Fausses adresses de libraires, et faux noms de libraires

Pour échapper aux poursuites, il n’était pas rare au 18ème siècle que les éditeurs/imprimeurs/libraires inscrivent de fausses adresses sur les pages de titre des livres mis en vente. En effet, une fois l’ouvrage en circulation, il devenait alors impossible de remonter à la source et de punir les coupables.

En général, le procédé était utilisé soit pour les contrefaçons, soit pour les livres interdits ou qui auraient pu l’être. Finalement, au fil d’une vie de bibliophile et si l’on y prête attention, ces lieux et noms d’éditeurs permettent de dresser un véritable inventaire à la Prévert. Ainsi, j’ai pu croiser dans un beau catalogue de vente un ouvrage, la « Vénus en rut », imprimé en 1790 à Luxurville, chez Hercule Tapefort… La même semaine d’ailleurs, on pouvait également acquérir un autre curiosa, « Petit recueil de contes, etc. », imprimé en 1793 à Hélio-Foutropolis…

Pour les contrefaçons, plusieurs techniques ont existé : soit l’adresse et le nom de l’éditeur sont purement fantaisistes (exemple : à Mérinde, chez Innocent Démocrite », pour la « Relation du voyage du Prince de Montbereud dans l’île de Naudely »), soit on utilise les coordonnées d’un libraire existant ou ayant existé et nombre d’ouvrages contrefaits et signalés par « Amsterdam, aux dépens de la Compagnie », furent en fait imprimés à Rouen, Lyon ou Troyes. Soit enfin, on indique le nom de l’éditeur comme celui d’un simple revendeur, et l’on trouve alors des adresses du type « A La Haye, et se trouve à paris, chez la Veuve Delaulne », l’adresse est alors à moitié vraie, mais à moins de la surprendre en flagrant délit d’impression, il est difficile d’accuser la pauve veuve Delaulne…

Je « traque » gentiment ces provenances, mais elles sont assez difficiles à trouver. Anne Sauvy, dans sa contribution sur le sujet in Histoire de l’Edition Française, cite ainsi les noms suivants, que je vous laisse savourer : Paul de la Tenaille (sans doute un cousin du célèbre Pierre Marteau), Adrien L’Enclume, Philippe le Barbu, Jean le Droit, Joli le Franc, Philarète Belhumeur, ou le fameux Jean Pleyn de Courage, à Stockholm…

Voici pour les noms, en ce qui concerne les adresses, l’imagination est encore plus fertile. En plus des nombreux Foutropolis cité ci-dessus et souvent utilisé pour les curiosa, on peut ainsi croiser avec un peu de chance : « A l’hopital des Fous, chez l’auteur », « En pleine mer, chés Henry Hareng », « imprimé d’un coup de baguette, par la fée de la librairie, dans les espaces imaginaires », « chez Alethinosgraphe de Clearetimelee, & Graphexechon de Pistariste, à l’enseigne des trois Vertus couronnées d’Amaranthe »… mon préféré restant «  »chés l’imprimeur qui l’a imprimé et se vend chez les Libraires qui l’ont ». Simple mais efficace.

En tout cas, c’est un autre détail charmant que l’on peut découvrir sur la page de titre d’un livre…et ça donne envie de tous les réouvrir, pour vérifier si on est l’heureux propriétaire d’une telle édition.

Les sources de plaisir de la bibliophilie sont sans fin!

H Images : deux jolies reliures de maître sur des ouvrages anciens, la rouge est de Lortic, la verte de Duru

1 Commentaire

  1. En complément quelques livres pris au hasard sur les rayonnages de ma bibliothèque :

    BEROALDE DE VERVILLE : Le moyen de parvenir contenant la raison de tout ce qui a été, est et sera. ( Nulle part 100070039)

    CHEMIN-DUPONTES (J. B.) Manuel des Théophilantropes, ou adorateurs de Dieu, et amis des hommes. ( Paris, au bureau de l’abeille politique, an VI)

    [TSCHOUDY (Th., Baron de)]. L’Etoile Flamboyante, ou la Société des Francs-Maçons, considérée sous tous les aspects ( A l’orient chez le silence)

    Cordialement

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