nous (vous) faites du Viollet le duc à l'envers, pour être sur de ne pas se tromper, achetez une golf, mais de livres comme ceux que vous collectionnez vos descendants n'auront !

  5. Tout à fait. C'est le discours que je tiens à mes clients. N'étant pas libraire ou bibliophile, je ne peux pas estimer la valeur exacte d'un livre… Faut il le conserver en l'état? Faut il le relier?
    Le plus souvent je propose un étui ou un coffret auquel je peux donner l'aspect d'un livre relié pour conserver le livre original (restauré si besoin), à l'abri de la lumière et de la poussière.

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