Le retour de la Bible du Diable ou Codex Gigas…

Avec ses 75 kilos, c’est le plus gros manuscrit médiéval du monde. Emporté comme butin par les troupes suédoises il y a 358 ans, le Codex Gigas ou Bible du diable, est de retour à Prague pour une exposition qui durera 4 mois.

Voilà pour la partie historique d’une saga qui débute au XIIIe siècle. La part légendaire est bien plus obscure. Elle s’inscrit dans la droite lignée d’un âge d’or de la Bohême qui sent le souffre. Née de la main d’un moine copiste du monastère de Podlazice (au centre de l’actuelle République tchèque), la Bible du diable inclut l’Ancien et le Nouveau Testament, ainsi que d’autres textes de grande valeur historique.

Jusque-là, rien que de très normal. Ce qui est plus étrange, en revanche, c’est la superbe enluminure qui orne l’ouvrage: une représentation du diable, bras levés et jambes fléchies. Comme s’il s’apprêtait à saisir le lecteur. Selon la légende, ce portrait a été fait par l’auteur en guise de remerciement. Le Malin l’aurait en effet aidé à se sortir d’un mauvais pas.
En effet, si on ignore aujourd’hui encore quel péché précis a commis le moine. On sait qu’il fût condamné à être emmuré vivant. Pour échapper à la sentence, il promît donc réaliser en une seule nuit une bible géante qui honorera le monastère. L’homme s’enferme dans sa cellule, armé de sa seule foi. C’est insuffisant pour rédiger un ouvrage de 624 pages, d’une taille de 92 cm de hauteur.

Perdu pour perdu, le pêcheur sollicite le diable. La collaboration est fructueuse. La bible qu’ils réalisent ensemble est considérée à l’époque comme «la huitième merveille du monde». Trois siècles plus tard, l’empereur Rodolphe II s’en entiche. Il faut dire que le roi de Bohème et de Hongrie est un drôle de personnage: il adore s’entourer de mages, d’astrologues, d’alchimistes, mais aussi d’artistes et de philosophes.
La collection qu’il rassemble dans son château est un véritable trésor. Qui n’échappe pas aux Suédois lorsqu’ils prennent Prague en 1648. La Bible du diable va alors enrichir les rayons de la Bibliothèque royale de Stockholm. En 1990, Vaclav Havel, nouveau président de la République tchèque, réclame le prêt, sinon la restitution, du manuscrit. D’interminables négociations diplomatiques s’ensuivent. Elles aboutiront en 2004 et déboucheront sur l’actuelle exposition qui démarre à Prague.

La logistique déployée est à la hauteur de l’événement: pour accueillir le livre, une pièce conçue comme un coffre-fort a été spécialement aménagée dans un ancien collège jésuite situé au coeur du vieux Prague. Les visiteurs peuvent entrer par groupe de dix maximum, pour admirer la bible pendant quelques minutes seulement. La valeur de l’objet est si grande qu’une garantie d’état de 10,8 millions d’euros a dû être souscrite. Le diable, lui, doit bien ricaner…
Le livre lui-même? Il comprend 312 feuilles de parchemins, soit 624 pages de texte manuscrit. Aujourd’hui on estime que pour obtenir le matériel nécessaire pour ce livre il a fallu les peaux de quelque 160 animaux. Le livre est écrit en latin et comprend quatorze textes différents. Il s’ouvre par le texte de la Bible, c’est-à-dire par l’Ancien Testament. Suivent des textes de divers contenus. Il y a le « pénitentiel », c’est-à-dire le manuel des prêtres avec la liste des péchés et les pénitences correspondantes. Ensuite il y a les formules médicales imprécatoires contre l’épilepsie, la fièvre et autres maux. Et on y trouve aussi, entre autres, une transcription de la Chronique de Kosmas, un des plus vieux documents sur l’histoire des pays de la couronne tchèque. Tomas Vagenknecht attire l’attention sur un autre aspect exceptionnel du livre :
« Ce qui est également très intéressant et ce qui nimbe ce livre de mystère, c’est la calligraphie du manuscrit qui a été écrit, selon les estimations, par un seul homme qui y a travaillé pendant environ 27 ans. Le style, la beauté et la pureté de la calligraphie sont tout à fait les mêmes, de la première à la dernière page. Et c’est très intéressant parce que chaque homme, chaque scribe se fatigue, la main se lasse et la calligraphie change. Mais ce n’est pas le cas de cette chronique dont les caractères sont les mêmes de la première à la dernière page entre lesquelles il y a eu 27 ans. ».

Vous avez dit Diabolique?

H

P.S. : si vous avez un peu de temps, l’exposition se tient du 20 septembre au 6 janvier. Avouez que l’image du Diable est magnifique….

2 Commentaires

  1. Bonsoir,
    Merci de nous avoir fait découvrir cette merveille !
    C’est spectaculaire à plus d’un titre.
    Mais je dois être une mécréante car le diable et sa tenue me font plutôt sourire…
    Cordialement,
    Isabelle

Les commentaires sont fermés.