Les deux volumes de Frédérick Coxe : anatomie d’un catalogue impossible

Barthélémy d’Arcole, Inspecteur des Mirages Marchands et Lecteur des Bibliographies Improbables de la Guilde des Bibliopolicés
Amis bibliophiles, bonjour.

Il arrive rarement que paraissent des ouvrages capables de déplacer les axes d’un domaine déjà saturé de commentaires, d’hypothèses, de légendes et d’érudition poussiéreuse. Rarer encore est l’irruption d’un bibliographe qui, sans bruit, sans effets de style superflus, parvient à réordonner un champ entier par la seule puissance de sa méthode.

C’est pourtant ce que Frédérick Coxe vient d’accomplir avec son monumental Catalogue des grimoires et des livres de magie, publié en deux volumes qui totalisent plus de 920 pages.

Deux volumes à la fois très attendus par une poignée de spécialistes — et redoutés par tous ceux dont la tranquillité dépendait du maintien d’une certaine confusion dans la bibliographie de l’occulte.

Car Coxe n’apporte pas seulement des titres, des notices, des descriptions : il apporte de l’ordre.

Et l’ordre, en matière de grimoires, est toujours une perturbation.


I. Un livre qui classe l’inclassable

Commençons par ce que ces deux volumes ne sont pas.

Ils ne constituent pas une anthologie de textes occultistes.

Ils ne sont pas une étude littéraire ou symboliste.

Ils ne sont pas un manuel d’ésotérisme.

Et surtout, ils ne sont pas un catalogue “définitif” — Coxe lui-même prend soin de rappeler que tout catalogue n’est qu’un instantané dans la longue vie mouvante d’un corpus.

Ce qu’ils sont en revanche :

  • un répertoire aussi exhaustif que possible de toutes les familles de livres magiques attestées,
  • un index raisonné de titres, variantes, traductions, réécritures, pseudépigraphies,
  • une géographie intellectuelle des traditions magiques européennes,
  • une cartographie de survivances où les textes dialoguent les uns avec les autres à travers les siècles.

Les deux volumes couvrent un champ immense : magies naturelles, livres de secrets, nigromancie, clavicules, Picatrix et ses avatars, grimoires populaires, corpus hybrides.

Coxe embrasse tout — mais en classant.

Et le lecteur, soudain, voit apparaître des structures là où régnait le chaos.


II. La méthode Coxe : une révolution silencieuse

Pour comprendre la portée de ce travail, il faut mesurer ce que Coxe accomplit.

Il fait avec les grimoires ce que Brunet fit pour les livres anciens, Davies pour les bibliothèques anglaises, Kieckhefer pour la magie rituelle médiévale.

Mais Coxe le fait sur un terrain infiniment plus mouvant.

Sa méthode repose sur quatre principes :

1. L’autopsie bibliographique

Chaque livre est examiné comme un patient sur une table d’analyse :
format, papier, provenance, structure interne, lexique, rubriques, interpolations.

2. La généalogie des textes

Coxe remonte les lignées textuelles, distingue les familles, sépare ce que l’on confondait.

3. L’indexation des survivances

Il met en lumière les traces d’originaux perdus, les transmissions souterraines.

4. Le refus du spectaculaire

Pas de romantisation, pas d’effet de manche : une sobriété qui force l’autorité.


III. Une bibliographie adossée aux travaux savants

Le catalogue s’inscrit dans une tradition érudite solide :
Kieckhefer, Véronèse, Boudet, les catalogues manuscrits, les inventaires ecclésiastiques, les procès inquisitoriaux.

Coxe propose une base vérifiable, sourcée, non spéculative, qui manquait cruellement dans ce champ miné par l’imaginaire.


IV. Les deux volumes : structure et contenu

Version corrigée selon la remarque de l’auteur

Contrairement à ce que laissait entendre la première version de cet article, les deux volumes de Coxe ne sont absolument pas organisés par thèmes.
Il n’y a aucune séparation par familles, ni par traditions, ni par périodes.

👉 La structure est strictement alphabétique, comme un Brunet de l’occulte :

  • Tome I : A – F
  • Tome II : G – Z

Cette architecture volontairement neutre est l’un des choix les plus importants du catalogue.
Elle interdit toute hiérarchie implicite et empêche de projeter une logique thématique ou doctrinale sur un corpus qui, historiquement, ne s’est jamais laissé enfermer dans des catégories rigides.

Dans cette structure alphabétique, Coxe parvient néanmoins — par les notices elles-mêmes — à faire affleurer des lignes de force, des correspondances, des traditions parallèles.
L’ordre alphabétique n’est donc pas un renoncement à l’intelligence du corpus :
c’est une armature souverainement neutre qui empêche l’idéologie ou la surinterprétation.

Chaque entrée comporte :

  • la description matérielle,
  • les témoins manuscrits ou imprimés connus,
  • les variantes textuelles,
  • les filiations possibles et prudentes,
  • les incertitudes,
  • et les références savantes utiles.

Ainsi, dans un cadre alphabétique, Coxe redonne du relief à un domaine où l’on confondait trop vite les textes par simple voisinage thématique.


V. Importance du travail : pourquoi ces volumes comptent

  1. Unification d’un corpus éclaté
  2. Mise en lumière de textes oubliés
  3. Distinction entre vrai, faux, interpolé, réinventé
  4. Croisement méthodologique inédit
  5. Nouvel outil de référence pour chercheurs et collectionneurs

VI. Une obsession maîtrisée : l’homme derrière le livre

Coxe occupe cette position rare entre bibliographe, anthropologue culturel et archéologue des savoirs.
Sa lecture des grimoires est profondément organique : il comprend leur logique interne, leurs strates, leurs dérives.


VII. Les limites : ce que Coxe ne fait pas

Pas d’analyse symbolique, pas de spéculation ésotérique, pas de théologie déguisée.
Coxe s’en tient à l’érudition — et c’est ce qui donne sa puissance au travail.


VIII. Réception et impact attendu

1. Les chercheurs sérieux applaudiront

2. Les amateurs de sensationnalisme seront déçus

3. Les collectionneurs seront troublés

(par les textes fantômes, les témoins perdus, les notices inquiétantes…)


IX. Conclusion : un monument pour longtemps

Coxe a posé les fondations d’une bibliographie scientifique du livre magique.
Son travail n’achève rien : il ouvre.

Et si, parfois, un livre continue de chuchoter lorsque l’on tourne ses pages…

Coxe nous aura appris à reconnaître la voix.

C’est un beau cadeau à se faire, le fond et la forme valent largement les 150€ demandés, vous pouvez contacter l’auteur à f.coxe@orange.fr pour échanger avec lui ou commander.

Barthélémy d’Arcole
Inspecteur des Mirages Marchands
Guilde des Bibliopolicés

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