Amis Bibliophiles Bonsoir,
Charles Nodier manque à Jean-Paul, qui vous fait partager un moment particulier de la vie de ce sympathique bibliophile…
« Le 14 avril 1824, Charles Nodier prenait possession des appartements réservés au directeur de la Bibliothèque de l’Arsenal. On parvenait au premier étage par le grand escalier. Des fenêtres du salon, on pouvait voir la Seine, avec, au loin, le dôme du Panthéon, et, sur la droite, les tours de Notre-Dame. Au milieu des collections de Paulmy et de La Vallière, la vie de Nodier fut dès lors partagée entre le travail, les livres et les amis. L’Arsenal devint un havre de joie et de bonheur pour la littérature et l’érudition. Nodier fit entrer Alexandre Dumas dans un rêve …Le matin était consacré aux raretés bibliographiques et à l’écriture d’articles, de préfaces ou de notices destinés aux amateurs. La promenade suivait le déjeuner, agrémentée de haltes chez les bouquinistes et les libraires, où on se retrouvait entre bibliophiles passionnés. Après-midi enchanteur trop court : on rentrait parfois plus riche d’une vieille édition, mais toujours en retard pour le dîner. A l’Arsenal, on tenait table ouverte. Après le repas du soir, on prenait place à la table de jeu placée devant la fenêtre. La journée se terminait sur les boulevards où on allait respirer l’esprit de Paris …Le dimanche soir, les Nodier accueillaient leurs amis poètes, écrivains et artistes qui trouvaient à l’Arsenal un refuge attirant, un foyer rassurant. Le café était toujours servi à table pour ne pas rompre l’ambiance du repas. Après le dîner, les bavardages, les déclamations et la lecture apaisaient les angoisses des romantiques secoués par les querelles d’écoles. Assis au coin de la cheminée de marbre blanc, Nodier contait des souvenirs de jeunesse ou des aventures imaginées. Vers minuit, l’âme de l’Arsenal, la jeune et jolie Marie, dont on avait savouré les confitures, se mettait au piano. Tous l’entouraient.
Nodier me manque …
Jean-Paul Fontaine »
H
Personne ne l'a jamais vu, et pour cause.
L' "elzéviriomètre" (qui aurait dû être étymologiquement appelé "elzéviromètre"), "demi-pied divisé presque à l'infini", est une invention de Nodier.
Gustave Planche dixit.
D'où la difficulté d'être trop affirmatif.
Merci encore au Bibliophile Rhemus toujours en alerte et généreux.
Je me permets de lancer une autre de mes petites interrogations, cette fois à propos de l'elzéviriomètre du "Bibliomane" :
"Petit instrument en ivoire de 20 centimètres pour mesurer les Elzevirs, donnant d'un côté les pouces et les lignes, de l'autre les centimètres et les millimètres. Prix …… 6–" pouvait-on lire en toute fin du volume de l'année 1848 du "Bulletin du bibliophile".
En 1913, un certain d'Heuzel interrogeait dans "L'Intermédiaire des chercheurs et des curieux" : "C'était l'arme des bibliophiles de 1850 et Techener l'offrait à ses clients.
Depuis longtemps, je désire cet instrument passé de mode, attribut de la bibliophilie intégrale, mais je ne l'ai jamais rencontré, ni même jamais vu.
En existe-t-il encore un spécimen ?"
Sa question semble être restée sans réponse.
Ne s'agissait-il pas tout bonnement d'un double décimètre, guère remarquable finalement ?
Existe-t-il parmi ce blog "un bibliophile intégral" ?
Stéphane
De la difficulté de cerner le physique de Nodier.
Un contemporain anonyme écrivit en 1832 :
« … vous l’avez coudoyé sur
le boulevard et, sans savoir pourquoi, vous avez remarqué sa figure
anguleuse et grave, son pas rapide et aventureux, son oeil vif et las, sa
démarche pensive et fantasque. Il est grand et vigoureux ; tous les portraits
que j’ai vus de lui, depuis celui de Paulin Guérin envoyé au Salon
de 1824, jusqu’à celui que Tony Johannot a placé dans Le Roi de
Bohême, ne donnent de lui qu’une idée incomplète »
Bonjour,
Grand merci au Bibliophile Rhemus pour la précision – et la rapidité d'icelle.
Reste que je ne suis pas encore totalement convaincu – certes, j'ai bien moins fréquenté Nodier que Maître Galantaris.
J'ai cependant du mal à concevoir que Johannot n'ait pas voulu représenter son ami Nodier pour cette gravure pleine page à l'occasion de cette "physiologie" de l'amateur de livres. Coiffure, vêtements, position, sourcils surtout, rappelleraient Nodier mais Johannot, dans un repentir in extremis, aurait opéré une modification sur l'appendice nasal… Les portraits habituels de Nodier, rarement de profil, laissent peu apprécier la silhouette du nez, élément par ailleurs sujet à retouches esthétiques (plus que les sourcils). Une photo du buste (musée des Beaux-Arts de Besançon ; http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Charles_Nodier_.jpg) laisse entrevoir que la possibilité d'une extrémité nasale "corbine" n'est pas si irrecevable que cela, dans ses vieux jours à tout le moins.
Bien cordialement et merci encore,
Stéphane
"JOHANNOT Tony. [L’Amateur de livres]. Assis sur une chaise de profil à droite et
parcourant un livre ancien ; à l’arrière-plan une table et quelques livres épars. Planche
hors texte gravée sur bois par Émile Montigneul, illustrant « L’Amateur de
livres », in Les Français peints par eux-mêmes, tome II, Paris, 1840. – H 116 mm ; L 88
mm. – B.n.F., Est., N2 D 226 772. – Besançon, Bibliothèque municipale. – Coll. C.G.
Traditionnellement, le personnage représenté passe pour être Nodier
lui-même, l’auteur de « L’Amateur de livres ». Il y a une ressemblance
certaine avec l’écrivain mais le nez en bec de corbin n’est pas recevable.
Dans le chapitre ainsi illustré, Nodier traite des bibliophiles, mais
aussi des bibliomanes, des libraires et des bouquinistes et même des
bibliophobes.
Il existe des épreuves aquarellées et des retirages moins bien imprimés."
Christian Galantaris
Bonjour,
A propos de Nodier… Je crois qu'il était question de la gravure de Johannot pour "L'amateur de livres" dans "La Nouvelle Revues des livres anciens", n°1 – désolé, je ne l'ai pas sous la main, je réside à l'étranger, je n'ai même pas encore vu le n°2 ! 🙁
Si je ne me trompe, l'on y disait qu'elle ne représentait pas Nodier, comme il est généralement affirmé. Pourquoi cela ? Cet "amateur de livres" ressemble pourtant fort au Nodier représenté par ce même Johannot dans "Histoire du roi de Bohême"… dont un ami de Nodier, A. Jal, disait qu'il était "d'une vérité très-grande"; ou même au Nodier caricaturé par Benjamin dans son "Panthéon charivarique"… De même qu'il fait songer à la description de Mme Hugo donnait de Nodier évoquant "son corps fatigué et courbé se repliait à moitié sur lui-même, ses grandes jambes croisées semblaient ne pas oser se développer…"
Bien cordialement,
Stéphane
Excellent !(on peut être injuste si on le fait avec humour et élégance) Merci Martin !
Si je peux oser…
En cherchant toute autre chose, je viens de tomber sur cette épigramme sur Charles Nodier, Journalier du Journal des Rabats:
Réjouis-toi, Damis, ô l’excellente chose!
De nous Charles Nodier paraît prendre pitié.
– Comment? – Son feuilleton est réduit de moitié,
– Eh mais, par quel bonheur, par quelle heureuse cause?
– La cause? En quatre mots, la voici, mon ami:
C’est qu’en se relisant Nodier s’est endormi.
« Nodier l’homme du livre » de Didier Barrière (Plein Chant, 1989) : on doit pouvoir en trouver un exemplaire d’occasion pour une vingtaine d’euros.
Quant à Prosper Mérimée, pas de commentaire quand on sait qu’il a défendu le bibliokleptomane paranoïaque Libri….
J’ai relus aujourd’hui le discours de réception de Prosper Mérimé qui succéda à Charles Nodier et dont la figure imposée était d’en faire le panégyrique.
Dans le genre poignard dans le dos il est écrit:
« On peut dire de M. Nodier qu’il était tout imagination et tout cœur. De là les qualités si originales qui brillent dans ses ouvrages ; de là aussi leurs imperfections… »
Jean-Paul, les ouvrages de bibliophilie mis à part, que me conseilleriez vous pour redécouvrir cet auteur ?
Jean-Paul,
Difficile de garder l’âme tourmentée, de faire éclore l’exaltation des sentiments dans une existence ouatée aux post-prandiaux aussi propices à la sieste.
Nodier me manque…