Amis Bibliophiles Bonsoir,
J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ici quelques uns des mots insolites et originaux qui font le quotidien d’un bibliophile, qu’ils servent à qualifier la couleur d’un maroquin (sable, citron, taupe, violine, etc.), la qualité d’un papier, ou un livre même (chopin, etc.). C’est je trouve un grand plaisir de la bibliophile que de (re)découvrir ces termes, que nous sommes peut-être les seuls ou les derniers à employer… En voici un florilège, collectés dans un petit carnet au cours de lectures (chacun ses manies!)… En connaissez-vous d’autres?
Faire du cul: cette expression est employée par Dudin (L’art du relieur-doreur de livres, 1772) pour désigner un livre qui est plus rogné vers l’ouverture que vers le dos (mais je n’ai jamais personnellement croisé cette expression dans les délicats catalogues de maisons de ventes.)
Faire de la pointe: c’est le contraire, l’expression est employée pour désigner un livre qui présente le défaut d’être plus rogné vers le dos.
Livre truffé, expression qui n’est pas rare mais que j’aime beaucoup: ce dit d’un livre dans lequel on a incorporé des documents (portraits, dessins originaux, états intermédiaires de gravure, prières d’insérer, lettres, etc.). A retenir, quand c’est bien truffé, cela se vend en effet au prix de la truffe.
Défouetter: pratiquer le défouettage, à savoir débarrasser un livre du fouet qui le serre sur un ais ou entre deux ais.
Dents de rat: expression employée pour désigner les décors de reliure qui se présentent sous la forme d’une succession de petits triangles plus ou moins détaillés.
Moustache: tranchefile sur ficelle en reliure.
Lavron: groupe de feuilles qui n’ont pas été ouvertes ou « coupées », ni par le relieur, ni par un lecteur et qui restent donc fermées.
Farci: en codicologie, ce mot désigne un volume manuscrit dans lequel on a inséré des feuillets portant un autre texte entre les pages.
Biblioklepte: voleur de livres, évidemment.
Bibliocapèle: du grec bibliokapelos, désigne un libraire vendant des ouvrages au détail.
Le très élégant « astéronyme » qui désigne un ensemble d’astérisques employées pour masquer un nom que l’on veut conserver anonyme. Ce procédé a beaucoup servi au 18ème siècle pour les ouvrages anonymes justement.
Le regrettable « caviarder » qui signifie couvrir d’encre un passage d’un livre que l’on veut rendre illisible.
Bouquineur: celui qui aime rechercher et lire des bouquins ou des « vieux livres ».
Et l’expression que j’aime plus que les autres peut-être: « désirable ». Je crois que cette expression est de M. Jammes (à vérifier), utilisée pour désigner un livre… elle veut tout dire et résume ce que je ressens souvent face à un ouvrage.
H
« Bibliocamelote » (avec un seul « t ») :
de l’argot ancien « coesmelot », petit mercier. Livre de qualité médiocre et de peu de valeur.
Mot inventé en 1887 par O. Uzanne dans sa « Reliure moderne ».
« Bibliolexique », Editions des Cendres, 2007.
En cherchant « lavron », j’ai appris deux mots :
– Camelottes : Ouvrages peu soignés et mal payés. Reliure à la grosse.
– Réclame : Mot qu’on mettait autrefois au bas de la dernière page de chaque cahier et qui était le premier de la page qui commençait le cahier suivant.
Et que fait-on d’un lavron ? On le « découronne » (si ma mémoire est bonne 🙂
Désirable me fait penser à M. Dibdin, mais je ne crois pas qu’il était le premier à qualifier un livre, une édition, un exemplaire de « most desirable ».
1)- Bibliocapèle (gr. kapeleion, petit commerce) : brocanteur, -euse, de livres. Mot inventé en 1790 par Jean-Joseph Rive, dans sa « Chronique littéraire des ouvrages imprimés et manuscrits de l’abbé Rive » (« Frippier » -sic- de livres »).voir « Bibliolexique » Editions des Cendres, 2007.
2)- Faute de frappe pour « astéRonyme ».