Portrait de relieur: Charles Meunier (1866 – 1948), « une reliure par jour »

Amis Bibliophiles bonjour,

Charles Meunier (1866 – 1948) tient une place à part dans la reliure française. Entré en apprentissage chez Bénard dès l’âge de 11 ans, il exercera jusqu’aux années 1920 et continue aujourd’hui encore de marquer les esprits par l’audace de ses réalisations.

Après son apprentissage chez Bénard, où il reste jusqu’à l’âge de 16 ans, il devient ouvrier chez Domont, puis chez Maillard et enfin chez Marius Michel… qu’il quitte à 20 ans pour s’établir à son compte. On le sent, chez Charles Meunier, tout doit aller vite, très vite. Déjà établi à son compte mais encore dans la vingtaine, il peine naturellement à se démarquer du du style de son dernier patron, Henri Marius Michel, qui règne alors en maître sur la création parisienne: flore ornementale, décors végétaux, cuirs incisés… Mais l’homme, on le verra, bouillonne d’idées et veut imposer son propre style.

Très vite il devient l’un des porte-étendards de la reliure emblématique, aux côtés de Pétrus Ruban et se lance à corps perdu dans de nombreuses expérimentations, parfois hasardeuses car, comme le souligne Devauchelle, son apprentissage rapide ne lui laissa pas « le temps de se perfectionner ni d’acquérir toute la maîtrise dont il était capable ».

Peu importe, Charles Meunier fourmille d’idées et comme le cite à nouveau Devauchelle, il répète « Je n’en ai pas le temps, car je veux réaliser, si bon me semble, un décor par jour ». De fait, sa production est colossale: en 1897, Beraldi l’estime déjà à 500 ou 600 pièces et il fut le seule relieur à publier, en douze années, 7 albums de 100 planches chacun, reproduisant ses meilleures exécutions (1893-1905). Ces albums étaient tirés à 100 exemplaires et mis dans le commerce.

Car Charles Meunier, n’est pas seulement un grand relieur, il a également, en quelque sorte, la sens des affaires: production colossale, mise en vente d’albums, il déménage du 3 rue de la Bienfaisance pour s’installer au 75 boulevard Malesherbes (adresse actuelle du graveur Benneton), où il dispose d’une magnifique boutique qui abritera sa maison d’édition de livres et de sa revue L’Oeuvre et l’image.

Alors que de nombreux relieurs de l’époque cherchent la reconnaissance lors des expositions universelles, Charles Meunier refuse de concourir à celle de 1900, d’une part parce qu’il ne pense pas pouvoir obtenir le grand prix mais aussi parce qu’il ajoute « Pourquoi voulez-vous que je donne 750 francs par mètres carré pour exposer mes reliures dans des vitrines perdus au milieu de la Classe des livres brochés, tuées par ce milieu glacial de blanc et de noir qui éloigne le visiteur! Le jour où il y a 400 000 personnes à l’Exposition, on en trouve deux devant la reliure… et encore, ce sont des relieurs! »

Tout en continuant d’exercer et de créer, Charles Meunier explore d’autres directions: il va plus loin que Lortic en éditant ses propres ouvrages, dont il habille les tirages de luxe avec ses décors si caractéristiques. Son premier volume édité et relié ainsi fut Les Fleurs du Mal, illustrées par Carlos Schwabe en 1900.

Un peu à la manière d’un Octave Uzanne, Charles Meunier fonde en novembre 1900, avec Léon Berubé, L’Œuvre et l’image, une revue mensuelle de l’art contemporain et du livre illustré qui compte trois livraisons jusqu’en septembre 1902. En 1904, elle devient la revue trimestrielle Les Arts bibliographiques, consacrée à la littérature contemporaines, à la technique et aux arts du livre, et s’arrête en décembre 1907.

On y trouve des articles sur la reliure, bien sûr, mais aussi sur la gravure, sur la fabrication du papier, des informations bibliographiques et elles sont abondamment illustrées.

Il organise même une vente publique d’une partie de sa bibliothèque, autrement dit de 50 volumes… reliés par ses soins le 21 novembre 1908.

C’est un touche-à-tout, on le voit, et il a des idées bien arrêtées. Contrarié par les thèses développées par Beraldi dans son ouvrage La Reliure du XIXe siècle, Charles Meunier publie en réponse Les Réflexions d’un praticien en marge de « La Reliure du XIXe siècle » de M. Henri Beraldi. Comme dans l’ouvrage de Beraldi, on compte quatre volumes. Pour Devauchelle, Meunier y « dissèque l’oeuvre du bibliophilie, en relève toutes les erreurs – page par page -, et prend un malin plaisir à grossir les plus insignifiantes dans le but de discréditer l’auteur – qui eut la finesse d’affecter l’indifférence ».

Dans un autre ouvrage, Paroles d’un Praticien pour l’art et la technique du relieur-doreur, Charles Meunier s’attaque aux méthodes du collège Estienne… L’homme, on le voit, prend parti, et donne des conférences, pour défendre ses idées, au Grolier-CLub de New York en 1906, mais aussi à Paris et à Amiens.

Charles Meunier se retire en 1920, après avoir organisé une seconde vente, qui fut une sorte de liquidation de toutes ses activités: il mettait en vente son atelier de relieur (qui sera repris par Conil et Septier, issus de chez Marius Michel), tous ses livres, même ceux qui étaient encore en travaux c’est à dire débrochés, cousus, ou prêts à dorer. Il s’éteint en novembre 1948.

Charles Meunier était un relieur exceptionnellement doué, ses reliures ne ressemblent à aucune autre, et rares sont les relieurs français dont on peut en dire autant, certainement pas Capé ou Trautz par exemple, malgré leur immense talent. Les reliures de Charles Meunier sont identifiables au premier coup d’oeil, comme l’est sa collaboration avec Carlos Schwabe, qui a également définitivement marqué l’histoire des Fleurs du Mal.

C’est le bibliophile genevois Frédéric qui les présenta et leur collaboration dura une douzaine d’années. Charles Meunier avait déjà relié des éditions de Fleurs du Mal, mais c’est évidemment avec son édition qu’il va se surpasser. Sa réalisation durera près de quatre ans.

Les bibliophiles noteront également l’extraordinaire  et unique série des Oeuvres complètes de Victor Hugo (Paris, J. Lemmonyer, G. Richard et Cie, Emile Testard, 1885-1895), en 45 volumes in-4 reliés par Charles Meunier en maroquin bordeaux, avec au total quatre-vingt-dix cuirs incisés et teintés encastrés dans chaque plat.

Charles Meunier a relié 3 exemplaires de cette édition, trois des 50 exemplaires sur Japon, mais il n’a signé que le numéro 3, qui est bien connu. Le numéro 1, des libraires lyonnais Bernoux, Cumin et Masson fut présenté à l’Exposition Universelle de 1900 et vendu pour la somme de 100.000 Francs or (envrion 250.000 Euros). Le numéro était dans la bibliothèque du bibliophile lillois Hector Franchomme.

Le numéro 3 a connu le feu des enchères le 7 avril 2011 chez Aguttes à Lyon. Estimé 35 000 € / 50 000 €, il fut adjugé 163 485 €… et l’ouvrage repassera en vente chez Artcurial à Paris le 14 juin 2017. Il est estimé cette fois-ci à 180 000 €/200 000€.

H

Sources: Wikipedia, Devauchelle, Fléty

6 Commentaires

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  5. Charles Meunier fut un relieur parmi les meilleurs de tous les temps. Posséder une de ces reliures est un honneur pour les bibliophiles amoureux des reliures.

    Néanmoins, cette série est invendue ! En plus elle est datée 1929 (?!?!). Meunier n’exerçait plus après 1920 selon Fléty. Curieux

  6. united colors of graveur Benneton ? 🙂
    il a relié 3 séries de Victor Hugo ! Est-ce qu’on sait où sont les 2 premières (puisque la troisième est chez Artcurial)

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