Connaissance de la reliure: la Reliure à l’éventail

Amis Bibliophiles bonjour,
Pour fêter les sept ans du Blog, j’ai le plaisir de vous proposer un message sur la reliure à l’éventail.
Hugues nous avait présenté voici longtemps en quelques mots le décor à l’éventail, autrement appelé par raccourcis abusif « reliure à l’éventail ».
Il s’agit en effet d’un décor des plats, doré  aux petits fers, inscrit dans un encadrement doré « à la Du Seuil ». Au centre s’épanouit une rosace formée de pétales à terminaisons arrondies concentriques couronnés et prolongés de petits fers. Aux angles du cadre intérieur se logent quatre compositions utilisant les mêmes fers en quart de cercle qui évoquent des éventails.
Le relieur quasi mythique, Le Gascon (ou Gascon) actif dès 1622, serait à l’origine de ce décor. En fait, il semble que les relieurs italiens aient été les précurseurs à la fin du XVIe siècle. Au moins attribue-t-on  à Le Gascon les plus raffinés et les plus beaux spécimens de ce rare décor, poussé sur un beau maroquin incarnat. Raphael Esmérian possédait un exemplaire de la vulgate in-12 de 1630 ainsi orné (reproduit dans son catalogue et dans l’ouvrage de Devauchelle). Il identifiait, dans l’annexe de son catalogue,  deux autres reliures de Le Gascon à décor à l’éventail, l’une conservée à Chantilly, l’autre provenant de la vente Didot.  Le volume de Chantilly est reproduit dans l’ouvrage « Reliures françaises du XVIIIe siècle, chefs d’œuvre du musée Condé » d’Isabelle de Conihout et Pascal Ract-Madoux. Les deux auteurs en profitent pour localiser deux autres petits volumes à la Bnf et un in-4 de 1625 à la Mazarine.  La date d’exécution de ces reliures est habituellement fixée vers 1630, plutôt d’ailleurs dans les quelques années qui suivirent. 
Biblia Sacra, Bibliothèque de Chantilly
Ce décor se rencontre habituellement donc sur des volumes de petit format mais le  livre reproduit ci-dessous est un grand in-folio attribuable à Le Gascon, sur un manuscrit généalogique daté de 1634.


Ce type de décor (sans le fer à pétale arrondi)  gagna ensuite les reliures d’agonothètes. Le centre de la rosace est alors occupé par les armes du donateur. Le maroquin trop onéreux est remplacé par un veau ou une basane.  Un livre de ce type passa en vente samedi 30 mars 2014 à Versailles (N°116).  L’exemplaire ci-dessous aux armes de Thiersault (OHR 2146), conserve son ex-praemio de 1640. Le relieur est « l’imitateur de Le Gascon » identifié par Raphaël Esmerian.

En France au XVIIIe siècle on rencontre quelques reliures aux éventails en écoinçons sans la rosace au centre du plat.
Au XIXe siècle, la mode est aux décors rétrospectifs. Bozérian et Simier réinventent ce décor au moyen de grands fers à dorer à l’éventail en écoinçons. Simier utilise  un grand fer  de ce type sur une reliure mosaïquée aux armes de Marie Caroline, duchesse de Berry, (reproduite  par Devauchelle) et sur une autre reliure, au chiffre cette fois, de la même duchesse qui figura dans la collection Descamps-Scrive (catalogue romantiques N°462). Plus anecdotique, le relieur Gustave Durville de Montpellier utilise aussi ces mêmes écoinçons à l’éventail (Culot, planche 86).
Au-delà de nos frontières, en dehors de  l’Italie, ce type de décor se retrouve en Espagne au XVIIe siècle largement surchargé et en Angleterre dans une interprétation mosaïquée peu élégante.  
Une reliure à décor à l’éventail sur le site de la Bnf :http://reliures.bnf.fr/ark:/12148/cdt9x9s0/
Lauverjat