Amis Bibliophiles bonjour,
Une peur bleue, j’ai rêvé que mes maroquins changeaient de couleur, qu’ils se transformaient en veau ou en vélin (oui, oui, il s’en trouvera toujours pour dire qu’un beau veau ou un beau vélin, c’est mieux qu’un beau maroquin, exactement comme une Citroën Picasso est plus belle qu’une Jaguar Type E)…
Luxure II, « Rien que pour vos bleus »Mais les bleus sont bien bleus. Ouf.
Début septembre, je confondais les poireaux et les iris… J’avais en effet découvert chez mon relieur cette jolie affiche: elle figure une jeune femme à côté d’une presse, sur laquelle souffle Eole je pense, et a été produite pour le « Cercle Grolier de Paris – SOCIETE DE PROPAGATION DU LIVRE D’ART MODERNE FRANCAIS – « Fondation Charles Meunier » – Exemplaire imprimé pour Monsieur Georges Dubuffet, membre fondateur.
Le mystère, c’était le poireau. Pourquoi dans cette création de Carlos Schwabe et datée de 1903, la jeune femme tenait-elle un poireau? C’est Samuel, lecteur du blog, qui a eu la gentillesse de m’informer que ce poireau est en fait un iris. Cette affiche est en fait une allégorie de la reliure, et la femme qui tient un iris est reprise d’un dessin de 1897.
On retrouve aussi cette jeune femme à l’iris dans une aquarelle de Carlos Schwabe portant une dédicace de Schwabe à Meunier (Aquarelle et encre de chine sur carton, Paris, collection Madame Lucile Audouy, reproduite dans l’ouvrage de Jean-David Jumeau-Lafond : Carlos Schwabe, Symboliste et visionnaire, ACR éditions, 1994 (pp. 106-107).) C’est probablement à partie de ce dessin (en supprimant la dédicace manuscrite) qu’a été faite l’estampe de mon relieur. Reste à savoir pourquoi l’iris? J’ai cherché des informations sur la symbolique de l’iris, rien de bien concluant…
Quelques lignes, découvertes par Benoît dans une plaquette intitulée « Ten Little Books ». « Cette plaquette, réalisée à l’occasion du dixième anniversaire de la galerie Arenthon et de son installation à la nouvelle adresse, 3 Quai Malaquais, a été tirée par l’Imprimerie Union à 1999 exemplaires le 15 février 1983 pour le compte et le plaisir de Lucien Desalmand. (Plaquette agrafée non paginée [12 pages], dimensions 205 x 150 mm, sous couverture imprimée.). En incipit ce petit texte de Lucien Desalmand :
« Dix petits livres:J’entrai du pied droit dans cette librairie du boulevard, un peu pour tuer le temps, un peu comme ces vieilles dames peintes qui, sur le coup de cinq heures, engouffrent leurs fourrures dans les pâtisseries et compensent la vacuité de leur existence par des symphonies de tartelettes et des concerti pour personne seule et crème fouettée; mais j’entrai aussi avec la ferme intention d’acquérir un ouvrage qui aurait eu à la fois la délicatesse de la pâte feuilletée et le goût de la frangipane.
Comme à l’accoutumée, m’attendaient sur un rayonnage de gauche les oeuvres complètes et baranisées de Balzac, tandis que sur ma droite toute une rangée contenait depuis quinze ans les soixante-dix volumes des oeuvres de Voltaire ; je joignis à celle des libraires ma reconnaissance envers ces deux écrivains qui auront, en tout cas, contribué au remplissage des librairies, mais distinguai cependant sur la cheminée, encadré par deux réductions d’amphores bavaroises montées sur des socles Empire, un lot de dix petits livres, fraîchement déposés là, dans l’attente d’une prochaine mise en catalogue.
Décidé à en faire l’examen un peu plus tard, je m’enhardis sur l’échelle de bambou, à l’assaut de la bibliophilie franco-monégasque et examinai quelques-uns des gros puddings, acquis généralement par les maris des dames qui entrent dans les pâtisseries à cinq heures ; je ne réussissais pas à trouver un livre à mon goût, partagé que j’étais entre le localisme tendre des textes et le parnasse paysan des illustrations ; arrivé au bas de l’échelle, je constatais qu’un espace s’était créé entre l’une des amphores et le reste des livres ; en effet, ils n’étaient plus que neuf ; mais cette contrariété ne devait pas m’empêcher de poursuivre, comme à mon habitude, l’examen systématique du magasin ; je montais et descendais, dessinais des lignes de démarcation, établissais des recoupements avec les prix d’autres librairies lorsque, à l’occasion d’un coup d’oeil rapide vers la cheminée, je constatai que l’espace s’était agrandi ; les livres n’étaient plus que huit ; il me fallait donc aller plus rondement dans l’examen des « trésors » du libraire ; je feuilletai rapidement les originales, retournai les « beaux-arts », entrouvrai les illustrés sans pour autant découvrir le livre parfait, et laissai aller mes regards sur les étagères les plus élevées, aussi désemparé que Marcel au treizième tome du Temps Perdu ou qu’un lecteur de Proust à la fin de la seconde phrase.
Pour calmer mon désarroi je me rapprochai de la cheminée. Elle était vide! Le célèbre mécène Marcel Rodopacchi, qui devait sa fortune au succès foudroyant de l’ondulation Marcel ainsi qu’à son monopole sur la gaine compensée à micro-ondes, venait d’enlever d’un seul coup les cinq derniers ouvrages et s’apprêtait à payer comptant, en application très courtoise des usages de la librairie.
Pris de court, je quittai précipitamment la boutique, avec, dans les oreilles, le tintinabulement de la sonnette de la porte et, accroché à mes basques, le regard suspicieux du mercanti ; je marchais à grand pas sur le trottoir d’en face quand je m’aperçus que les lettres de l’enseigne de mon libraire : « AU TEMPS RETROUVE » semblaient briller d’un éclat particulier.
Les pensées qui agitaient mon esprit vinrent se fixer sur ces lettres pour ne former qu’une seule image, comme autrefois les clochers d’Illiers et de Combray et je compris, dans cet instant révélateur, que si la lecture d’un livre pouvait être un moyen de passer le temps, sa possession, encore plus que sa lecture, pouvait être un moyen de le RETROUVER. »
Brumeux, mais sympathique.
H
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Voila un monochrome bleu bien plus esthétique que quelques homonymes pendus aux cimaises des musées, auxquels j'avoue ne rien comprendre. Heureux enfants du bibliophile qui passeront directement de Max et Lili et la bibliothèque rose, à la bibliothèque bleu…
Daniel B.
le rangement dans la bibliothèque, par couleur de maroquin ? ou faut-il assortir les rideaux également…
Pour l'iris, la symbolique est assez hermétique. C'est banalement le symbole de la Vierge, et aussi de la Royauté. Quel rapport avec la reliure ? peut-être simplement Schwabe disposait-il de ce dessin-là à ce moment-là. On a peut-être réellement échappé au poireau !
Amusant !!