Promenade de Bibliophile: un bibliophile à New York

Amis Bibliophiles bonjour,
Un déplacement professionnel à New York m’a amené sur Madison Avenue à la John Pierpont Morgan Library. J’avoue n’avoir fait que plus tard le rapprochement avec la Banque JP Morgan, aujourd’hui Morgan-Chase. 
John Pierpont Morgan était immensément riche et, surtout sur la fin de sa vie, il amassa une assez incroyable collection d’objets d’art, d’antiquités et… de livres. Il fut d’ailleurs caricaturé comme le Magnet attirant à lui par la force d’attraction de sa fortune tout ce que le monde comptait d’objets d’intérêt et de valeur. 


Je vais m’en tenir à la collection de livres même si la Morgan Library accueille également des œuvres d’art (et notamment une très belle exposition de dessins récemment acquis où j’ai croisé un très beau Gauguin et un non moins beau Odilon Redon). Les livres de Morgan se trouvent, évidemment, dans sa bibliothèque mais aussi dans son bureau. Signe de son intérêt la pièce réservée à sa bibliothécaire est attenante. Car la responsable des achats de Morgan était une Diane chasseresse, Belle Da Costa Greene, à fort caractère (une de ses lettres au « patron » est d’ailleurs exposée) qui répondit espièglement à la question de savoir si elle avait été la maîtresse de Morgan : « nous avons essayés ». 

Dotée de fonds quasi-inépuisables elle va acheter pour le compte de Morgan tout ce qui se présentait sur le marché de plus beau. La Morgan Library est ainsi notamment célèbre pour posséder trois Bibles de Gutenberg (dont une sur vélin). Si l’on ajoute qu’à deux blocs de là la New York Public Library en possède également une, on reconnaîtra que cela fait beaucoup au kilomètre (ou mile) carré. 
http://www.google.com/culturalinstitute/collection/the-morgan-library-museum?museumview&hl=en&projectId=art-project
Il faut reconnaître que la bibliothèque est impressionnante. La plupart des livres sont rares et dans de belles, voire exceptionnelles reliures (malheureusement on ne peut que les deviner). Le rayon français (Morgan parlant français et allemand) est très fourni tant en auteurs anciens qu’en contemporains de Morgan. Les vitrines, outre un des exemplaires de la Bible de Gutenberg, proposent certains joyaux de la collection : livres et manuscrits mais aussi lettres (dont une de Mozart se plaignant de ses problèmes d’argent) et partitions (Beethoven). 




J’ai noté (en me demandant comment il avait pu se trouver sur le marché) un manuscrit provenant de l’Abbaye du Mont-Saint-Michel (simple tropisme personnel : je suis né à deux pas, à Avranches qui abrite aujourd’hui le musée des manuscrits de l’Abbaye). Sur les rayonnages des éditions originales à foison, des exemplaires d’auteurs, etc. 
Bref, c’est un peu le Disneyland du bibliophile qui ne sait où donner de la tête. 
A la réflexion, je me suis tout de même dit que cette bibliothèque de bibliophile ouverte au public était un peu vaine. Si la conservation, pour l’étude et l’exposition, des pièces uniques (manuscrits notamment) est louable j’ai beaucoup plus de mal à trouver du sens à ces rayonnages où se trouvent retirés du circuit bibliophilique (et dans des armoires cloisonnées) des ouvrages de grand intérêt bibliophilique mais sans doute de moindre intérêt scientifique. 
Pour avoir enchaîné avec un déplacement à Londres, la British Library a trouvé une solution originale avec « The King’s Library » qui est à la fois visible de l’extérieur et accessible (pour l’étude si l’on n’est pas un Windsor) de l’intérieur. Idem au British Museum où l’une des salles accueille les rayonnages d’une bibliothèque remplie désormais de livres factices. Ce qui est à la fois suffisant et souhaitable lorsque l’on voit des touristes mâchonner des sandwiches accoudés sur un marbre égyptien…



Bref, un musée bibliophilique tel que la Morgan Library a-t-il un sens ? Sachant qu’une des particularités des livres est que l’on ne peut guère ne profiter sans les avoir en main…    
Olivier

3 Commentaires

  1. Les livres sont comme les violons si ils perdent leur âme et ne vibrent plus, le savoir faire et la main de l'homme pourrait la leur redonner. Je trouve également toujours frustrant les expos de livres sous vitrine, même si par exemple à Avranche la scénographie est assez bien faite avec une montée progressive et l'arrivée sur les manuscrits.(et avec un niveau de lecture pour les enfants à leur hauteur). Une mise en scène me paraîtrait assez simple et intéressante lors de l'exposition d'un livre comme un manuscrit aux nombreuses miniatures et enluminures pourquoi ne pas associé juste à coté de la vitrine ou au dessus un écran (tactile) avec la possibilité de feuilleter numériquement le livre, de voir la reliure en photo. Je pense que là nous pourrions vibrer à nouveau, en ayant l'objet présent et son contenu accessible dans le même espace. Avez vous déjà rencontré cela lors d'expositions ? j'ai parfois vu comme à Avranche des ordinateurs mais dissocié, la proximité me semble indispensable le livre sous les yeux bien protégé et un ordi pour le lire, bon compromis ?

    Daniel B.

  2. C'est, en effet, attristant de constater que ces ouvrages ont perdu leur âme à force de vouloir les soustraire à la main de l'homme. A quand une bibliothèque de fac-similés ? Pierre

  3. L'exemplaire de la Chartreuse de Parme provient de la bibliothèque du célèbre bibliophile dauphinoise Eugène Chaper, dispersée après la Seconde Guerre Mondiale. C'est un exemplaire interfolié avec des corrections et des additions de la main de Stendhal. Comme j'ai compris, vous n'avez pas pu vous en rendre compte par vous-même. Eugène Chaper en disait : "Je ne connais pas de ragoût littéraire qui plaise davantage à mon palais que des pièces semblables".

    Jean-Marc

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