Amis Bibliophiles bonsoir,
Aux frontières de la bibliophilie, un plan est-il un livre?
En 1734 sont gravées les premières planches de l’un des plus formidables plans jamais réalisés, le plan de Paris dit « plan de Turgot ». Il faudra plusieurs années à Claude Lucas pour graver l’ensemble de ses 20 planches et du plan d’ensemble, levés et dessinés par Louis Bretez et écrits par Aubin. L’instigateur du projet n’est autre que Michel-Etienne Turgot (1690-1751), magistrat et l’un des plus célèbres prévôts des marchands de Paris (de 1729 à 1740).
A la tête de la municipalité parisienne, Turgot décida de promouvoir l’image de Paris auprès des élites (parisiennes, provinciales et étrangères) en faisant réaliser un nouveau plan de Paris. Il confie à Louis Bretez, membre de l’Académie de Peinture et de Sculpture et professeur de perspective, le soin de lever et de dessiner le plan de Paris et de ses faubourgs. Par contrat, il lui est demandé une observation de grande précision et une reproduction très fidèle, il dispose même d’un mandat de visite l’autorisant à entrer dans les hôtels, les maisons et les jardins. Bretez y travaille pendant deux ans (1734-1736).
Le plan réalisé à l’échelle 1/400 environ est de grandes dimensions (2,49 m × 3,18 m). Au xviiie siècle, la tendance était à l’abandon des portraits de villes, hérités de la Renaissance au profit de plan géométral, plus technique et plus mathématique. Cependant, Bretez crée un plan en complet désaccord avec cette tendance séculaire, en optant pour le système de la perspective cavalière axonométrique, sans point de vue, ni point de distance : deux immeubles de même dimension sont représentés par deux dessins de même taille, que ces immeubles soient proches ou éloignés. Le plan est orienté en direction du sud-est. Il couvre approximativement nos actuels onze premiers arrondissements. Ces planches offrent des vues à vol d’oiseau du Paris de l’époque en respectant scrupuleusement les bâtiments, les rues et les jardins…
En 1736, Claude Lucas, graveur de l’Académie des Sciences est chargé de graver à l’eau-forte et au burin les 21 planches du plan. Le plan ne parut qu’en 1739, les estampes reliées en volumes préparés à la vente étaient tantôt offerts au Roi et aux princes, tantôt aux membres de l’Académie française et aux membres de la Municipalité, tantôt aux représentations françaises à l’étranger. Les 21 cuivres gravés du plan sont conservés par la Chalcographie du Louvre, où ils servent à l’impression de nouveaux tirages suivant les mêmes techniques qu’il y a deux siècles.
Le 6 mars, la société de vente Piasa mettra en vente un exemplaire extraordinaire, relié par Padeloup, relieur du roi. Antoine Michel Padeloup, le plus célèbre de cette illustre famille de relieurs, fut chargé de relier les publications somptuaires : « Fêtes publiques données par la ville de Paris », « Fêtes données au Roi à Strasbourg », « Sacre de Louis XV »… En particulier pour ce dernier volume, il dessina des fers spéciaux qui, juxtaposés sur les plats de la reliure, composent un bel encadrement que l’on rencontre parfois sur cet ouvrage quand il est richement relié en maroquin.
Ce sont ces mêmes fers que Padeloup a utilisés pour orner ce plan de Turgot en frappant sur le premier plat les armes de Louis XV et sur le second les armes de la ville de Paris. Une telle association semble extrêmement rare : il existerait deux ou trois exemplaires du plan de Turgot reliés ainsi. L’exemplaire mis en vente porte au dos un cinier, marque de Joseph Gulston, collectionneur anglais de la fin du XVIIIe siècle.
L’estimation se situe entre 22000 et 30000 euros.
Alors, un plan de Turgot relié par Padeloup, de la bibliophilie? Je dis oui!
H
Les commentaires sont fermés.
un article pour compléter :
http://www.lejsl.com/saone-et-loire/2012/02/24/les-precieux-plans-de-paris-quittent-lacrost-pour-drouot
Bernard, question gravure baroque, on ne peut pas faire mieux avec le plan de Turgot. Cela devait faire plus de 150 ans qu'on ne faisait plus de plan en élévation !
Ceci dit, ces documents nous plongent dans un Paris disparu ( je n'ai pas le plan de Turgot, peu maniable, mais celui de Nicolas de Fer (1705) – Une mine d'info.)
Et puisqu'on est sur Paris, je conseille à ceux qui ont du temps d'aller voir une expo confidentielle au Trocadero sur les Hotels Particuliers parisiens. On y voit quelques livres d'architecture, et surtout des maquettes et des photos de centaine d'Hotels parisiens qu'Haussmann et sa bande ont fait disparaitre. Je crois qu'il en reste environ 500 sur les 2000 existant à la Révolution.
Textor
Je ne sais si on peut appeler ce plan, un livre, mais c'est sans nul doute un objet de convoitise pour un bibliophile qui aime connaître la provenance d'un ouvrage, qui apprécie sa reliure et attache de l'importance à l'histoire de sa capitale.
Les cartes seules coûteraient moins cher… Pierre
bonjour,
20000 30000 € cela fais tout de même cher le renseignement !
Bien sur pas de texte, mais ces plans sont beaucoup plus intéressants que beaucoup de gravures "baroques" de la plupart des ouvrages illustrés du XVIIIème. (ça n'est que mon avis!). Pour un parisien quelle mine de renseignements!
ici, évidemment, l'intérêt du texte est faible… 😉 en plus, les informations contenues sont largement obsolètes, et incomplètes. Aucune information sur les lignes de fiacres à quinze sols ! Je ne vois donc pas ce qui justifie le prix de cet ouvrage.