Raynal et l' »Histoire des deux Indes »

L’Histoire philosophique et politique des Établissemens et du Commerce des Européens dans les Deux Indes (Orientales et Occidentales) est l’un des livres phares de l’anticolonialisme. Ce fût notamment l’un des ouvrages de référence de Toussaint Louverture, le leader de la révolution de Saint-Domingue/Haïti à partir de 1791.

Parue une première fois à Amsterdam en 1770, mais sans nom d’auteur, « L’Histoire des deux Indes » ne fût définitivement attribuée à Raynal qu’en 1775, lorsqu’il en admît implicitement la paternité en faisant ajouter son portrait en frontispice.

Après cette première parution à Amsterdam, l’ouvrage fût interdit en 1772, publiée à nouveau en 1774 mise immédiatement à l’index en par le clergé. L’édition de 1780, la plus virulente, est brûlée en place publique par le bourreau… ce qui assurera immédiatement son succès et sera à l’origine de la vingtaine d’éditions et de la cinquantaine de contrefaçons qui suivirent. Ces retirages sont également source d’une recherche importante afin de mesurer les évolutions du texte d’édition en édition.

Si le contenu de l’ouvrage est aujourd’hui reconnu comme capital et d’une grande qualité (malgré des disparités importantes), ce n’est forcément le cas de Raynal lui-même.

En effet, après de longues études chez les jésuites, et la prêtrise, plus par désir de promotion sociale que par véritable vocation, Raynal est nommé à l’église Saint-Sulpice de Paris où il est rapidement connu pour ses agissements souvent déontologiques : simonie, inhumation de protestants qu’il fît passer pour catholique contre paiement, facturation de messes, etc. Il quitte alors Saint-Sulpice et entame une carrière dans les salons de l’époque où il croise la plupart des Lumières, étant tour à tour éditeur, imprimeur, etc… et finalement directeur du Mercure de France en 1750.

La parution de 1780 de L’Histoire des Deux Indes le condamne à l’exil. Il ne reviendra qu’après la Révolution, échappant d’assez peu à la guillotine.

Au delà des messes monnayées, l’autre reproche souvent fait à Raynal est de ne pas avoir toujours facilement reconnu que son oeuvre majeure, l’Histoire des Deux Indes était en quelque sorte le copier/coller de textes de lui, certes, mais aussi de Diderot (les meilleures pages), d’Holbach ou Naigeon.

Reste que l’ouvrage est une oeuvre majeure et se doit de faire partie de toute bonne bibliothèque sur les voyages. C’est l’une des premières fois en effet que sera dénoncée, parfois violemment, l’esclavage et l’exploitation des colonies.

Les éditions sont nombreuses et souvent de bonne qualité, elles peuvent comprendre un Atlas. L’édition de 1780, parce que « finale », est le plus souvent considérée comme la meilleure.

C’est un ouvrage que j’affectionne particulièrement… et que Philippe connaît sans doute mieux que moi.

Quelques nouvelles du blog : des connectés exotiques aujourd’hui, originaires d’Hawaï, Hyderhabad, Québec! Une nouvelle maquette, que j’espère plus lisible. Un deuxième petit sondage.H
Ouvrage présenté : une édition de 1775, en format in-4, de cet ouvrage.

14 Commentaires

  1. Si vous voulez dépouiller ma bibliothèque, venez avec un sabre d’abordage entre les dents… au moins.
    Je connais mal la course à l’époque qui vous intéresse, désolé, mais peut-être trouverez vous quelque chose dans le Archenholtz, qui est postérieur.
    H

  2. En fait, je travaille sur les corsaires français pendant la guerre de l’Indépendance Américaine et le tout début de la Révolution. Donc, j’ai plus ou moins écumé la bibliothèque Gallica, maintenant, il ne me reste plus que les bibliothèques de particuliers à dépouiller!

  3. Il y a quelques ouvrages sur la flibuste et sur les Antilles, et des flibustiers aux corsaires il n’y a souvent qu’un pas… En fait, quel est l’angle qui vous intéresse le plus?
    A toutes fins utiles, le Labat, l’Archenholz, le Dampier, le Duguay-Trouin, le Forbin…
    H

  4. Pour Oexmelin, j’avais lu dans un ouvrage que ça avait été l’un des livres les plus édités à l’époque. Je vous fais confiance là-dessus!
    En tout cas, c’est très aimable pour Raynal, mais en fait, c’est vrai que seule cette édition particulière m’intéressait, pour compléter celle que j’avais. Celle de La Haye est différente, parce qu’elle est plus développée, au niveau des tableaux et des gravures. En tout cas merci beaucoup.

    On parlait d’Oexmelin, mais j’aurais une autre question à vous poser sur le même sujet. Auriez-vous des ouvrages ayant pour sujet les corsaires ou la guerre de course datant de la fin du XVIIIème siècle, en particulier au moment de la guerre d’Amérique? Merci d’avance pour votre réponse.
    Philippe

  5. Du coup, puis-je vous aider avec mon édition, ou pas? Ce serait avec plaisir.
    Je crois qu’on compte environ 70 éditions du Raynal entre 1770 et 1800.
    En revanche, je ne vous suis pas trop sur l’Oexmelin, c’est un ouvrage que je connais bien et de mémoire (erreur possible) on compte 6 éditions : 1688, 1699, 1700, 1740, 1774 et 1775. Ce qui est déjà pas mal mais assez loin d’autres ouvrages du 18ème.
    Dans tous les cas, c’est un ouvrage dont je suis toujours acheteur si vous en avez un en trop!
    🙂
    H

  6. En fait, l’édition que j’ai est une édition en sept volumes, éditée à Amsterdam entre 1773 et 1774, sans nom d’éditeur, et n’étant elle non plus pas attribuée à Raynal. La mienne est sans carte et sans figures, et il s’agit en fait, malgré le sous-titre qui en fait une « nouvelle édition corrigée et augmentée d’une table des matières » (cette dernière se trouvant au volume 4 sur 7… Cherchez l’erreur!), d’une copie de la première version de 1770.
    Ensuite, il me reste deux éditions, l’une en in-8, très jolie de 1778, et une autre de 1786 à Avignon, assez rare elle aussi. Mais c’est la première qu’il aurait été intéressante de trouver…
    C’est tout de même incroyable le nombre d’éditions pour ce seul ouvrage, sur un temps aussi court.
    Ca me rappelle l’Histoire de la Flibuste d’Oexmelin (encore un magnifique ouvrage!), l’une des oeuvres les plus éditées en Français (si ce n’est La plus éditée).

  7. Bonjour Philippe. Je poosède deux éditions, celle de 1775 en in-4 qui était en photo avec le message et…. une édition de 1774, à La Haye, qui n’est pas encore attribuée à Raynal, avec cartes et frontispices, 7 volumes in-8. L’édition est complète et contient les Livres 6 et 7.
    Est-ce de cela dont vous parlez?
    H

  8. Si par hasard! vous aviez dans votre collection les livres 6 et 7 de l’édition de 1773-1774 de Raynal, quasiment (enfin, même totalement) introuvables, n’hésitez pas à me le dire!
    Ses textes ont beau avoir été interdits, ils ont été pas mal diffusé. Certaines archives que j’ai trouvé rapporte des éléments très semblables à ce qu’il dit dans son oeuvre. Intéressant de voir que les premiers à utiliser ses textes sont aussi ceux qui les ont interdit…

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