Amis Bibliophiles bonsoir,
1785, le Marquis de Sade est détenu à la Bastille. En un peu plus d’un mois et pour éviter la confiscation, le Marquis couvre d’une écriture minuscule des petits feuillets de 12 centimètres de largeur avant de les assembler en un rouleau de 12,10 mètres de long. Il cache ensuite le rouleau entre les feuilles de sa cellule. Il y restera plus de trois jusqu’à la prise de la Bastille par les parisiens. Hélas Sade n’est plus dans la prison, il a été transféré quelques jours avant le 14 juillet à l’asile de Charenton, nu, laissant ses effets dans la forteresse, mais également le précieux rouleau.
La Bastille est détruite et le Marquis croit son manuscrit perdu. Il en sera encore convaincu à sa mort en 1814. En réalité, le rouleau a été récupéré et vendu au marquis de Villeneuve-Trans. Sa famille le conserve avant de le vendre à la fin du XIXe à un psychiatre berlinois, Iwan Bloch. Celui-ci en publiera une version en 1904. 25 ans plus tard, Charles et Marie-Laure de Noailles, une descendante du marquis de Sade par sa mère, achètent le manuscrit au psychiatre allemand et en proposent une édition en souscription pour éviter la censure.
Le manuscrit reste dans ensuite dans la famille jusqu’en 1982, date à laquelle la fille de Charles et Marie-Laure de Noailles, Nathalie de Noailles, prête le précieux rouleau à son ami l’éditeur Jean Grouet. Celui-ci le vole, purement et simplement, rendant aux Noailles un étui vide… Et pour cause, le voleur l’a vendu au Suisse Gérard Nordmann, grand bibliophile et amateur de Curiosa pour 300 000 francs. C’est là que l’histoire romanesque de ce manuscrit devient moins sympathique.
En effet, Nordmann, que certains bibliophiles louent, ne pouvait ignorer que le manuscrit avait été volé. Il l’a donc acheté en toute connaissance de cause. En juin 1990, la justice française met fin à une longue bataille judiciaire: le manuscrit a été volé et doit être restitué à la famille de Noailles. Oui mais voilà, alors que tout le monde sait que Nordmann, en spécialiste du Curiosa, ne pouvait ignorer la provenance douteuse du document… le tribunal fédéral hélvétique conclue en 1998 que le bibliophile a acquis légalement le document, sa « bonne foi est constituée »
Dans l’intervalle Nordmann est décédé et ses héritiers décident de vendre l’objet du délit… Curieusement, le manuscrit ne sera pas proposé lors de la vente de la bibliothèque Nordmann en 2011 à Paris, sans doute parce qu’il ne pouvait être sorti de Suisse. Il a d’ailleurs été inscrit il y a quelques moins dans la base de données des biens volés de l’office central de lutte contre le trafic des biens culturels et d’Interpol.
Un manuscrit mythique donc, qui n’est pas supposé pouvoir sortir de Suisse. Oui mais voilà, il y a quelque temps, le libraire parisien Jean Claude Vrain, proche de Nordmann dont il fut l’un des fournisseurs, a proposé le manuscrit à Gérard Lhéritier, de la société Aristophil… pour une somme estimée autour de 4 millions d’euros. Aristophil s’est porté acquéreur, au nez de la Bibliothèque Nationale.
Le manuscrit, volé aux Noailles, inscrit à l’office central de lutte contre le trafic des biens culturels, supposément bloqué en Suisse est donc aujourd’hui en France, propriété d’Aristophil, qui semble avoir dédommagé la famille de Noailles. De ce côté là , tout semble être réglé donc. Du côté plus patrimonial, le Parisien nous apprend que:
« Gérard Lhéritier l’a acheté à Serge Nordmann, fils du collectionneur suisse Gérard Nordmann. « Une part des 7 millions d’euros est revenue à la famille Nordmann, détentrice légale du rouleau, selon la justice helvétique, l’autre à Carlo Perrone, héritier de Nathalie de Noailles, propriétaire légitime du manuscrit, selon la justice française », explique-t-il.
« Auparavant, la situation était totalement bloquée. J’ai signé un accord avec Carlo Peronne qui a fait une levée auprès des autorités judiciaires. Sans cela, impossible de le rapatrier, il aurait été aussitôt saisi… ».
Maintenant, « je vais le faire classer « Trésor national » afin qu’il reste en France et revienne peut-être un jour à la Bibliothèque nationale de France ». « J’avais d’ailleurs proposé de garder le rouleau cinq ans et d’en faire don à la BNF mais le ministère de la Culture n’a pas donné suite », affirme M. Lhéritier.
La BNF avait aussi approché le vendeur suisse qui a préféré traiter avec un acheteur privé. « L’important, c’est que le manuscrit revienne en France et que son statut soit clarifié », estime-t-on à la BNF, qui ne désespère pas de l’accueillir plus tard dans ses collections. »
Un complément utile donc, et on se félicite en lisant les mots de M. Lhéritier, quand il évoque la BNF.
Tout est bien qui finit bien?
H
P.S.: en ce qui concerne « le truand » Grouet, si j’avais le temps je me pencherais sur son cas… mais j’ai pas. 🙂
Aristofilou…
ouf, je me disais aussi 🙂
Xavier
Oh, vous m'avez mal compris, pour moi, le truand c'était Grouet bien sûr…. 🙂
Le reste n'est que paperasses 🙂
… ce que le juriste (totalement indépendant en l'espèce) et professeur des facultés de droit, qui admire sincèrement votre travail et qui vous suit sur toute la ligne, peut dire, c'est que la tournure de certaines phrases, à l'égard de certaines sociétés (dont on peut librement penser tout le mal que l'on veut), diffusées sur le Net peut aussi interpeller et avoir des conséquences peu agréables. Principe de base pour ce genre de chose à portée juridique : "si tu n'as pas tous les éléments en main, sois prudent et garde-toi de jouer du tam-tam"
Xavier
Très intéressant et très utile Wall. Merci!
voyez ici :
http://www.leparisien.fr/flash-actualite-culture/retour-a-paris-du-plus-sulfureux-manuscrit-de-sade-epilogue-d-une-folle-histoire-03-04-2014-3737237.php
Visiblement, Aristophil a aussi dédommagé la famille de Noailles. J'ai lu quelque-part qu'ils avaient déboursé 7 millions en tout
il ne faut pas voir le mal partout. Quand on pense à tous les objets culturels bêtement cachés par leur, voyons, comment dit Aristophil, ah oui, "propriétaire actuel", sous prétexte qu'ils ont été acquis sans le consentement du propriétaire précédent, on se dit que cette méthode, c'est l'avenir pour alimenter le marché.
Oh ben oui, ils zont du fèr sa.
ben ils ont dus faire une deal avec toutes les parties c'est tout.
je vois pas ce qui est bizarre.
il n'y a pas de complots partout