Amis Bibliophiles bonjour,
Thou. Le nom est familier des bibliophiles qui ont plusieurs opportunités de le croiser, que ce soit à travers son oeuvre, ses armes ou encore les multiples ouvrages qui lui ont été consacrés.Jacques-Auguste de Thou est probablement le plus célèbre des bibliophiles du 16ème siècle, et est comparable à Grolier, dont son père fut d’ailleurs un proche.L’homme. Jacques-Auguste de Thou (1553-1617) est né à Paris. Il est le fils de Christophe de Thou (1508-1582), premier président du parlement de Paris et le neveu de Nicolas de Thou, évêque de Chartres de 1573 à 1598. Après des études de droit dans plusieurs universités françaises et quelques voyages au cours desquels il croisa Muret, Paul Manuce, Montaigne et Henri de Navarre, le futur Henri IV, il épousa la carrière promise par sa position de cadet en devenant chanoine du cloître Notre-Dame en 1573, puis conseiller clerc au Parlement en 1578.
En 1584, il abandonne la carrière ecclésiastique pour devenir maître des requêtes au Parlement de Paris en 1585 et démarrer ainsi sa carrière politique, puis conseiller d’État en 1588. Il s’oppose à la Ligue et suit Henri III à Chartres.
Après l’assassinat du duc de Guise, il travaille à la réconciliation d’Henri III et d’Henri de Navarre en avril 1589. Logiquement, à la mort du roi, il rejoint le service d’Henri de Navarre. En 1593, le nouveau roi, qui se nomme désormais Henri IV le nomme grand maître de la Librairie du Roi. C’est enfin Jacques-Auguste de Thou qui se chargea de l’enregistrement d’un édit capital pour la France, l’édit de Nantes (1598). Il était auparavant devenu président à mortier en 1595.Après la mort d’Henri IV, il devient conseiller d’Etat et oeuvre encore pendant la régence de Marie de Médicis. Un homme proche du pouvoir donc, qui aura pris part aux événement majeurs de son temps.
L’auteur. Jacques-Auguste de Thou est réputé avoir tout lu et notamment tous les grands auteurs grecs et latins. C’est d’ailleurs un latiniste distingué et il publie plusieurs ouvrages de poèmes dans cette langue. Il passera néanmoins à la postérité pour ses Historiae sui temporis, chroniques portant sur les années 1543 à 1607, traduites du latin en français au 18ème. Il s’y révèle un grand partisan de la tolérance religieuse, critique les excès du clergé catholique, la papauté et observe vis-à-vis des protestants une attitude compréhensive. La réaction est logique, paru en 1604, l’ouvrage est mis à l’index. Le Parlement de Paris rendit la politesse en condamnant le livre du Cardinal Robert Bellarmin sur le pouvoir du pape.L’Histoire Universelle de Thou fût publiée selon le rythme suivant:1604: années 1546-601606: années 1560-721607: années 1572-741608: années 1574-84De Thou mourut sans avoir mené son oeuvre jusqu’au bout, et la dernière partie inachevée fut publiée en 1620 par ses amis Pierre Dupuy et Nicolas Rigault.
Le « bibliothécaire », le bibliophile. Jacques-Auguste de Thou aura vécu toute sa vie au milieu des livres. Il hérite des bibliothèques de son père et de son oncle, qu’il enrichira tout au long de sa vie pour bâtir sa propre bibliothèque, sans rivale à l’époque. Il contribuera également à l’enrichissement de la bibliothèque du roi en faisant l’acquisition de la collection de manuscrits de Catherine de Médicis. Mais revenons à sa bibliothèque privée, qui fît l’objet de nombreuses études, notamment de la part de Jérôme Pichon. De Thou accordait une attention particulière aux reliures de ses ouvrages, et il se distingue également par l’évolution de ses habitudes avec les livres.
Ainsi, sur ses premiers ouvrages, on trouve sur le plat ses armes d’argent entourées de branches de laurier, timbrées d’une tête de chérubin avec son nom Jac. August. Thuanus sous l’écusson; voire simplement l’écusson, avec deux lys au naturel. On rencontre également ses armes plus simples d’argent au chevron de sable, accompagnés de trois taons du même, deux en chef et un en pointe; avec l’ajout éventuel de ses initiales au dos A. D. T. (Auguste de Thou).
Après son 1er mariage, les armes des deux époux sont accolés sur les plats (gueules à trois lions couronnés d’argent), avec souvent les trois initiales J.A. et M (pour Marie de Barbançon-Cany) au bas de l’écusson et sur le dos du volume.
Après son second mariage avec Gasparde de la Chastre, il appliqua la même logique en remplaçant les éléments de sa première épouse par ceux de la seconde, armes et initiales (le G. remplace alors le M.).
La très riche bibliothèque Thuanienne était ouverte aux étudiants et aux étrangers. Elle resta dans la famille jusqu’en 1679-80, fut mise en vente par ses descendants (ruinés et contraints) et fut presque entièrement rachetée par le président de Ménars. Il fallut deux ans pour rédiger le catalogue Au XVIIIe siècle elle passa à la famille de Rohan-Soubise. Elle contenait alors 12 729 volumes. En fait, le président de Ménars sauva littéralement cette bibliothèque par cet achat conséquent et les bibliophiles de l’époque (une fois la jalousie passée, je l’imagine), lui rendirent hommage. Ainsi Santeuil publia un poème latin de 200 vers intitulé « Plainte sur la vente honteuse de la bibliothèque de M. de Thou, sauvée par les soins de M. de Ménars ». Plus tard, la bibliothèque enrichie par Ménars, puis Rohan puis Soubise connut à nouveau le feu des enchères…. pendant 4 mois de vente, du 12 janvier au 22 mai 1789 (catalogue de Leclerc). Depuis, les ouvrages n’attendent plus que les bibliophiles pour perpétuer l’amour qui leur fut prodigué au 16ème siècle.
Aimé des bibliophiles, De Thou fut aussi aimé de son époque et de ses deux épouses, dont les statues ornent encore aujourd’hui le tombeau, visible à Paris. Un ouvrage du 17ème lui est consacré, « La Vie de Jacques-Auguste de Thou » (ici en maroquin). Elle est supposée avoir été écrite par un ami et est une réponse à la mise à l’index de son Histoire. Trois manuscrits subsistent encore aujourd’hui.
Son fils François-Auguste eut moins de chance, puisqu’il fut décapité pour avoir conspiré avec Cinq-Mars.C’était Jacques-Auguste de Thou, humaniste, homme de son époque, chroniqueur et bibliophile.
H
Très beau portrait d'un bibliophile dont on aimerait posséder, ne serait-ce qu'un exemplaire de sa bibliothèque dans la sienne !
Merci Hugues. Pierre
Superbe. Merci pour ce post. J'aime la comparaison entre les deux portraits, on voit bien que c'est la même personne et de fait, on voit vraiment de Thou.
Benoît