Essai de bibliographie des éditions illustrées de la Justine de Sade

Amis Bibliophiles bonjour,

L’objectif de ces quelques lignes est d’évoquer les éditions illustrées de la Justine de Sade et faire part d’informations que je n’ai jamais vues nulle part. Mais avant,dans le même esprit: une remarque sur La philosophie dans le boudoir -il n’y a évidemment aucun rapport avec Justine.

(Attention, les images ci-dessous peuvent choquer un jeune public)
La philosophie dans le boudoir:
L’eo date de 1795. Il y a eu (au moins) deux tirages. 
En effet, le titre du second tome ainsi que  le feuillet titré “Aux libertins”, qui suit le titre du premier tome, peuvent différer selon les exemplaires. Plus précisément, en notant A et A’ les deux tirages du feuillet du tome premier  et B, B’ ceux du titre du tome second,  on peut voir qu’il existe des exemplaires de type AB et AB’ (notamment les deux visibles sur le site Europeana).
La preuve par l’image, à vous de jouer:

 
J’ai comparé le texte du premier tome pour deux exemplaires dont le feuillet précité diffère ,mais je n’ai pas trouvé de différence. Cela étant, j’ai passé seulement une heure ou deux à cette comparaison fastidieuse: il reste donc possible que des différences m’aient échappé….
Les éditions illustrées de Justine:
Je ne vais parler ici que de Justine; je n’ai en effet rien à apporter pour la Nouvelle Justine.
Un rappel: Justine a été publiée en 1791. La bibliographie de Dutel dit que 7 éditions ont suivi jusqu’à 1801. Le tableau ci-dessous donne pour chaque édition des informations que l’on trouve dans différentes bibliographies classées par ordre chronologique. Je vais tenter de donner des précisions sur l’illustration de certaines de ces éditions.

Une première remarque: toutes les bibliographies semblent s’accorder plus ou moins sur les éditions de 1791, 1792 et 1800. Il reste en particulier  l’édition de 1794, qui divise. C’est surtout de celle-ci que je vais traiter. Concernant l’édition en 4 tomes de 1797, je ne peux rien dire ne connaissant qu’un exemplaire sans gravure et un autre vendu par Zisska et Schauer (exemplaire Leonhardt); il était orné de 4 frontispices mais malheureusement aucun n’était reproduit.
Remarque ne concernant pas les gravures: toutes ces éditions qui ont suivi l’originale sont  vraiment très  rares (a priori bien plus que l’eo), ce qui rend difficile le travail de bibliographie. Ainsi, par exemple, on  peut affirmer que  l’édition de 1801 n’est pas antidatée, mais il fallait pour cela dénicher un exemplaire avec une reliure significative. L’exemplaire ci-dessous possède juste un frontispice, sans aucun rapport avec Justine. L’exemplaire décrit par Pia ne comporte pas non plus de gravure. L’exemplaire Bonna est commenté plus bas.
 
L’édition de 1791:
Il est extrêmement difficile de mettre la main sur un exemplaire de cette édition ayant non seulement le frontispice mais au moins une autre gravure aussi. Il y a eu celui de la vente Hayoit en 2001 (relié par Thibaron-Joly); il était même complet des 13 gravures. On peut examiner un autre exemplaire sur le site  Europeana mais en dehors du frontispice, celui de l’eo retourné,  il n’a “que” dix gravures sur les 12. 
En fait, la présence d’au moins une des douze gravures autre que le frontispice semble tellement rare que souvent les catalogues de vente n’en mentionnent pas l’absence (voir par exemple le numéro 368 de la vente Nordmann -Christies, 27 Avril 2006). 
L’édition de La Pléiade (“Justine et autres romans”, 2014) ne l’évoque pas non plus dans le paragraphe  consacré à l’illustration de Justine (pages 902 à 923). Ce paragraphe est très  intéressant par ailleurs. Il faut noter cependant que  les gravures parfois “oubliées” de l’édition de 1791 sont mentionnées par Cohen notamment.
Cela étant la consultation d’Europeana couplée à celle du catalogue de vente Hayoit permet de découvrir en tout 12 gravures sur 13, dont le frontispice.
Les gravures sont élaborées,et pour certaines, saisissantes: elles méritent d’être vues, d’autant plus qu’elles ont un caractère unique (à l’exception d’une scène qu’on retrouve dans une édition ultérieure, aucune  n’est reprise dans une autre édition de Justine ni de l’eo de La nouvelle Justine). Elles comportent un encadrement macabre. La notice du catalogue de la vente Hayoit suggérait que Sade avait pu participer à leur élaboration, compte tenu de leur cohérence avec le texte et de leur homogénéité.
Pour feuilleter cette édition:tome premier: http://reader.digitale-sammlungen.de/de/fs1/object/display/bsb10781268_00009.html
Au niveau de la pagination de l’exemplaire, les gravures sont juste après les pages 98, 150, 232, 280, 334
tome second: http://reader.digitale-sammlungen.de/de/fs1/object/display/bsb10781269_00007.htmlLes gravures: après les pages 32, 82, 100, 136, 224
NB: si les liens ne fonctionnent pas, aller sur Europeana, taper: justine 1791  puis utiliser le fait que les deux tomes de cette édition contiennent respectivement 339 et 228 pages (l’eo quant à elle en contient 283 et 191).
Les éditions de 1792 et 1794:
Europeana offre la possibilité de  consulter un exemplaire de l’édition 1794 ayant 3 gravures et le frontispice (il manquerait donc 2 gravures). Ces gravures ont une indication de pagination qui ne correspond pas au texte: il semble clair qu’elles proviennent en réalité d’un exemplaire de l’édition de 1792 (en effet la pagination est de toutes façons plusieurs fois incompatible avec la collation de l’édition 1791 et nous verrons ci-dessous ce que sont les gravures de 1794). Enfin, le frontispice est identique à celui de l’exemplaire Bonna de l’édition de 1792  reproduit dans “Sade, un athée en amour”, p 266.
L’édition de 1800: on peut consulter un exemplaire sur Europeana, pourvu de 11 gravures (frontispice compris) sur 12. Deux de ces gravures sont différentes de toutes les autres: elles ne possèdent pas de légende et  sont les seules à être identiques à des gravures de 1791: on peut penser qu’elles ont été tout simplement  rapportées d’un exemplaire de cette édition. Ainsi, il reste en quelque sorte 9 gravures sur 12.Par ailleurs, il est passé en vente en novembre 2014 (Christies, vente Fekete), un exemplaire décrit comme le seul connu complet des 12 gravures. On retrouve bien dans l’exemplaire Fekete les 9 gravures citées ci-dessus de l’exemplaire Europeana de cette édition 1800.L’exemplaire Fekete possède:-un frontispice (La vertu…,différent de ceux de 1791 et 1792, les trois étant très proches)-4 gravures faisant aussi office de frontispices (tome 1e, tome 2e etc)-7 gravures différentes des 4 frontispices évoqués ci-dessus (en ce sens que les légendes se présentent autrement et que les dessins sont d’un style différent). Les paginations indiquées ne correspondent pas du tout à cette édition de 1800 mais à celle de 1794 (plus précisément, la pagination correspond exactement dans 6 cas et elle correspond à une page près dans le dernier cas. Pour cette dernière gravure, la pagination ne correspond pas non plus à l’édition 1800).
Enfin les 7 dessins sont tous d’un même style et on constate aussi que les 3 gravures de 1792 insérées dans l’exemplaire de 1794 d’Europeana ont plus que largement inspiré celles de l’édition de 1800 (voir plus bas les photos). Et elles sont moins élaborées.
En conclusion il semble  légitime de penser que ces 7 gravures proviennent d’un reliquat de l’édition 1794 que l’édition 1800 aurait donc récupéré. L’exemplaire Fekete semble intègre compte tenu d’une part des cohérences observées avec les bibliographies,et avec l’exemplaire Europeana, d’autre part de la cohérence au sein de son illustration.
En résumé, on peut penser que: 
-l’édition 1794  comporte 7 gravures plus le frontispice, toutes ces  gravures étant différentes de celles de 1792 mais s’en inspirant très largement (pour 5 d’entre elles puisque l’édition 1792 en contient en tout 6). -l’édition 1800 comporte 4 gravures présentant des scènes totalement nouvelles, et faisant office de frontispices, un autre frontispice inspiré de celui de l’eo et  7 gravures. Les 8 (1 et 7) gravures en question sont issues d’un reliquat de l’édition de 1794, et ont la pagination correspondant à cette édition antérieure.
Voici les 12 gravures de l’exemplaire Fekete et, pour comparaison, une photo de celle de 1792 (venant de l’exemplaire 1794 d’Europeana):



 



Synthèse, compléments:

* on peut aussi imaginer que ces 4 frontispices proviennent d’un reliquat de l’édition de 1797. Rien, absolument rien, ne permet de le penser sauf que ce ne serait pas incompatible avec le fait que cette édition de 1797 est censée être illustrée.
Remarque: le fait que des exemplaires se soient vus insérer des gravures qui, a priori, n’avaient rien à y faire ajoute à la confusion. 
Par exemple:
-exemplaire de l’édition de 1800 de la vente Leonhardt (Zisska et Schauer, 10 mai 2012): il comporte seulement 4 “frontispices”. Un seul est reproduit mais il n’a rien à voir avec aucune des gravures précédentes…Il est en fait très proche d’une des gravures de l’eo de La Nouvelle Justine. La notice de la vente Fekete le cite en précisant qu’il manque 8 gravures alors qu’il en manque au moins 9 puisque le frontispice reproduit vient d’une autre édition.
De la même façon, La Pléiade cite un exemplaire de La philosophie dans le boudoir qui serait le seul à contenir une gravure en plus..sauf que cette gravure pourrait très bien venir d’un tout autre ouvrage:


-description de l’édition 1801 (non illustrée) de la bibliothèque Jean Bonna (Sade, un athée en amour”, p 266): “4 gravures anonymes placées en tête de chacun des volumes. Deux d’entre elles, à caractère pornographique, figuraient déjà en sens inverse dans l’édition Cazin de 1792; les deux autres sont des représentations de scènes scabreuses et blasphématoires mêlant le profane et le sacré dans un jeu quasi démoniaque propre à l’imagination de Sade”. On pourrait croire en lisant cette notice que l’édition de 1801 est illustrée.Une de ces gravures est reproduite: elle vient de l’édition de 1794.
Enfin, pour clore cette petite étude, je signalerai l’existence de gravures identiques à quelques détails près (il ne s’agit donc pas ici de scènes qui s’inspirent l’une de l’autre). La photo qui suit est tirée de l’ouvrage de Pascal Pia “Dictionnaire des oeuvres érotiques”. A vous de trouver les différences avec une des gravures de l’exemplaire Fekete! (indication:Sade)

PS: pour ceux qui s’intéressent à l’illustration de La nouvelle Justine et Juliette: les gravures de l’eo sont toutes reproduites dans “Sade un athée..”. Les éditions obliques ont publié il y a longtemps une série des gravures qui correspondait en réalité à une édition publiée vers 1835, longtemps considérée paraît-il comme l’eo.
Philippe.

25 Commentaires

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  3. Petite info que les Sadiens auront remarquée, mais je la signale pour mémoire, une vente "Sade" chez Tessier-Sarrou (à Drouot) mercredi 15 juin, visiblement bien fournie… N'étant pas spécialiste (ni passionné !) j'ai lu le cat. en diagonale, mais il doit y avoir des pièces intéressantes…

    On y trouve entre autres pièces le "Fauteuil de Sade", mobilier ayant accueilli le séant du divin marquis !

    A toutes fins utiles, voici le lien sur interencheres (désolé je ne maîtrise pas les balises html) :

    http://www.interencheres.com/fr/meubles-objets-art/sade-ie_v76974.html

    A noter au passage, les mirifiques frais de 30 % !!! (auxquels les enchérisseurs internautes pourront ajouter 3,6 € environ)

    B.

  4. Bonjour Guillaume.
    Il faut savoir qu'en dehors de l'édition de la NJ illustrée par Deveria (vers 1835) toutes les éditions de la NJ (+HJ) ont la même collation exactement. Si vous regardez une page donnée d'un tome vous trouverez à un mot près éventuellement le même texte exactement (je l'ai vérifié pour 4 éditions).
    D'autre part je crois bien que les gravures sont plus ou moins les mêmes d'une édition á l'autre (à confirmer peut-être. Pour Deveria je ne sais pas bien). Dans Dutel vous trouverez les pages où on dout trouver les gravures. Avec"un athée en amour" +Dutel vous pourrez savoir où vont vos gravures.
    Si vous n'avez pas Dutel je peux vous poster une photocopie de 2-3 pages via Hugues.
    Bien à vous.
    Philippe

  5. Par ailleurs, vérification faite de ce que contenait mon double fond, les gravures de ce jeu volant sont bien au nombre de 60, mais étrangement distribuées selon les volumes (10, 9, 10, 10, 8, 13). Elle reproduisent très fidèlement les scènes de l’EO (je réfère aux fac similés de DELON dans Un athée en amour), mais ne sont pas strictement identiques (la totalité des détails se retrouvent pourtant).
    Je me suis demandé si cette suite de gravures correspondait effectivement à cette édition ; chaque gravure indique : volume / JULIETTE (dans une typo différente de celle de l’ouvrage, mais je suppose qu’il n’y a rien de plus normal) / page.
    En restituant la gravure à sa page, il est parfois difficile d’affirmer que cela correspond (la redondance des scènes de luxure rédigées est telle que…), mais certains détails correspondants (une poignée de verges, une roue, de l’huile bouillante) me font penser que la suite de gravures appartient bien à cette édition.
    Je pense qu’il s’agit de l’édition décrite ici : http://www.ferraton.be/fr/lot/archive/1953666/detail/58/
    Par ailleurs, mon double fond comportait un article du Temps 1930, « la vraie figure du marquis de Sade » par Emile Henriot, 2 minuscules dessins érotiques japonais en couleur a priori de bonne facture et une autre suite de gravures érotiques, 23 au total, signées la plupart « London », homogènes dans leur aspect général, mais assez hétérogènes dans le détail (signature parfois absente, numéro de chapitre parfois absent, parfois en romain, parfois en arabe) ; j’ignore à quel roman elles peuvent appartenir (ça serait sans doute évident pour bon nombre d’entre vous); l’inspiration est à la fois mythologique et gothique.
    Encore bravo Philippe pour vos recherches. J’espère vivement que nous aurons droit un de ces jours à une bibliographie des Justine avec un exact traçage/description/images des illustrations, connues ou inconnues. Car nos universitaires (je pense en particulier à Michel Delon que vous évoquiez dans un précédent post) sont des gens plein de qualités et d’une grande rigueur intellectuelle et structurelle qui ont beaucoup fait pour Sade, mais ils ne sont sans doute pas bibliophiles. Ce manque, c’est peut-être à vous de le combler !
    Bien à vous.
    Guillaume

  6. Un autre article assez fourni, "Les illustrations de Sade" dans L'Infini n° 33, 1991, pourrait d'ailleurs compléter le précédent.
    Guillaume

  7. Philippe,
    L'article de Champarnaud "Philippe Chéry, premier illustrateur de Sade" est issu de la revue Dix-Huitième Siècle, n° 26, 1994. Il est logiquement sous copyright. Et je n'en trouve pas de version libre sur internet. Les numéros de DHS en consultation libre sur Gallica ne vont que jusqu'en 1991. Si Hugues souhaite néanmoins le publier sur le blog, je lui fournirai rapidement le texte avec plaisir.
    Guillaume

  8. Bonjour Guillaume, pour Aline et Valcour,ce n'est pas parce que Girouard s'est fait guillotiner en cours de publication qu'on est passé de "Girouard" à "Veuve Girouard"? Là aussi d'ailleurs les biblios répètent des erreurs: on voit souvent écrit que la seule différence est dans les titres et le nombre de gravures (ou quelque chose comme ça) alors qu'en fait, apparemment, les différences entre tirages sont plutôt au niveau du texte, Sade s'étant autocensuré en rapport avec les événements de l'époque.En plus, c'est un renseignement connu depuis longtemps (des dizaines d'années au moins) mais pas pris en compte. Pour les cahiers en papier bleuté: j'ai vu une fois un tome 2 de l'eo de Justine entièrement en papier bleuté aussi.
    Il y a aussi deux livres intéressants: Valmor et Lydia, Alzonde et Koradin: ce sont des contrefaçons partielles (quasi introuvables) d'Aline et Valcour. Sade s'est plaint amèrement d'être ainsi pillé mais certains le soupçonnent d'avoir lui-même publié Alzonde afin d'utiliser à son profit le succès de Valmor (car Alzonde est un anagramme d'Aldonze, prénom de l'oncle de Sade, qui a joué un rôle important pour lui).
    Pas mal l'histoire du double fond!
    Je serais très content, oui, d'avoir l'article de Champarnaud. Peut-être, si vous voulez bien et si c'est possible, serait-il encore mieux de le publier sur le blog?
    Merci à vous
    Philippe
    PS: je reviens (pour la dernière fois, c'est promis) sur la gravure supplémentaire de la philosophie dans le boudoir: je ne trouve pas que ça puisse ressembler à une scène d'un livre de Sade (la philosophie ou tout
    autre): Sade ne donnait pas vraiment dans l'érotisme. Mais je peux me tromper…

  9. Bonjour,
    L’édition d’Aline et Valcour a été plutôt rocambolesque, si je me souviens bien. Plus de 4 ans pour que tous les volumes soient publiés, d’abord chez Girouard, puis chez la veuve Girouard ; certains volumes ou cahiers étant même sur papier teinté.
    Cette affaire de Justine augmentée m’intrigue ; je n’ai pourtant jamais rien lu là-dessus ; les études évoquant l’amplification de Justine en Nouvelle Justine sont pourtant nombreuses.
    J’avais trouvé il y a quelques années une Histoire de Juliette « En hollande 1797 », sans nom et sans lieu, fin XIXe, qui annonçait les 60 gravures de l’EO, mais absentes des volumes. Plus tard, je me suis aperçu que le boîtier qui contenait les 6 volumes comportait un double fond, avec les gravures, ce qui avait échappé au libraire lui aussi qui avait inscrit « gravures manquantes » ; elles sont grossièrement découpées et n’ont visiblement jamais été reliées. J’avoue n’avoir jamais vraiment pris le temps de les compter ni de vérifier à quoi correspondaient ces illustrations.
    Bonne journée à tous.
    Guillaume

    PS – Philippe, si l’article de Champarnaud consacré à Chéry vous intéresse, je peux bien volontiers vous en envoyer une version numérique.

  10. Cher Calamar, je ne sais pas bien…On m'a dit que oui, les gravures étaient vendues (ou pouvaient l'être ) à part et que parfois, d'ailleurs, les libraires pouvaient "casser" les séries afin d'obtenir plus par la vente au détail de certaines.Peut-être était-il aussi possible d'acheter des exemplaires sans gravures afin de payer moins cher le livre? Je n'en sais pas plus. A propos, pour la fameuse gravure d'Aline et Valcour qui manque à quasiment tous les exemplaires: il en existe avec une variante (une jambe découverte, le reste étant identique- cf un exemplaire du catalogue Forgeot qui contenait plusieurs eo, il y a une dizaine d'années). Comment savoir tout ce qui a pu se passer? Pourquoi cette gravure manque -t-elle presque toujours alors qu'il y a deux autres gravures érotiques dans cet ouvrage, qui peuvent manquer mais absolument pas avec la même fréquence que l'autre.Celle qui manque n'est pourtant pas plus "poivrée" que les autres, je trouve.

  11. passionnant ! je suppose, compte tenu des répartitions assez variables des gravures dans les exemplaires, qu'elles étaient également vendues à part ? Est-ce qu'on a des traces de ces ventes ?

  12. Bonjour Guillaume,
    oui, certainement, il y a eu des contrefaçons de Justine. Difficile de savoir lesquelles exactement.
    Il y a aussi probablement, dans toutes ces éditions de Justine qui ont suivi l'eo, certaines données par Sade car apparemment le texte est augmenté (dans je ne sais plus quelle bibliographie, il y a même des précisions sur les ajouts: le bibliographe ne se contente pas d'écrire que telle édition contient plus de texte, il donne la nature de certains ajouts).
    Au sujet de François Champarnaud: je ne connaissais pas -je vous remercie- mais par contre les notes de l'édition de La Pléiade que je cite sont de Michel Delon, qui a donc dirigé François Champarnaud autrefois, et j'avoue que ce que je lis dans cet ouvrage me gêne beaucoup:je n'ai pas voulu montrer qui que ce soit du doigt dans ce billet, je n'aime pas porter des jugements -c'est pourquoi je n'ai pas insisté- mais sincèrement, j'ai du mal à comprendre qu'on n'écrive pas dans un paragraphe consacré à l'illustration de Justine, dans une édition de La Pléiade publiée (ou rééditée) en 2014 que l'autre édition de Justine de 1791 est illustrée de 12 gravures en plus du frontispice, alors qu'il suffit d'ouvrir le Cohen (mais le reste de son paragraphe est intéressant; on y parle notamment de Chery là aussi).
    Pour l'édition de 1797, non il ne s'agit pas de la Nouvelle Justine. Les 4 tomes de cette édition ont d'ailleurs respectivement 143, 143, 142, 141 pages alors que l'eo de la NJ en contient 347, 351, 356 et 366 (avec un peu plus de texte par page, je pense, dans l'eo).
    Au sujet des difficultés à démêler les erreurs des bibliographes qui sont répétées: j'ai recopié dans le premier tableau ce qui était écrit dans plusieurs biblios (il n'y avait rien de plus).Le fait d'avoir eu entre les mains des exemplaires et aussi de pouvoir lire le texte des éditions sur Europeana m'a permis d'arriver à ce décryptage que j'espère correct. Je crois tout simplement qu'à partir du moment où on choisit de passer du temps (beaucoup il est vrai) à chercher à comprendre ce qui s'est passé à l'époque, on arrive à de très bons résultats compte tenu des archives internet et de l'existence d'exemplaires numérisés (dans mon cas, le fait d'avoir eu accès à l'exemplaire Fekete m'a permis d'avancer plus facilement mais l'exemplaire de cette même édition de 1800, numérisé sur Europeana, pouvait à lui seul me permettre d'arriver aux mêmes résultats-avec moins de "certitudes" il est vrai). Il faudrait, je crois, que ceux qui rédigent des notes ou notices, soient plus rigoureux, plus exigeants.A ce sujet, je dois dire que j'ai fait une erreur au sujet le la gravure de la philosophie: il n'est pas écrit dans la Pléiade que cette gravure vient d'un exemplaire de l'eo: elle est dans un exemplaire d'un "tirage parallèle".
    Concernant enfin ce qu'écrit Dutel pour Justine (je ne parle pas ici de la NJ), à part le fait que l'édition de 1794 est selon moi différente de celle de 1792 du point de vue de l'illustration, je trouve le reste très bien. En particulier je crois qu'il n'a pas oublié d'édition de Justine car je n'en ai jamais vu d'autre que celles qu'il décrit (et pourtant je les traque sur internet et ailleurs).
    Bonne journée à vous et merci pour votre commentaire.
    Philippe

  13. Bravo à vous pour ce travail !
    Je m’intéresse à Sade, mais malheureusement sans moyen de toucher ou posséder ce genre d’EO.
    Par expérience, les différentes bibliographies qui existent (du vivant de Sade déjà) sont fréquemment fautives ; les fautes se répercutant parfois sur plusieurs siècles (pour exemple, ce fameux « Texter » qui a gravé les illustrations de Chery, sans doute plutôt un « Texier » ; on retrouve encore la supposée coquille dans la dernière édition de la Vie de Sade par Gilbert Lely), chacun recopiant les notices des autres sans avoir forcément eu entre les mains les exemplaires. Il me semble donc très difficile de reconstituer tout cela (en revanche, on pourrait tracer les coquilles et erreurs…). Et n’oublions pas que Justine était un best-seller chez les marchands du ci-devant-palais-royal ; les contrefaçons on dû être nombreuses ; et Sade, à l’époque où les contrats d’édition n’étaient pas ce qu’ils sont aujourd’hui, a peut-être lui-même commissionné des éditions clandestines pour son seul profit.
    Quelques remarques.
    1. François Champarnaud a fait sa thèse avec Michel Delon au début des années 90 sur Sade et la peinture ; mais il a également publié quelques articles très intéressants sur les illustrations (je crois me souvenir d’un bel article retraçant le parcours de Chery). Je pense que si vous cherchez des informations, il a sans doute déjà travaillé sur la question.
    2. La Justine de 1797 que vous citez est sans doute la première version/edition de la Nouvelle Justine. Uzanne, dans la préface à L’idée sur les romans indique : « 5° Justine, etc. [ou les Malheurs de la vertu], à Londres (Paris), 1797, 4 vol. in-18 avec 6 figures, augmenté d'épisodes nouveaux et exécuté avec un luxe typographique inusité à cette époque. (Voyez : Quérard, France littéraire.) ». L’expression d’ « épisodes nouveaux » fait évidemment et indubitablement penser à la NJ. Par ailleurs, 1797 est la date retenue (et indiquée sur les ouvrages, sauf erreur de ma part) pour la NJ. On sait que vers 95 ou 96, Sade vit très mal, et qu’il envisage de réécrire Justine pour faire de l’argent ; certains exemplaires de la NJ avec la date sans doute exacte de 1797 ne portent pas encore la mention « la NJ suivie de l’histoire de Juliette sa sœur » ; il semble que ce soit en cours de rédaction et d’édition qu’avec son éditeur il ait voulu en fait ce coup de librairie incroyable (la plus grande entreprise pornographique de librairie de tous les temps, disait Pauvert) en proposant les 4 volumes de la NJ « suivie de l’Histoire de Juliette, sa sœur » en 6 volumes, le tout avec 101 gravures (si mon souvenir est bon). En cours d’édition de la NJ (mais la référence me manque en ce moment précis), on a vu apparaître des exemplaires de la NJ avec en titre « la NJ, suivie de l’HJ », ce qui n’était pas le cas au départ. Les exemplaires rescapés de la NJ+HJ 1797-1801 (ils sont peu nombreux, car Bonaparte n’a pas du tout aimé cela…) portent la date de 1797. Or, depuis l’admirable étude de Ract-Madoux (Bulletin du bibliophile, 1992, N°1), nous savons que l’HJ date de 1801 ; 4 ans de réalisation au moins, et des exemplaires ne portant pas tous le titre définitif pour les 10 volumes, avec des dates parfois fantaisistes…
    Reflexion supplémentaire, à moi-même : normalement, pour la NJ+HJ, il devrait y avoir 10 gravures par volume environ ; avec l’édition de 97 que vous citez, nous en sommes loin. Uzanne réfère pourtant nettement à 4 volumes, 6 gravures, et à de nouveaux épisodes.
    Bien à vous
    Guillaume

  14. Bravo, mille mercis pour le boulot. Il va vraiment falloir songer à éditer les bonnes feuilles du blog…

    B.

  15. Travail de recherche très impressionnant compte tenu de la rareté des exemplaires ! Merci Philippe pour cette description minutieuse, érudite et passionnante.

    Frédérick

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