En coulisses: la préparation d’une vente aux enchères de livres, la vente Garnier du 7 décembre

Amis Bibliophiles bonjour,
Ugo, l’un des auteurs préférés des lecteurs revient sur le blog et vous propose de découvrir, avec son habituel talent de conteur, la préparation d’une vente de livres dont il a été l’expert le 7 décembre dernier…. véritablement comme si vous y étiez, presque même comme si vous étiez Ugo lui-même. J’avoue que le côté « découverte de trésors » me fait totalement rêver et qu’il est très intéressant de découvrir l’envers du décor… et personnellement je suis fan du style d’Ugo,et je souhaite et bon courage à Célia 🙂
« Il  y a quelques temps un lecteur de ce blog se fendait de cette définition «  une vente montée est en général une vente qui rassemble des livres issus de sources diverses. ».Ben, moi c’est écrit dessus : « Succession Garnier, Garnier frères et à divers… ». Notez s’il vous plait l’allure guillerette des 3 petits points qui suivent le « et à divers… ». Tout le monde est prévenu, pour une vente montée, c’en est une et bien une. D’ailleurs j’en revendique la besogne.


Enfin j’exagère un peu, parce que coté besogne j’en ai pas fait lourd; rien de tel que la main d’œuvre étrangère… Quelques Cazins ? Ma pythie est à Reims. Une enluminure médiévale ? L’université de Genève me sert d’oracle. Des dessins de Cocteau ? Ma boule de cristal vibre à Toulouse. Pour le reste, et dans l’attente du logiciel qui me fournira la martingale gagnante me permettant d’en faire encore moins, j’ai Celia, mon fidèle écuyer (stagiaire) corvéable à merci.
Résultat, un catalogue de 350 numéros et 3 principales sources. Auguste-Pierre Garnier, Garnier frères  et une bibliothèque portant ex-libris à l’emblème de la fée Mélusine et la devise « in virtus Haeredes ».
D’autres sources aussi pour 1 ou plusieurs ouvrages. Mais là, attention, je trie sévère.  Le « à divers », ça ne veut pas dire auberge Espagnole. Les ouvrages des 2 provenances Garnier et ceux de la fée Mélusine sont à vendre. L’annonce des ex-libris, même si elle est répétitive permet de fixer les provenances. C’est sain, c’est clair, c’est sincère. Pas envie de me prendre le chou avec des ouvrages hors de prix qui feront douter les aficionados. C’est moi l’expert, c’est moi qui décide; et si l’étude n’est pas contente, elle n’a qu’à s’en trouver un autre. Il n’y a d’autres prix de réserve que ceux que la décence impose; il est bien évident qu’on ne vendra pas à n’importe quel prix. Et je fais  confiance à ma force de travail (enfin celle de Celia) pour que ce catalogue donne envie d’acheter.
Bon ce n’est pas toujours aussi simple. Par exemple cet Allemand qui veut apporter un lot de gravures. Rendez-vous est pris avec Sylvie C., expert en estampes. A ce stade, je ne suis pas concerné, ces gravures sont pour une autre vente. Sauf que le standard ne parle pas Allemand et qu’ils n’ont pas compris de quoi il s’agissait. Le Germain, c’est une description de l’Égypte, en feuilles sous couverture éditeur qu’il sort du coffre de sa Mercedes. J’aime beaucoup Sylvie, il n’y a pas plus honnête dans le petit monde des experts. On décide donc de se partager la fiche et de passer l’ouvrage le 7 décembre. Hélas, l’Allemand, il en attend 15000 de sa Description, alors il faut le travailler au corps. Sylvie et moi on suggère 8000/10000, réserve à 8. Et elle comme moi, on essaye de lui expliquer qu’avec 796 planches il en manque une quatrevingtaine, qu’en feuilles, c’est très difficile à vendre; à moins que ce ne soit à casseur. Et là, l’ouvrage se négocierait plutôt autour de 6000.
Bien sur ce n’est pas plaisant de vendre à un casseur. Alors autant mettre la barre un peu plus haut. D’autant que cela risquerait de traumatiser Celia qui se voit déjà en madone de la conservation du patrimoine.
Finalement on transige à 10000/12000, réserve à 10. Exit l’Allemand, exit moi aussi au bout d’un quart d’heure. De fait, et malgré toute la sérénité que peut apporter ma rayonnante masculinité, Sylvie me fous gentiment dehors en me disant qu’elle va se débrouiller avec Celia pour la collation et que ma présence est superflue. Je crois remarquer une certaine satisfaction dans le regard de Celia, comme une sorte de complicité féminine… Et comme elle ne déclare pas immédiatement qu’il lui est impossible de travailler autrement que sous ma paterne direction, je retourne faire la sieste, toute en concoctant une façon de lui faire payer sa navrante déloyauté.
Pour en revenir au montage de cette vente, de fait, il y eut une première bibliothèque à Neuilly; collection personnelle d’A.P. Garnier, bibliophile du tournant du siècle. Disons 200 titres, tous en parfait état et quand ce n’est pas le cas, il y a toujours un truc ou un bidule pour justifier la présence de l’ouvrage. Par exemple ce Lamartine en reliure du temps un peu frottée, aux ors un peu ternis qui s’ouvre sur un envoi d’Alphonse. Et ce qui saute aux yeux, c’est que tout, quasiment tout, est habillé de reliures signées. Champs, Canape, Durvand, Marius-Michel, Lortic, &c., tout le gratin ou presque d’une époque donnée. Des pleins et des demi-maroquins à coins, sobrement habillés, hormis quelques robes mosaïquées. Après il y a des petits détails comme ces provenances, Béraldi, Rattier, Barthou, &c… aussi, et vu que c’est de littérature, le fait que la meilleure part des ouvrages imprimés du vivant de leur auteur s’accompagne d’un gri-gri comme envoi, LAS, dédicace.
Une deuxième bibliothèque, en Normandie pour une centaine de titres. Moins celle d’A.P. G. que celle de tous les Garnier. Garnier qui étaient, et sont encore, des chasseurs. 65 fusils divers, 187 trophées de chasse et autres zoziaux empaillés. Faut aimer… Et puis, et puis… un bureau avec un placard armurerie  protégé par un grillage épais. Des fusils encore, encore des fusils. De quoi monter un maquis ou s’opposer avec succès aux huissiers du trésor et autres plaies d’Égypte.
Bon d’accord j’ai la vue qui baisse, mais de prés seulement. De loin, je suis un aigle. Et là j’en crois bien mes yeux… dernier rayonnage tout en haut de l’armoire… 1,2,3… 10,11,12… un Buffon en 12 volumes. Normal, c’est l’édition Garnier Frères, le plus beau Buffon du 19°, celui de Traviès… 13, 14.  Mes yeux qui ne me trompent pas, mes yeux que je crois de plus en plus, qui m’imposent ces deux volumes reliés à l’identique, tomés d’un et de deux fleurons dorés… et là c’est un peu loin pour que je les  déchiffre, mais je les devine… ces deux mots … dessins originaux.
Je dois dire quelque chose, pour le moins émettre un son, à moins que ce ne soit un râle. Je sais qu’on me regarde bizarrement, mais moi je veux une échelle, un escabeau, des échasses, ce qu’on veut, ce qu’on a sous la main, pourvu que dans la seconde qui suit, je puisse me confirmer que tout va bien.
L’échelle arrive et même la clé de l’armoire forte. On ouvre, je grimpe; enfin j’y suis. Elles sont pleines et bien pleines ces deux boites. Elles pèsent. A ce stade je ne sais pas combien il y a de planches. Mais de la manière dont elles sont remplies ras la gueule, il y a tout ce que détenaient les Garnier au moment ou ils ont donné ce travail au relieur. Trois mains différentes, 3 signatures. Staal pour le frontispice représentant Adam et Eve, Gobin pour une trentaine de planches et Traviès pour le reste. En fait, il y a quasiment tout…
Celia me fait remarquer que les premières planches hors-texte dont les cartes et les monstres, sont à retirer du décompte puisqu’elles sont reprises d’éditions antérieures et que ce que l’on a voulu rassembler ici, ce sont les dessins originaux de cette édition. En outre (dixit) elle tient à me signaler que le frontispice ne représente pas « Adam et Eve »  mais leur version laïque…
S’il y a bien une chose que je ne supporte pas, ce sont les remarques intempestives d’un écuyer (stagiaire) payé à sa juste valeur, c’est à dire 3 figues et 2 cacahouètes. Je dis bien écuyer et non écuyère parce que ce féminin évoque le cirque et les saltimbanques alors que dans ce cas d’espèce, il s’agit d’exalter des vertus éternelles genre Amor librorum nos unit  sur fond d’obéissance et d’admiration à mon égard. Toujours est-il que je réponds à Celia que quand on participe à la rédaction d’un catalogue ou termites s’écrit avec un H ainsi qu’il est indélébilement imprimé sous le N° 317, on est plutôt mal armé pour émettre des analyses pertinentes sur l’Histoire Naturelle de Buffon. Qu’en outre le seul à avoir le droit de dire « en outre », ici, c’est moi. Qu’en outre  4 années de lettres classiques, une dizaine d’années de grec et de latin, c’est bien joli, mais qu’encore faut-y qu’y ait des gens comme moi pour les exploiter. Qu’enfin et en outre, le concours de bibliothécaire est  blindé d’énarques et de chartistes et qu’elle devrait faire plus d’efforts pour accepter son destin, moi en l’occurrence.
J’essaye régulièrement de faire pleurer Celia, mais je n’y arrive pas… Pire, depuis quelque temps elle a quitté l’attitude prostrée de ses début et oppose à mes pertinentes admonestations un ricanement des plus embarrassant.
Toujours est-il que le jour ou nous avons rapproché les dessins originaux des gravures, on en a trouvé ceci :Pour les 12 volumes, 150 planches gravées dont 134 nouvelles. Pour les 2 boites, 1 dessin original de Staal, 32 dessins originaux de Gobin, 88 dessins originaux de Traviès soit, 121 dessins originaux dont 2 refusés.
Il n’y a pas la totale, c’est normal, c’était couru mais il y a presque tout et d’évidence, tout ce qui était entre les mains des Garnier quand ils ont fait faire ces boites. Par contre le rapprochement, bonjour… Les dessins ne sont pas légendés et il faut reconnaître les bestioles, ce qui nous permettra notamment d’identifier 2 planches refusées. Malgré ses affirmations je ne vois pas en quoi une très parisienne et très urbaine Célia puisse se révéler plus fortiche que moi quant à la différenciation d’un hippopotame et d’un cochon d’Inde.
Pour simplifier on a divisé les planches en 1, 2 et 3 sujets. Avec les 1 sujet on a repéré les faciles, genre lion ou faisan. Ensuite on a placé tout Gobin qui illustre surtout les premiers volumes de mammifères, on a complété avec les Travies ad-hoc. Mais c’est aux oiseaux zarbis que les choses ont coinçé. Le  faisan, j’assure; aprés je vous laisse faire. Tiens pour rigoler : Bengali piqueté  – Veuve dominicaine – Scarlatte – Rouverdin – Manakin à tête d’or – Tigé – Manakin varié – Tyran de Cayenne – Cochevis – Calandre  – Bec-figue… Ça vous dit quelque chose ? Et qui ici, peut me dire illico ce qu’est un Tinamou ?
Enfin on y est arrivé et j’ai pris sur moi la, pas évidente et quelque peu iconoclaste, décision d’inscrire au crayon, au dos des planches, le placement par volume des gravures qui leur correspond. Au passage on a compris que le travail de Traviès et de Gobin était énorme; qu’il ne fallait pas compter en planches mais en sujets; quand sur une planche il y a 3 palmipèdes  style Canard – Souchet – Canard siffleur, c’est 3 dessins, 3 études différentes.  Mais bon, histoire de ne pas faire trop tape-à-l’œil, on a laissé au quidam bibliophile le soin de faire les additions :  Tome 7, 46 dessins originaux sur 20 planches, Tome 8, 37 dessins originaux sur 15 planches, &c.Et puisque Celia a, grâce à moi, le bonheur de réaliser ses rêves les plus fous, à savoir biberonner du livre ancien chaque jour que dieu fait, je l’ai collée à fond de cale jusqu’à ce qu’elle termine de mettre tout ça au propre. Ce qui donne par exemple : Tome 7, 624 pp. 21 illustrations : 21 planches hors-textes dessinées par Traviès, 3 gravées par Paquien, 10 gravées par Pardinel, 8 gravées par Fournier. La planche du motteux est placée en tête d’ouvrage… 46 dessins originaux sur 21 planches signées Traviès : Motteux – Lavandière (2 dessins par planche.); Roitelet – Troglodyte – Pouillot (3 dessins par planche.); Mésange bleue – Charbonnière (2 dessins par planche.); Mésange-moustache – Mésange huppée (2 dessins par planche.); Grimpereau – Grimpereau de muraille – Sittelle (3 dessins par planche.);  &c.
Mais revenons un peu en arrière, c’est à dire en Normandie. Je suis à peine de remis de mes émotions que débarque la (très séduisante) fille de la maison avec une très grande et très épaisse enveloppe de kraft. Elle me la tends, je lis :  « Lettres de Proudhon à Garnier Frères »… C’est mon deuxième choc cardiaque de la journée…
Ces lettres je les aies lues 3 fois. En même temps que je les lis, je me documente. Proudhon… Proudhon. Je n’ai rien à dire sur Proudhon, absolument rien, ce n’est pas mon job d’expert, je laisse cela aux universitaires. Comme je n’ai rien à dire sur Cocteau, et comme je n’ai rien à dire sur les autres auteurs sauf cas exceptionnel. Par contre je veux faire une description la plus technique possible.
L’enveloppe est importante. C’est elle, tout autant que la numérotation qui assure l’unité matérielle de l’ensemble. C’est elle qui affirme qu’il y a 90 lettres, enfin 91, ni plus ni moins. C’est donc elle qui amorce la fiche : « Une grande enveloppe in-folio, 330×260 Mm, en papier kraft à usage postal, avec au centre, retenu par des bandes adhésives insolées, un carré de kraft plus ancien portant les mentions « Lettres de Proudhon à Garnier Frères » et « A.P. [Auguste-Pierre] Garnier, éditeur 6 rue des Sts Pères » écrites à l’encre violette, de la main d’Auguste-Pierre Garnier. D’autres annotations, d’une autre main, sur l’enveloppe, dont la mention au feutre bleu « 90 lettres du 22 juin 1848 au 3 novembre 1964 ».Dans l’enveloppe, 91 lettres autographes, numérotées de 1 à 90 à l’encre rouge.88 lettres autographes signées « P.J. Proudhon » rédigées d’une écriture toujours égale à l’encre sombre tirant sur le brun, à raison de 15 à 25 lignes par page, sur 1 ou plusieurs pages, recto et/ou verso.2 lettres autographes écrites par des tiers, auxquelles Proudhon a ajouté, signée de sa main, une instruction à l’intention des Frères Garnier; l’une « 17 aout 1848 » non numérotée est un reçu trouvé joint à la lettre N°1 et devient la référence 1 bis; l’autre est numérotée 40.1 feuillet autographe de la main de Proudhon mais non signé, sans lieu, ni date « Passages incriminés d’après le juge d’instruction », est numéroté 7.Sauf pour 4 d’entre d’elles, plus grandes que les autres, les lettres présentent à peu près les mêmes caractéristiques…&c. »Et pour conclure :«… Les destinataires en sont Auguste et Hippolyte Garnier, fondateurs de la maison Garnier Frères et principaux éditeurs de Proudhon.Faite en une seule fois, postérieurement à la date de réception du dernier courrier, la numérotation de 1 à 90 à l’encre rouge est de la main du cadet, Hippolyte.Depuis son décès en 1911, les lettres sont passées dans la bibliothèque d’Auguste-Pierre Garnier, petit-neveu des précédents et leur successeur à la direction des éditions Garnier. Elles y sont restées jusqu’à aujourd’hui. »Vient ensuite la description technique de chacune des lettres, genre : «  N°1. « Paris, 22 juin 1848 ». LAS de 2 ff. 220X 140, 1 pp. recto, 1 /3 pp. verso. Dont : « Messieurs Garnier Frères, je réponds à votre lettre du 22 courant. J’accepte les propositions que vous me faites… ».
Mon premier jet est de 18 pages. Impossible de caser ça dans le catalogue. Finalement je taille dans les citations et je me limite à 6 pages, ce qui en fait 4 sur 2 colonnes pour le catalogue. Pourtant il y a des choses que je voudrais dire, mais, faute de place tant pis. D’autres aussi que j’élimine pour rester dans le cadre que je me suis fixé, une description purement technique. Comme le fait que les Garnier et Proudhon passent contrat le 22 juin 1848. Ma première fiche commençait ainsi : « Le 22 juin 1848, date de la première lettre écrite par Proudhon, l’émeute gronde dans Paris. 4 jours plus tard, on relève 4000 cadavres d’insurgés; on en fusillera encore 1500 et 5000 seront déportés… ». Ou le fait que la dernière lettre ne précède que de 2 mois et demi la mort de l’anarchiste. Mais bon, je ne suis pas là pour écrire un roman. L’ensemble affirme lui-même sa valeur, il n’a pas besoin de moi. D’autres choses aussi dont je me passe; par exemple je suis absolument convaincu que ces lettres ont été longtemps conservées, sinon cachées, sous une presse de notaire. Mais ce n’est qu’une supposition. Alors je m’abstiens.
Reste l’estimation. Je pense que ce lot peut titiller les 100000 Euros et effectivement, c’est ce qu’il fera. J’ai en tête cette photo de Rimbaud présentée au Grand-Palais et qui n’est qu’une construction intellectuelle; je suis certain de pouvoir m’aligner.  Mais voilà, il y a plus de volumes de correspondance  (15 volumes parus en 1875, 6 autres volumes publiés depuis) que d’ouvrages écrits par Proudhon; de plus je n’arrive pas à cerner l’acheteur potentiel à part une institution comme l’université de Besançon. Alors on va faire comme pour le reste, estimer super bas. Tant pis pour ceux qui se fieront à mes estimations, ils n’ont qu’a avoir une meilleure idée de la valeur des livres qu’ils convoitent. Et si les enchères ne décollent pas des estimations, tant mieux pour eux. Aussi restons humble, c’est le marché qui fera les prix, pas moi (ce qui est une évidence biblique).
A ce stade, je ne la sens pas encore bien cette vente. D’accord entre le Proudhon et les Travies, je suis assuré d’un certain chiffre, mais la plupart des livres que j’ai vu chez les Garnier ne sont pas ma tasse de thé. Les reliures signées, c’est bien, mais je trouve cette littérature assez soporifique. Il manque ce que j’aime, du vrai ancien.

Dieu merci, siégeant à la droite du Père, le Bibliophile Jacob veille sur son serviteur et 15 jours avant le bouclage du catalogue, m’envoie madame de S.

Portant une soixantaine racée, elle débarque un jour, accompagnée de 2 bassets et d’une chienne bouledogue avec laquelle je sympathise aussitôt. 20 ouvrages dont les cérémonies du sacre de Napoléon, la très rare EO (200 exemplaires parus) du voyage de Norden en Égypte, des incunables dont les Décretales Extravagantes, un Torquemada, des seiziemes qui me ravissent; Boece, Erasme, Calvin, &c. Ces ouvrages portant un ex-libris à l’emblème de la fée Mélusine et la devise « in virtus Haeredes ». On s’accorde tout de suite, Madame de S. et moi. Peut-être parce que je lui fais comprendre que ces livres sont en de bonnes mains; surtout parce que moi je sais que ce qu’elle m’apporte constitue, du moins à mes yeux, les lettres de noblesse de cette vente. Elle a droit à tous mes égards, cette fée Mélusine; d’ailleurs son bouledogue est un ami.
Allez les jeux sont faits. Quelques remords cependant, des choses que j’ai oublié de dire qui feront l’objet de 3 rectificatifs à mes descriptions mais pour le reste, vogue la galère et rendez-vous le 7 décembre… »
Nous sommes presque un mois plus tard… et Ugo et à votre disposition si vous avez des questions ou des commentaires.
Merci mille fois Ugo pour votre message et votre amitié,
H

12 Commentaires

  1. Magie de l'informatique : une copie des commentaires d'Ugo, un export en PDF, et on le colle au catalogue. Ne manquent plus que les résultats (que j'ai laissé passer), et voilà un magnifique PDF hyper original.
    Le rêve si chaque catatalogue s'accompagnait des commentaires de l'expert sur ses découvertes et ses choix !
    Encore merci Ugo
    PEL

  2. Bravo Ugo, on s'y croirait !
    2 remarques toutefois :
    – comment, vous payez Célia ? mais il me semble que vous vous faites exploiter !!! en toute logique, c'est elle qui devrait payer pour avoir le rare privilège de participer à de telles aventures.
    – découvrir des trésors dans la bibliothèque familiale d'un grand éditeur, c'est très bien, mais le contraire aurait été étonnant. Vous auriez infiniment plus de mérite à en découvrir dans, disons au hasard, ma propre bibliothèque. Là, ce serait un vrai exploit !

  3. @ Olivier.
    Mes compliments à votre compagne, elle a ce que les sommeliers appellent un "nez"…

    Concernant les ventes qui se passent d'expert, généralement ça craint, parce qu'il y a, presque à coup sur, un mec qui oeuvre en coulisse.
    Pourtant expert ce n'est pas grand'chose quand, comme moi, vous ne cherchez pas à vous faire nommer auprès d'une institution. C'est juste une assurance spécialisée, coûtant autour de 1500 €/an, qui sert à protéger les fesses de vos commissaires-priseurs.
    On est bien peu de choses…

  4. Un billet réjouissant (dixit moi) et qui "sent le musc et la testostérone" (dixit ma compagne qui lit parfois au-dessus de mon épaule quand je lui dis "tiens viens lire ça…").
    Vue une vente qui avait cru bon de se passer d'expert (bah les clercs ils servent à quoi?) où j'aurais passé 80% du lot par dessus bord.
    Je deviens difficile, il faut que je consulte.
    Y-a-t-il des psychanalystes spécialisés?
    J'en profite pour demander si une psychanalyse des ex-libris a été entreprise? Moi je trouve que c'est un sujet d'études fascinant. L'ego, secret (encore faut-il les ouvrir ces livres), en pleine action.

    Merci encore pour ce billet Ugo,

  5. Un grand moment de blogophilie…
    j'adore le "Le faisan, j'assure; aprés je vous laisse faire".
    On aurait juste aimé quelques photos… pas des oiseaux mais de Célia, des fois qu'elle aurait pu faire un peu de rangement dans nos bibliothèques … 🙂

  6. Oui, comme un mélange de Frédéric Dard et de Michel Audiard, ce qui n'est pas pour me déplaire.

    En tous les cas, bravo pour cette vente, montée ou pas, les lettres de Proudhon m'auront bien fait vibrer… même si j'étais sans aucun espoir et sans aucune illusion…

    Encore bravo pour ce billet et le travail d'expert pour cette vente.

    Bertrand Bibliomane moderne

  7. Quand Frédéric Dard revisite une vente aux enchères… Belle galerie de personnages et ÇA NE S'INVENTE PAS ! MES HOMMAGES À LA DONZELLE Célia. ON LIQUIDE ET ON S'EN VA aurait pu dire Hugo. On l'imagine tendant un ouvrage à un acheteur ayant remporté une enchère : FAUT-IL VOUS L'ENVELOPPER ?

    Un billet fort sympathique. Pierre

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