Amis Bibliophiles rebonsoir,
Petite affaire de goût, et c’est aussi un petit débat. En matière d’ouvrages anciens illustrés, préférez vous le noir et blanc, ou aimez-vous les gravures coloriées à l’époque? Pour illustrer mon propos voici des images des Voyages de Cook, à chaque fois la version noir et blanc, et la version couleur.
Et, petite question subsidiaire à laquelle je n’ai pas la réponse, savez-vous comment on peut certifier ou pas que le « coloriage » a bien eu lieu à l’époque? H
Oui pourquoi pas? Nous faisons tous ici la distinction entre le graveur et le dessinateur (qui parfois se confondent et je pense colaboraient étroitement).Nous savons que Goya , Rembrandt ou Doré etaient peintres mais la peinture est la peinture et la gravure est la gravure.C’est un avis personnel, mais une version colorisée du Faucon Maltais ne m’attire pas outre mesure.
Doré en couleurs ?…Pourquoi pas ? « Je suis né peintre » disait-il. Doré n’était pas graveur : il dessinait directement sur le bois, au lavis ou à la gouache, au lieu du trait, et ce sont ses nombreux graveurs (Pannemaker, Pisan,..)qui interprêtaient en « gravure de teinte » (utilisation généralisée des hachures pour traduire les nuances de ton).
Jean-Paul
A en juger par les scans, les gravures en couleur sont plus « jolie », mais celles en noir et blanc sont plus détaillés, la gravure est avant tout un art du « trait » et tire sa force de la capacité du graveur a creer des nuances de gris par le trait. Une gravure colorié est une réussite quand elle conçu pour cela dés son origine (c’est le cas pour certains grands ouvrages de botanique ou de zoologie autant que pour les illustrations au pochoir « moderne ») , mais j’ai du mal à imaginer des gravures de rembrandt, goya ou Gustave Doré en couleur.
Merci pour cette référence sur H.-J. Martin, « Le Livre et l’Historien » , études offertes en l’honneur de H-J Martin, édité en 1997 chez Droz, je vais essayer de le trouver.
Amitiés, Bertrand
Pour revenir au sujet : l’emploi de la couleur dans l’illustration des livres était la règle au Moyen Age. Après la naissance du livre imprimé, l’illustration gravée sur bois fut tirée en noir, parfois en rouge, très rarement en camaïeu.Le XVIIe pratiqua surtout la taille-douce en noir. A la fin du XVIIIe quelques livres furent illustrés de planches en taille-douce imprimées en couleurs.
Dès les origines, les gravures sur bois et même celles sur métal furent coloriées, à main levée ou au pochoir, mais pas systématiquement, un peu à la demande, selon la clientèle de l’imprimeur-libraire ou du libraire.
Quant à la réponse à la question de préférer le noir à la couleur, ou inversement : ce n’est qu’une question de goût personnel !…et on peut aimer les deux !!
Jean-Paul
Trop tard pour moi dans la nuit, vous avez évoqué Henri-Jean Martin, que j’ai eu le bonheur de connaître. Je vous conseille de lire (pas d’une traite, Bertrand : 817 pages !) « Le Livre et l’Historien » , études offertes en l’honneur de H-J Martin, édité en 1997 chez Droz : tous les aspects de l’Histoire du Livre s’y trouvent.
Jean-Paul
Pour continuer le hors-sujet, hugues ne pourra qu’être d’accord avec un humble et minuscule hommage appuyé au grand « homme du livre » qu’était Henri-Jean Martin (1924-2007).
Même si je n’ai pas eu la chance de la connaître personnellement, je l’ai considéré ces 15 dernières années comme mon père spirituel en « histoire du livre ».
Les ouvrages qu’ils nous laissent, écrits seul ou en collaboration avec d’autres (Roger Chartier notamment), sont de véritables mines d’or pour l’amateur bibliologue.
Pour clore cette parenthèse je vous dirais bien intimement que j’ai passé les 5 dernières soirées, dans un divan, dans un chalet, bien entouré de neige et de froid, avec entre les mains : « Le livre français sous l’ancien régime » par H.-J. Martin, Promodis, 1987. Lu d’une traite mais dans le désordre… Martin y traite de Guillaume Desprez et de l’édition des Provinciales notamment (passionnant), des imprimeurs et libraires du XVIIè et XVIIIè s. Des problèmes économiques du livre dans ces siècles, de la lecture, des tirages, etc. Lecture plus que conseillée à quiconque s’intéresse au monde de l’édition dans les siècles passés. Un exemplaire à 39 euros sur abebooks. Le seul trouvé.
Amitiés nocturnes, Bertrand
Hors sujet: Bertrand évoque Henri-Jean Martin, décédé l’année dernière. J’ai trouvé hier chez mon libraire un ouvrage posthume de H.-J. Martin, auquel il travaillait avant de nous quitter, ouvrage qui vient de paraitre chez Albin MIchel sous le titre « Aux sources de la civilisation européenne ». On commence avec le bigbang et, si on parle beaucoup de communication, on ne fait pas spécialement d’histoire du livre. Je ne l’ai pas encore lu, il est sur ma table de chevet ce soir. Mais intéressant, de voir les vues d’un histoirien du livre sur l’histoire en « longue durée »! Fin du hors sujet, je prie Hugues et ses lecteurs de bien vouloir m’excuser.
Pour savoir quelques prix pour les exemplaires « en noir » et les exemplaires « coloriés » il est intéressant de se reporter aux premiers volumes de la Bibliographie de la France des années 1812 à 1820 et quelques, les exemplaires sont parfois mentionnés avec le détail des tirages, par exemple : papier ordinaire 5 francs ; papier vélin 10 francs, gravures coloriées 50 francs.
Les volumes de la bibliographie de la France sont partiellement disponibles sur Gallica ici :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34348270x/date
un volume en particulier (1814), ici :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k866539
La lecture est un peu aride pour qui ne se passionne pas pour le sujet, mais on y apprend vite des tas d’informations sur l’édition au début du XIXè s. De plus, dans ses premières années, par obligation légale (qui ne sera plus respectée les années suivantes), le tirage de nombreux ouvrages est donné « en clair », exemple pour 1814 toujours : Anne de Bretagne, Roman historique, etc… 2 vol. in-12, tiré à 75O exemplaires. Prix 6 francs. Henri-Jean Martin s’est beaucoup servi de cette source pour ses études sur les chiffres de tirage des ouvrages au début du XIXè siècle.
Amitiés, Bertrand
Cher Bertrand,
Je me pose la même question que vous depuis longtemps.
J’ai un exemple récent : un exemplaire que j’ai eu entre les mains du premier Voyage en Afrique de Levaillant, en 2 tomes in-8, édition de l’an 6, avec 20 planches en noirs, doublées de 20 planches en couleurs -superbes- (soit 40 planches) (le tout dans une reliure en maroquin).
je ne savais pas qu’il y avait eu des versions « luxes » avec planches en couleurs de ce classique. Je me suis même demandé si c’était une version spéciale commandée à l’époque par un amateur…
J’ai interrogé à ce sujet un spécialiste de l’iconographie des voyages en Afrique des 17è et 18è ; il n’en connaissait pas l’existence…
Pourtant à force de parcourir des catalogues de libraire, il semble bien que plusieurs voyages 18è aient connu un traitement de faveur pour quelques exemplaires seulement… Sans que cela soit toujours répertorié…
Pour répondre à la question de Hugues :
Pour les livres d’heures imprimés au début du 16è, et pour beaucoup de livres du 16è je préfère le noir… la couleur casse un peu le relief à mon goût en ces temps là…
Par contre je penche pour la couleur en ce qui concerne les voyages 18è et les romantiques… enfin, si le coloriage est bon.
Cependant, attention ! Notre œil « moderne » est plus sensible que jamais à la couleur… Et on se laisse plus facilement tenter par elle. Je l’ai regretté plusieurs fois déjà sur des ouvrages 18è/19è où j’ai payé trop cher des couleurs approximatives, mais séduisantes…
Bien à vous tous,
Nicolas
Pour savoir si les couleurs sont d’époque ou postérieures, une seule solution: l’analyse chimique…
La Chronique de Nuremberg était proposée à la vente en deux versions: une dont les gravures étaient en noir et blanc, et une autre aux couleurs faites à la main, beaucoup plus cher et avec un délai de livraison bien plus important.
Personnellement, j’aime beaucoup les gravures en noir et blanc. Mais les couleurs ne me dérangent pas non plus!
La question que je me pose de mon côté est la suivante :
Concernant les éditions anciennes du XVIè au XIXè siècle, existe-t-il systématiquement pour chaque ouvrage illustré un ou plusieurs exemplaires avec les gravures coloriées ?
Par exemple je sais que les Français peints par eux-mêmes édités chez Curmer dans les années 1840 ont été proposés avec les centaines d’illustrations en version noire et aussi quelques exemplaires en version coloriée et gommée.
Idem pour l’histoire naturelle de Chenu des années 1850.
Qu’en est-il des illustrés des siècles antérieurs ?
J’ai en mains un exemplaire d’une traduction en vers français de l’Eneide de Virgile de 1664 magnifiquement illustrée de 12 gravures sur cuivre sur double-page, signées Abraham Bosse. Un véritable chef d’oeuvre de la gravure XVIIè. Existe-t-il des exemplaires coloriés de cet ouvrage ? Sont-ils l’oeuvre d’amateurs isolés ? sont-ils prévus par l’imprimeur dès l’origine (10 ex ? 100 ex ?).
A vrai dire je n’en sais rien. Avis à ceux qui savent.
Amitiés, Bertrand
Personnellement, j’ai tendance à préférer les gravures réhausser de couleurs, à condition que le coloriage soit bien fait… J’ai déjà eu dans les mains un illustré du XVIe s. qu’un propriétaire du XIXe avait colorié à la pastel d’une main malhabile… Une horreur!
Donc bon, tout dépend.
Sur ton Cook, je préfère la couleur.