Portrait de bibliophile: le commandant Paul-Louis Weiller, capitaine d’industrie, héros de la Grande Guerre et grand protecteur des arts

Amis Bibliophiles bonjour,
Nous sommes le 27 juin 1990, à Drouot. La vente de livres anciens et rares qui retient toutes les attentions est celle de la bibliothèque du marquis du Bourg de Bozas Chaix d’Est-Ange.
Mais l’attention des amateurs est aussi concentrée sur un vieil homme, presque centenaire, qui ne regarde pas les ouvrages exposés et reste assis sur une chaise au dernier rang. Il écoute une collaboratrice lui lire le catalogue dans les moindres détails. A 97 ans, ce bibliophile est devenu presque aveugle et doit désormais imaginer chaque livre en écoutant attentivement sa description.

Cet homme est l’un des monuments de la bibliophilie et de l’art de vivre à la française du XXe siècle, le commandant Paul-Louis Weiller.
Paul-Louis Weiller, né à Paris le 29 septembre 1893 et mort centenaire à Genève le 6 décembre 1993, est un chef d’entreprise et mécène français.
D’origine juive alsacienne, il est le fils de l’industriel et homme politique Lazare Weiller (1858-1928) et d’Alice Javal, issue de la famille Javal grande famille du XIXe siècle qui s’est illustrée dans l’industrie, la finance et la politique.
Ingénieur de l’École centrale, diplômé en 1914, Paul-Louis Weiller est également un héros de l’aviation pendant la Première Guerre mondiale. Imposant l’utilisation de la photographie aérienne lors des vols de reconnaissance, il est plusieurs fois abattu avec son avion et blessé.

Douze fois cité à l’ordre de l’armée, fait officier de la Légion d’honneur à vingt-cinq ans (le plus jeune officier de la Légion d’honneur pour faits militaires de l’histoire après Guynemer et Fonck), il termine la guerre auprès du maréchal Foch et assiste à la signature du traité de Versailles comme aide de camp du chef des armées alliées. Un vrai héros donc.
Patron d’industrie dès l’âge de vingt-neuf ans, de 1922 à 1940, Paul-Louis Weiller développe la plus importante entreprise de construction de moteurs d’avion d’Europe, Gnome et Rhône, qui deviendra la Snecma après sa nationalisation en 1945. À partir de 1925, il achète progressivement le capital de la compagnie aérienne CIDNA. Il participe à la création d’autres lignes aériennes vers l’Afrique. Elles seront toutes nationalisées en 1933 pour devenir Air France, dont il sera un des premiers administrateurs (il se voit offrir en 1933 par Pierre Cot, ministre de l’Air, la présidence d’Air France, mais il refuse).
Pendant la seconde Guerre Mondiale, il est arrêté le 6 octobre 1940 à Royat, déchu de la nationalité française le 29 octobre par le gouvernement de Vichy (sans commentaires…), et est placé en résidence surveillée à Marseille. Il s’enfuit en janvier 1942 en passant par le Maroc, d’abord à Cuba puis au Canada où il contribue à l’action de la France libre (dont il aura le passeport numéro 1). Sa mère sera déportée et mourra en 1944 à Auschwitz.
De retour en Europe après la guerre, il reprendra sa vie de capitaine d’industrie, investissant dans l’énergie puis la finnce. Il devient par la suite un des grands mécènes des arts, soutenant financièrement et par son influence. En 1965, il entre à l’Académie des beaux-arts.
Tout au long de sa vie le Paul-Louis Weiller aura été un infatigable collectionneur. Il aimait à dire «Je ne connais aucune restriction quand il s’agit de m’entourer de tout ce qui console». Il a ainsi collectionné toutes sortes d’objets rares et précieux: des objets de Chine et d’Extrême-Orient, des céramiques, des tableaux anciens et modernes, des objets d’art, des meubles… Et chaque objet était pour lui unique: il se passionnait pour sa chasse, sa découverte, se déplaçait dans les ventes, s’intéressait à sa provenance et à son histoire… tout en achetant parfois simplement au flair.
Pour ce qui est des livres anciens et de la bibliophilie, la vente de la bibliothèque de Paul-Louis Weiller se tint en 1998 (le 30 novembre, chez Laurin – Guilloux – Buffetaud, experts Mme Vidal-Mégret et M. Bodin). Elle a fait l’objet d’un beau catalogue « Trésors de la bibliothèque du Commandant Paul-Louis Weiller ».
L’une des pièces maitresses de la bibliiothèque du Commandat était le Livre d’heures de la reine Claude (1499-1525), épouse de François Ier, manuscrit minuscule à enluminures, exécuté dans l’atelier du maître Claude de France, entre 1515 et 1517 (et estimé entre 300.000 et 400.000 euros).
Le vente de la bibliothèque du marquis du Bourg de Bozas Chaix d’Est-Ange est la dernière à laquelle il assista. « Vaincu » par la cécité, il n’enchérira pas.
Le catalogue des « Trésors de la bibliothèque du Commandant Paul-Louis Weiller » contient 149 numéros, qui vont d’un manuscrit du XVè siècle, Les Heures de la Vierge à l’usage d’Amiens, à une édition originale de Vigny, avec un envoi de l’auteur. Les estimations vont de 1500 francs pour une lettre autographe de Musset à des estimations sur demande (supérieures à 400 000 francs), pour deux livres d’heures.
L’ensemble est fort éclectique, à l’image du Commandant, et les provenances riches et variées: Quentin-Bauchart, Rahir, Talleyrand, La Roche Lacarelle, Pichon, etc. etc. Un annuaire des grands amateurs et des grands auteur français depuis le XVIe siècle.
En dehors des extraordinaires livres d’heures, mon attention a été retenue par les lots:
48. La Fontaine – Contes et Nouvelle en vers, édition des Fermiers Généraix, reliure à l’oiseau de Derôme.
86. Racine – Horace, 1653, contenant plus de 500 annotations manuscrites de Jean Racine.77. Ozanne – Marine Militaire aux armes de SartineCelui que l’actrice Greta Garbo surnommait «Paul-Louis XIV» avait de petites manies de collectionneur, de celles que permettent la fortune: pour ne pas payer trop cher ses livres chez les libraires, il se faisait passer pour l’un de ses collaborateurs, espérant en vain que son visage ne serait pas reconnu. Lors des grandes ventes aux enchères, il se faisait ouvrir les portes de l’exposition juste après midi, après la fermeture des salles, posait ses questions et pour les objets les plus convoités, laissait un ordre « ouvert » ou envoyait un collaborateur enchérir à sa place.

Si le collaborateur revenait sans l’ouvrage convoité, parce que le prix était finalement allé au dessus de la limite pourtant fixée par lui, Paul-Louis Weiller demandait simplement « mais pourquoi n’êtes vous pas allé plus haut? ». Oui, pourquoi?
H

2 Commentaires

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