Martyrologie: le Flos Sanctorum d’Alfonso de Villegas

Amis Bibliophiles Bonsoir, La « martyrologie » est un domaine à part dans la bibliophilie, elle donne en général lieu à des ouvrages très (trop) bien illustrés. Un exemple ce soir, avec cet article de Bertrand. Il ne l’a pas fait et donc je m’en charge : éloignez les âmes sensibles de l’écran ou les enfants qui viennent sur vos genoux se former à la bibliophilie sur le blog de l’ami Hugues.

« Ce message n’est ni vraiment une énigme, ni vraiment un article de fond, c’est un peu les deux , et surtout ni l’un ni l’autre. C’est avant tout un voyage iconographique au pays des supplices.
Vous allez découvrir plus bas une série de gravures sur bois issues d’un ouvrage imprimé en italien. Cet ouvrage, connu sous le nom de Flos Sanctorum est l’œuvre de Alfonso de Villegas, théologien espagnol du XVIè siècle. Nous avons ici une version italienne donnée par Timoteo da Bagno.
L’ouvrage est intéressant à plus d’un titre et est d’ailleurs noté comme très estimé par les bibliographes (encore eux, je sais…), mais son plus grand atout est de proposer au lecteur une série de plus d’une centaine de bois gravés (certains répétés plusieurs fois), presque tous de la même taille (vignettes d’environ 5 x 4 cm), représentant presque à chaque fois le supplice et martyr du saint en question.

Nous avons ainsi sous les yeux, gravés d’une manière à la fois forte mais naïve, le plus complet des tableaux des suppliciés de la religion chrétienne.

Je vous laisse les découvrir en images.
La traditionnelle et classique décollation pratiquée à l’épée, méthode rapide et efficace…
Saint-Vincent martyr. Suspendu à une corde pieds et poings liés, les bras tendus vers le ciel…
La crucifixion de Saint-Simon.
Original et propre. L’ensevelissement vivant ! Pieds et poings liés évidemment. Plus drôle.
Supplice de la Marmite bouillante etc.
Encore une originalité dont seuls les païens avaient le secret (enfin presque…) : Allongé et lié sur un cadre de fer et placé au dessus d’un brasier et savamment maintenu au col par une longue pic !
Traîné au sol !
Dépecé vivant au vil couteau ! Douloureux à n’en pas douter.
Classique : le lion…
Le brasier.
Un classique encore usité : la lapidation.
Il y a évidemment bien d’autres supplices, divers et variés, mais je n’ai pas voulu trop alourdir la lecture de cet article en en ajoutant plus. Comme vous le voyez, l’homme ne manque pas d’imagination lorsqu’il s’agit de martyriser son prochain. Pas très catholique tout ça ! Enfin, ici l’honneur est sauf, ce sont les payens les bourreaux. Il faudra attendre quelques siècles pour que les rôles s’inversent. Venons-en maintenant à la question liée à ce petit diaporama sanglant : D’après vous, et selon ce que vous pouvez voir (les bois gravés), pourriez-vous dire avec assez de précision la date d’impression de l’exemplaire dont je me suis servi pour illustrer cet article? Evidemment, je donnerai des précisions et des compléments d’information dans un ou plusieurs commentaires liés à cet article. »HP.S. : j’avas initialement de comparer l’ouvrage de Bertrand avec mon Van Luyken, Théatre des martyrs, mais je me suis dit que c’était peut-être trop pour ce soir.

6 Commentaires

  1. En effet Raphaël, ce qui serait intéressant serait de retrouver la première impression de ces bois et de pouvoir la dater avec précision. Le hasard un jour peut-être ??

    Beau travail d’identification Jean-Paul, comme je les aime, à mi-chemin entre Sherlock Holmes et Jean-Louis Beaucarnot (enfin presque…)

    En fait il suffisait de vous réveiller pour vous voir réagir à deux déjà sur ce message, le bibliophile est par nature taciturne et timide… et la femme si perverse si l’on en croit le brave Ubertin de Cassale.

    Amitiés, Bertrand

  2. C’est un travail passionnant que celui de retrouver l’origine d’un bois gravé. A une époque, pas si lointaine, où on pouvait manipuler, avec précaution, des ouvrages du XVIe pour les soumettre à la photocopieuse « angulaire » (spécialement conçue pour photocopier les livres sans les casser), aujourd’hui défendue, il suffisait de photocopier les gravures sur un support transparent et de les soumettre à leur superposition sur une simple vitre de la fenêtre du bureau du conservateur pour prouver leur similitude (même quand les bois avaient été retaillés, pour enlever par exemple des armes). J’ai ainsi pu raconter la « généalogie » de quelques bois utilisés au XVIe par les imprimeurs rémois et prouver qu’ils se fournissaient à Paris (on l’avait deviné, mais il fallait le prouver) et repérer d’autres du même siècle réutilisés aux XVIIe et à la période révolutionnaire, pauvre dans ce genre d’oeuvres d’art.

  3. C’est dur d’être martyr d’Alise Ste Reine…
    A première vue les bois ont bien l’air d’être contemporains de la Contre-réforme et je les situerai aussi fin 16e-début 17e. Ils ne m’évoquent pas forcément une origine italienne dans le costume(?)
    Sur cette pratique de réutiliser tardivement des bois gravés, j’ai dans un genre plus léger que le Flos sanctorum, un Apulée en Italien dans sa reliure d’attente (L’asino d’oro di Lucio Apuleio..tradotto ..in lingua volgare dal…Pompeo Vizani, Venise, Milocho 1675). Cette traduction a été abondamment réimprimée au cours du 17e siècle. Elle est illustré avec des bois très usés, typiques des xylographies vénitiennes du premier quart du 16e siècle. Reste, comme Bertrand, à identifier l’édition dans laquelle ils ont été utilisés pour la première fois.

    Bonne soirée

    Raphael

  4. Bon, visiblement mon article sur les suppliciés n’a passionné personne… dommage.

    Je vous donne donc l’information sur l’édition de laquelle sont tirés les bois gravés ci-dessus :

    Il perfetto leggendario della vitta, e fatti… e di tuiti santi… D. Alfonso Villegas sotto titolo Di flos sanctorum… Parte prima, seconda.

    2 volumes in-4 donnés sans nom d’imprimeur ni de libraire à Bassano (aurait été imprimé par Remondini d’après quelques notices??), en 1797 !

    Et là était bien tout l’intérêt de cet article s’il en avait un. Nous sommes en présence d’une impression de l’extrême fin du XVIIIè s. en Italie (1797) mais dont les bois gravés sont sans aucun doute beaucoup plus anciens et ont été ici réutilisés. Tellement réutilisés d’ailleurs que la plupart sont fort usés et que leur tirage en est plus que médiocre. De quand date la première édition qui utilisé cette série de bois gravés ? Je ne sais pas. Ce qui est certain c’est que l’on trouve cette même version déjà imprimée chez le même à Bassano en 1749, la même encore en 1726, et sans doute les bois sontt-ils encore antérieurs à cette date. Je les verrai plutôt du milieu du XVIIè siècle ou même de la fin du XVIè siècle. Qu’en pensez-vous ? En même temps ce genre de bois gravés naifs ont très bien pu être gravés au début du XVIIIè siècle.

    Amitiés, Bertrand

  5. La réponse de l’énigme est : Bartholomeo Platina, bibliothécaire de la Vaticane en 1475, recevant son investiture des mains du pape Sixte IV.
    Je l’ai ajouté dans le message.
    H

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