La couleur de l’Argent. Les prix, les bibliophiles, les libraires et les livres: où l’Argent est-il le moins cher?

Amis Bibliophiles bonjour,
L’argent est un sujet pour le bibliophile, c’est certain. La bibliophilie, si elle est cosa mentale selon le mot désormais célèbre de Pierre Bérès, peut vite tourner à l’obsession et à la bibliomanie. Ce qui freine certains d’entre nous, si ce n’est tous, le dernier rempart, sourire, c’est l’argent.
C’est un fait, si nous pouvions en consacrer plus encore à la bibliophilie, nous achèterions plus de livres, ou des livres plus chers, selon le goût de chacun. 
Cela ne signifie pas que l’argent est central, primordial dans la bibliophilie, bien sûr que non, mais il serait candide de ne pas lui accorder la place qu’il mérite.
Qui dit « argent » dit « prix », et qui dit « prix » soulève une nouvelle fois le débat des prix pratiqués ici et là, sur ebay, en salon, en salle des ventes, chez les libraires.
Il est souvent compliqué pour le bibliophile de s’y retrouver et sans être l’un de ces « chasseurs d’affaire » que vilipendent quelques libraires sur les réseaux sociaux, il est normal que l’amateur essaie de comparer les prix entre les différentes sources d’approvisionnement; tout en gardant à l’esprit qu’il n’est pas simple de comparer deux ouvrages (édition, condition, provenance, envoi, etc.). Mais le bibliophile ne peut à mon sens éviter de le faire, ou rares sont les bibliophiles qui peuvent s’affranchir totalement de cette contrainte. 
Un exemple directement lié au prix, à l’argent? L’Argent justement. L’Argent d’Emile Zola.
Ces derniers jours, je surveillais sur ebay l’exemplaire suivant: l’édition originale, sur Hollande, reliée en demi-maroquin non signé, avec un envoi, que l’on peut qualifier d’un peu frustrant. 
L’exemplaire a été adjugé à 600 euros, il était vendu par un particulier.

http://www.ebay.fr/itm/222360479511?_trksid=p2057872.m2749.l2649&ssPageName=STRK%3AMEBIDX%3AIT
Cela me semblait assez peu. Mais peut-être avais-je tort et je me suis demandé quel pouvait être le prix d’exemplaires comparables.
Une recherche rapide sur ebay donnait un autre exemplaire de l’EO de l’Argent vendu également 600 euros par un libraire, cette fois-ci, mais sans envoi, et sur papier courant.
http://www.ebay.fr/itm/EMILE-ZOLA-L-ARGENT-EDITION-ORIGINALE-/360967524494?hash=item540b57508e:g:qLoAAOSwgmJXxeLI

Exemplaire qui paraît donc un peu cher, pour un exemplaire de l’EO sur papier courant, et ce d’autant plus qu’un clic de plus sur ebay proposait l’exemplaire suivant:
http://www.ebay.fr/itm/EO-Emile-ZOLA-LArgent-1891-sans-mention-RELIURE-signee-avec-les-couvertures-/162316278854?hash=item25cacddc46:g:ojYAAOSwA3dYCJO4

Celui-ci est proposé à 220 euros, par un jeune libraire. Certes la reliure n’est pas en demi maroquin, mais elle est signée Champs… et l’exemplaire semble en meilleur état que celui de son collègue – qui est listé sur ebay depuis 3 ans au moins. 
Un autre clic et vous trouviez un 3ème exemplaire sur papier courant, broché celui-ci, pour 60 euros, avec l’option « offre directe », par un professionnel. N’étant pas relié, Il est un peu hors-sujet.
Il reste que pour le bibliophile qui est intéressé par un exemplaire sur papier courant de l’EO, les prix proposés par les libraires français, uniquement sur ebay, peuvent varier du simple au triple. Une bonne question serait de se demander si vous accepteriez de payer votre voiture, votre baguette ou tout autre produit 3 fois plus cher chez un autre marchand de la même « zone commerciale ». La réponse est non. Et comme souvent, face à de tels écarts de prix, on hésite, et souvent lorsqu’on hésite, on n’achète pas. 

Après tout s’il y a un écart du simple au triple entre l’exemplaire à 220 euros et celui à 600, peut-être que demain un exemplaire à 220 divisé par 3 apparaîtra sur le marché… Bref, on attend.
On le constate, sur ebay déjà, le bibliophile peut être perdu…
Mais revenons à l’exemplaire sur Hollande, en demi maroquin non signé, avec envoi, vendu 600 euros sur ebay, et essayons de le comparer à d’autres exemplaires sur Hollande.
Une recherche rapide sur livre-rare-books ne donne qu’un seul résultat avec la recherche Zola + L’Argent + Hollande. On arrive sur un livre proposé par une librairie française: 
http://www.livre-rare-book.com/book/5473338/3893?utm_source=vialibri&utm_medium=search&utm_campaign=vialibri

L’exemplaire est sur Hollande, en plein maroquin signé de David, sans envoi. Il est proposé à 1500 euros. Très honnêtement, avant de constater le prix de 600 euros de celui sur ebay, je trouvais ce prix très acceptable.
D’autant plus, et c’est le dernier élément, que si l’on recherche des résultats en salle des ventes on trouvera les quelques références suivantes:
1. Un exemplaire sur Hollande, en demi-maroquin signé de Champs, adjugé 1600 euros chez Alde en 2012

2. Un exemplaire sur Hollande, en demi-maroquin signé de Yseux, adjugé 1000 euros chez Cornette de Saint-Cyr en 20123. Un exemplaire sur Hollande, en demi-maroquin signé de Affolter, adjugé 8000 euros chez PBA en 2010…. Et…4. l’exemplaire en plein maroquin de David évoqué ci-dessus, proposé 1500 euros par le libraire et adjugé 520 euros chez Ader en juin 2015.

On le voit, il n’est pas aisé pour le bibliophile un peu contraint, ou qui tout simplement fait attention au prix qu’il paie, de s’y retrouver dans toutes ces offres. 
Ce qui est clair, c’est que certains prix proposés par des libraires (je pense aux deux exemplaires « ebay » sur papier courant cités plus haut) sont incohérents entre eux, et que cela ne contribue pas à faire passer le bibliophile consommateur à l’acte. Cela contribue même à le faire hésiter, patienter, et souvent renoncer… 

Il n’y a pas de réponse évidente dans cet article, même si les salles des ventes semblent généralement représenter les prix les plus bas, puisque vous pouviez avoir un exemplaire en plein maroquin sur hollande chez Ader pour 520 euros, plutôt qu’un exemplaire en demi-maroquin sur papier courant sur ebay pour 600 euros, chez un libraire; mais ces disparités montrent bien, truisme (parfois oublié par certains libraires), qu’il est important de comparer et d’être compétitif dans ce qui est devenu un marché ultra-concurrentiel.
C’est ce dernier élément qui m’incite parfois à penser que sur ce marché devenu mondial, déréglementé, avec autant de sources d’approvisionnement diverses (et toutes concurrentielles), et des libraires aux contraintes très différentes, le prix des ouvrages relativement courants i.e. non uniques est irrémédiablement voué à baisser.

H

33 Commentaires

  1. First of all I want to say terrific blog! I had a quick question that I’d like to ask if you don’t mind. I was curious to find out how you center yourself and clear your thoughts before writing. I have had trouble clearing my thoughts in getting my ideas out. I do take pleasure in writing however it just seems like the first 10 to 15 minutes are generally wasted just trying to figure out how to begin. Any ideas or hints? Cheers!|

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  3. Le prix est difficile à determiner, Un grand galeriste franco-américain le definissait ainsi :c’est celui qu’accepte le collectionneur pour se separer sans trop de douleur de l’objet collectionné, c’est le motant dont le collectionneur accepte de se delester pour acquerir l’oeuvre tant convoitée. Les prix vont ils baisser ? Oui à court terme. Ensuite, ils remonteront, et la politique des prix cassés cessera. Pour deux raisons. L’élasticité du prix d’un livre est très faible. 1 / Baissez les prix de 50%, ce n’est pas pour cela que le marché doublera de volume. 2 / Une fois vendu votre stock à prix bradé, il faut le reconstituer avec un prix d’achat très faible. Cela est impossible. Des prix bas ne sont adaptables qu’à un marché de volume. Le livre ancien n’est pas un marché de volume. C,est peut etre un marché de l’offre avec des milliers de références, mais en aucun cas un marché de masse.

  4. Dans le même ordre d'idée, le libraire qui vendait l'Argent, à 220 euros, vendait aussi la Débâcle, sur Hollande, avec la même reliure, à 880 euros. Cet exemplaire est maintenant proposé par un autre libraire à 1800 euros.

  5. bonjour, j'ai déjà lu ceci…Messieurs les anonymes, proposez nous un psedo,
    ce serait plus facile pour la lecture. si vous êtes en panne d'inspiration je vous en propose un bon kilo: riri, fifi, loulou, atchoum, ringard, filou, poireau, ribouldingue, Hugues…non, pas Hugues ni gepobe. bonne journée.
    gepobe

  6. Si le livre était une femme, Le bibliophile serait son Don Juan tout dans la conquête, Le relieur son chirurgien esthétique quoi que plus efficace. J'ai bien peur que libraires et commissaires priseurs en soient les proxénètes…ce qui dans ce cas facilite quand même grandement la conquête du Don Juan, il suffit de payer pour posséder.

  7. @René : j'aime beaucoup le commentaire.

    Pour un livre :
    Du livre que l'on convoite, on ne voit que les défauts.

    Du livre que l'on vient d'acheter, on ne voit plus que les qualités.

    @Portes Sombres :

    A l'inverse, j'ai eu un livre réellement rare. Pas un exemplaire en vente et sujet intéressant. Je l'ai mis à 400 ou 500 euros je crois, broché. Ensuite, un confrère a eu un exemplaire relié : 700 ou 800 et le Feu Follet a eu un bel exemplaire plein maroquin dédicacé : 1700 ou 1800.

    Le prix de l'ouvrage peut parfois se définir avec des petites choses…

    Un libraire

  8. Du livre que l'on convoite, on ne voit que les qualités.

    De celui que l'on vient d'acheter, on ne voit plus que les défauts.

    Ensuite le bon sens reprend le dessus.

    René

  9. Je pense que le bibliophile le plus sage finalement est celui qui n'achète pas de livres. Celui-là se contente de les rêver. En même temps il se rêve bibliophile, parfois même libraire. Finalement cela arrange tout le monde.

  10. Comme bibliophile, deux règles pour pouvoir acheter sans regret :
    1. Systématiquement comparer les prix des exmeplaires disponibles avant l'achat ;
    2. Ne plus JAMAIS comparer les prix après… 🙂

    Ca évite d'avoir des regrets 😉

  11. La perplexité peut aussi être chez les libraires, quel est le bon prix ? Celui qui permet une rotation rapide ou celui qui valorise son produit?
    Et comme je l'ai démontré par l'exemple récemment sur facebook, l'information diffusant rapidement, il suffit d'une seule annonce à "prix cassé" pour déstabiliser le prix d'un ouvrage durablement.

    Une chose est sûre la recherche du prix bas est un appétit qui a détruit tous les secteurs d'activité depuis 30ans, ça sera probablement le cas aussi de la vénérable institution de la librairie ancienne. Dans ces conditions seuls subsisteront comme partout ailleurs quelques uns (pas beaucoup) qui pourront maintenir et justifier des prix hauts et quelques grosses structures (pas beaucoup) s'autoaggrégeant pour gérer du stock de livres anciens à prix bas comme le ferait amazone. Le bibliophile en sortira t il gagnant ? Pas certain si on pense sur les longues durées.
    Mais j'ai un espoir secret c'est que je ne crois pas que cet appétit soit sans fin…

  12. Je doute fortement que cela s'équilibre. Ces différences de prix ont toujours existé et internet ne fait que mettre une loupe dessus. Reste à savoir quel prix on est prêt à mettre, c'est notre meilleure référence.

    un bibliophile

  13. Oui c'est vrai. C'est certainement encore un certain manque de maturité du marché confronté à l'Internet.
    J'espère que cela va progressivement et raisonnablement s'équilibrer . Mais sans certitude …
    Eric

  14. Mon propos n'était pas de critiquer la marge, bien légitime, que pratiquent les libraires mais plutôt de souligner l'embrouillamini auquel nous sommes souvent confrontés en tant que bibliophiles.
    Pour moi, les écarts entre les deux libraires sont finalement le point essentiel de mon article.
    De telles incohérences interpellent et je le crois sont néfastes.
    Hugues

  15. On peut dire ce qu'on veux sur les SVV mais de toutes façons si on arrive après la vente, c'est trop tard. (dommage pour le bibliophile, et d'ailleurs aussi dommage pour le vendeur, mais c'est comme ça).
    Il y a des hauts (mis en évidence dans la gazette Drouot et sur les supports de communication des SVV et les flops qui sont les invendus (30% en moyenne, prix de réserve trop élevés, bibliophile au golf et pas dans la salle ou en ligne …) et les ouvrages achetés par les marchands qui servent en quelques sorte de régulateur à la baisse et qui revendent donc avec marge des ouvrages qui – dans les conditions où ils l'on acquis – n'ont pas trouvé preneur chez un bibliophile. Dire que l'on aurait pu acheter à la place du libraire est vrai, mais pas au même prix, comme expliqué plus haut, par anonyme. Ensuite le bibliophile peut avoir des regrets ou accepter que les professionnels dont certains sont présent à toutes les ventes fassent de bons achats et puisse ainsi proposer des ouvrage à la vente en réalisant une bonne marge tout en étant à un prix juste.
    Eric

  16. Cher Tiephaine,
    Quand je dis gagner, c'est une image. Je ne considère pas la bibliophilie comme un investissement.
    Si vous préférez, vous économisez 750 euros.
    Hugues

  17. Ah non cher Hugues, à 750€, il n'y a aucun gain financier s'il n'y a pas de remise sur le "marché" prévue. Et même ainsi, il faudrait encore pouvoir revendre à 1500€ dans un délai raisonnable.
    A 750€, tout ce qu'on gagne, c'est une facture de 750€, et la satisfaction d'avoir acquis un ouvrage qu'on convoitait à un prix que l'on estimait satisfaisant. (remplacez "750" par "X" et vous aurez une loi générale)

  18. Remarque assez juste, mais il ne faut pas partir perdant 🙂
    Même si vous mettiez au dessus, il y avait encore de la marge par rapport au premier prix en librairie, c'est à dire 1500 euros.
    Mon petit doigt me dit d'ailleurs, et c'est logique, que le libraire ne vous aurait pas suivi au delà de 750 euros… vous gagniez donc encore 750 euros.

  19. Juste à propos de "vous pouviez avoir un exemplaire en plein maroquin sur hollande chez Ader pour 520 euros" :

    Non. Par définition, si c'est un autre qui l'a eu à ce prix-là, c'est que je ne pouvais pas l'avoir, moi, à ce prix : il fallait mettre au-dessus. Il me semble que c'est le problème de l'analyse des résultats de SVV.

  20. la provenance est-elle toujours une valeur en vogue?
    c'est à dire qu'acheter un livre ayant appartenu à un bibliophile célèbre, puisque vous êtes peu nombreux, change-t-il encore la donne?
    A un certain niveau, je pense que oui mais dans le niveau d'inculture générale et de non curiosité qui sévit en ce moment … il y a des affaires surement et peut être que l'acheteur qui aura su donner une cohérence à son projet de bibliothèque fera-t-il le bonheur de futurs bibliophiles … mais il faut avoir un peu de réflexion et un projet qui va plus loin que la simple achat-revente-plus-value ….
    A.

  21. un prix acceptable pour ce livre (papier courant) serait donc entre 200 et 400 euros ? (puisqu'apparemment à 600 euros le livre ne trouve pas preneur)
    et pour un exemplaire sur Hollande, un prix de 1500 à XX (suivant les autres critères comme la reliure et la provenance) en boutique ?
    avec la possibilité de trouver moins cher en suivant les SVV, avec les contraintes et les surcoûts correspondants – le 520 euros chez Alde correspondant à 700 euros avec les frais divers (dont expédition pour les quelques non parisiens)… mais aussi avec le fait de devoir l'acheter avec un planning contraint.

  22. En réponse a l'anonyme de 16 h 07 le vendeur ebay de l'enchère a 600 euros est un professionnel mais pas du livre, de la brocante, en conséquence la loi s'applique et il reprendra sous 14 jours l'objet comme dans toute vente par correspondance d'un vendeur professionnel. son numero siret est sur l'annonce et valide "récupération de déchet trié" ça ne s'invente pas ! pas très rassurant pour l'acheteur, espérons qu'ils sont bien triés 🙂

    Daniel B.

  23. En l'occurence, le vendeur ebay propose un remboursement sous 14 jours, et si vous le payez avec paypal, vous savez que vous pouvez renvoyer le livre et être remboursé sans problème.
    A l'inverse, le libraire, qui est membre du SLAM, ne mentionne pas le petit défaut qui était pourtant signalé par la maison de ventes (dont on critique souvent la probité).
    Au final:
    1. un vendeur ebay dont on peut se faire rembourser
    2. une maison de ventes qui signale un défaut
    3. un libraire qui l'oublie.
    Cherchez l'erreur.
    A mes yeux l'article est surtout intéressant quand il met en évidence la diversité des prix pratiqués sur les exemplaires sur papier courant, chez deux libraires, sur la même plate-forme, 220 contre 600 euros…
    Là, c'est à n'y rien comprendre.

  24. Intéressant billet mais il me semble manquer dans cette analyse un élément immatériel : la confiance accordée au vendeur et ses références. Le vendeur Ebay (que je ne connais pas) a peu d'évaluation pour quelqu'un présent depuis longtemps et quand on regarde les objets vendus, il y en a peu à 600 et bien peu de livres ! On paye peu cher mais on fait confiance… Je sais bien qu'on parle régulièrement ici des garanties faibles apportées par les SVV et de quelques problèmes avec des libraires peu scrupuleux mais s'il manque quelques p. au livre vendu à 600 euros je ne suis pas certain qu'il sera facile à l'acheteur de se faire rembourser… Si le livre est complet, tant mieux pour l'acheteur qui aura pris un risque, minime ou pas, à chacun de le peser !

  25. On doit espérer que le libraire a fait restaurer les mors sur le maroquin de David, ou alors sa fiche livre rare serait moins précise que celle de la SVV, qui annonce une fissure, un comble !…

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