Amis Bibliophiles bonjour,
La question de Gonzalo sur l’importance de la documentation dans nos collections de bibliophiles serait restée lettre morte si Hugues de l’avait pas reprise dans un billet précédent. Je vais tenter d’y donner à mon tour une réponse illustrée de références.
En ce qui concerne ma stratégie d’achat, je donne toujours la préférence à l’enrichissement du coeur de ma collection bibliophile plutôt qu’à des achats de documentation parfois très onéreux. Ainsi je ne possède ni l’O.H.R. ni aucun Brunet. On me retoquera que maintenant le Brunet est en ligne, mais, pour moi, ouvrir 5 ou 6 volumes en même temps sur une table ou au sol reste un plaisir quand ouvrir six fenêtres sur l’écran demeure un casse-tête. Quant à l’O.H.R., je le consulte en bibliothèque après échec des recherches dans mes quelques armoriaux.
J’achète donc des livres de documentation en fonction de mes acquisitions bibliophiles plus que le contraire. C’est à dire que l’entrée d’un nouveau livre me pousse à faire des recherches sur lui et partant à me procurer des ouvrages qui complètent ma connaissance de ce livre en particulier et d’autres de la même veine.
Pour autant les livres de documentation ont depuis longtemps saturé les rayonnages qui leur étaient dévolus et encombrent placards et sous-pentes.
Ils se classent en plusieurs catégories. L’une d’elles transversale concerne tous les livres de documentations qui par leurs qualités de reliure, de papier, d’illustrations, de provenance ou d’ancienneté rejoignent “la pure bibliophilie” selon le mot de Gonzalo. Je me méfie cependant des ouvrages trop anciens en matière de bibliographie mais je n’aime pas les “reprint”..
La première catégorie, la plus hétérogène et la plus difficile à exploiter mais aussi la moins coûteuse à enrichir au fil de l’eau est celle des catalogues de libraires et des catalogues de ventes aux enchères. Des séries récentes y ont une place de choix, ventes Bérès (6 volumes), ventes Wittock (4 volumes tantôt), catalogues de la librairie Historique Clavreuil, catalogues à thème de la librairie Jammes, catalogues Laurent Coulet, ventes Giraud-Badin etc… Une multitude de catalogues trop peu spécialisés reste cependant d’un usage difficile. Au rayon des catalogues anciens, quelques rares catalogues du XVIIIe et XIXe à cause de leurs possesseurs, les catalogues Esmerian (qui ont un intérêt particulier pour la reliure) et la collection Descamps-Scrive.
Aux catalogues de livres nous pouvons peut-être rattacher les catalogues d’expositions des bibliothèques et institutions publiques, souvent richement illustrés et solidement rédigés mais bien difficiles d’usage ensuite. Par exemple, « rêve de livres » à l’abbaye aux Dames (Caen, 1991), Trésors des bibliothèques de Picardie (1991), « à Livres Couverts » Nancy (2007)…
Une autre catégorie est constituée des ouvrages traitant de la bibliophilie et de ses pratiques, j’y place le manuel de Bibliophilie de Christian Galantaris, les ouvrages de Bertrand Galimard Flavigny (Le livre Roi, Etre bibliophile, Bibliofolies), d’Henri Desmars (Histoire et commerce du Livre), de Louis Lanoizelée (Les bouquinistes des quais de Paris) mais aussi les précieux volumes reliés de Fertiaux (Les amoureux du livre) ou d’Octave Uzanne (caprices d’un bibliophile), du bibliophile Jacob ou de Charles Nodier.
La section histoire de l’imprimerie est hétérogène et multiforme, depuis l’Histoire de l’Edition française et La naissance du livre moderne, ou l’Apparition du Livre (tous écrits ou co-écrits par Henri-Jean Martin) jusqu’aux traités d’imprimerie (Roret, composition typographique d’André Pernin), aux catalogues de fonderies, aux études typographiques (Fournier, Peignot, les Perousseaux…) aux brochures des Cahiers d’Estienne.
Une place à part est faite aux bibliographies d’imprimeurs, Gutemberg de Guy Bechtel, Perrin de Monfalcon, les Didots par André Jammes (1998), les publications du musée Plantin Moretus d’Anvers, Geofroy Tory par Auguste Bernard (1865), Simon de Colines par Jeanne Veyrin-Forrer dans un catalogue dédié de Fred Schreiber (1995). Ces livres allient “épopée”, érudition, bibliographie, enquêtes; un bonheur! Il faut y ajouter les études sur les imprimeries locales, l’Histoire des Imprimeurs et libraires de Bourges (Boyer, 1854), l’imprimerie à Senlis (Dautheuil, 1933), le livre à Beauvais (Gemob, 1981), le répertoire des imprimeurs et libraires vers 1500/1810 de la Bnf .
Vient ensuite justement la catégorie les Bibliographies proprement dites, Cohen , Bechtel (catalogue des gothiques français), Gouron et Terrin (bibliographie des coutumes de France, 1975)… Ma collection est constituée principalement de livres reliés dont j’apprécie la variété des décors, des matières et des modes. Les Livres sur la reliure sont d’une consultation quotidienne, le Fléty bien sûr, le Devauchelle, les ouvrages de Paul Culot sur la collection de la Wittockiana, les publications de Chantilly (reliures françaises du XVIIe siècle, Joseph Thouvenin), Reliures royales de la Renaissance (Bnf 1999), La reliure en France Art Nouveau-Art Déco de Duncan et Bartha (1989), le numéro 12 de la revue de la BNf consacré à la reliure, ici encore quelques catalogues, le tome 2 bis de la vente Esmérian, le catalogue Bérès de 2004 « six siècles de reliure », ou Bradel-Derôme le Jeune par Roch de Coligny (2004).
Viennent ensuite, les livres sur les bibliothèques (Compiègne, le Sénat, la Mazarine …) et quelques uns, trop peu nombreux, sur les bibliophiles eux-mêmes, Raoul Warocqué ou le duc d’Aumale, le « Mignonne, allons voir…fleurons de la bibliothèque poétique Jean Paul Barbier-Mueller » (2007) qui me fait regretter ne pas posséder les 7 tomes (ou plus déjà?) de « Ma bibliothèque poétique ».
Enfin, il ne faut pas oublier les revues Art et Métiers du livre, le magazine du bibliophile depuis le premier numéro, le bulletin du bibliophile et bien sûr La Nouvelle Revue des Livres Anciens (hélas… NDLR).
Et encore beaucoup trop de livres généraux et trop de livres sur l’enluminure et près du chevet les livres récemment acquis et non encore lus comme « les caractères de civilité » de Rémy Gimenez
Un petit aperçu, mais en somme, de quoi lire!
Lauverjat
The Rosenthal collection of printed books with manuscript annotations. Yale, 1997 :
un rêve et une référence pour les amateurs de marginalia.
Tout l'intérêt d'une bonne documentation réside dans son classement simple. Là, je m'incline.
Il vous manquait le "Audin", je crois ;-)) Il est maintenant entre de très bonnes mains. Pierre
Belle documentation, et mieux rangée que la mienne éclatée dans plusieurs lieux et jamais où il faudrait!
Je en sais plus qui disait "Il est plus facile d'acheter un livre que de le lire, et plus facile de le lire que de le comprendre".
Je crois qu'on recueille notre précieuse documentation bibliophilique pour comprendre les livres…. 🙂
Textor
Merci pour ce bel article, Lauverjat. Pour ma part, je conserve peu de catalogues de libraires ou de vente. Il faut que les livres répertoriés, les notices et les photos en vaille la peine. J'aime en revanche beaucoup les catalogues d'exposition, quand ils sont bien faits.
(d'ailleurs , à ce propos, les Tory d'Auguste Bernard vient d'être détrôné par un ouvrage qui accompagne l'exposition actuelle au Musée de la Renaissance d'Ecouen ; je ne l'ai pas encore vu : quelqu'un l'a-t-il aperçu?).
Pour ma part, outre les ouvrages généraux type Dictionnaire encyclopédique du livre, histoire de l'édition française, etc., une bonne part de ma documentation est occupée par l'histoire de la typographie (Audi, Jammes, Carter, Morison, Vervliet, Perrousseaux, etc.).
Oui c'est un des grands plaisirs que de lire des livres de documentation.
Encore plus difficile à expliquer que la passion dont elle est une conséquence.
Je suis aussi d'accord (le contraire serait un comble…) que rien ne remplace le papier en la matière. Néanmoins, un petit outil dont je me sers quotidiennement dans mon travail me semble (même si je n'ai pas encore poussé l'expérience très loin en la matière) donner plus d'intérêt aux PDF que l'on scrolle sans fin : zotero (http://www.zotero.org/).
Il permet d'indexer et d'ordonner toutes les références glanées sur le web, d'organiser des croisements, de copier la page qui correspond à la nouvelle entrée de l'index. Etc.
Bref, on retrouve d'un seul clic où l'on a lu que untel a dit ceci à propos de machin d'un seul clic.
Je suis en train de lire Le Livre d'Albert Cim qui est une sorte de grosse compilation et à chaque page je me suis demandé comment il avait procédé (avec une mention spéciale pour la gestion des ndbp qui relève du grand art car, souvent longues, elles ne débordent que très peu les bas de pages… Mais des protes ont dû pester).
Bonne soirée
Je ne peux que souscrire, et à la méthode de Lauverjat, et à ses envies. En ce qui me concerne, rentrée du jour sur mes rayons "docs" : Bibliographie des chansons, fabliaux, contes en vers et en prose, facéties, pièces comiques et burlesques, dissertations singulières, aventures galantes, amoureuses et prodigieuses, ayant fait partie de la collection Viollet-le-Duc, avec des notes bibliographiques et littéraires sur chacun des ouvrages cités, nouvelle édition augmentée d'un avant-propos par M. Antony Méray. Paris, A. Claudin, 1859. in-8, broché, très bon état.
B.