De L’Esprit et de la Censure

Nous parlons régulièrement des livres interdits ou mis à l’index. Parmi eux, il en est un qui a connu une histoire particulière et restera sans aucun doute l’un des plus retentissants scandales littéraires du 18ème, il provoqua en effet à la fois un véritable engouement des lecteurs et l’ire terrible de l’Eglise et de l’Etat.
Il s’agît de l’ouvrage « De l’Esprit », de Claude-Adrien Helvétius, paru en format in-4 en 1758.

Le scandale fût double et illustre bien les tortueuses voies que devait suivre un livre pour pouvoir être publié à l’époque. Pourquoi double? A la fois parce que le contenu lui-même du livre était matière à scandale (Helvétius établit la nécessité d’appuyer la morale sur l’amour de soi et de faire reposer la conception de l’univers sue le matérialisme… ce qui est assez loin des thèses de l’Eglise de l’époque, vous l’imaginez), et parce que le livre parût malgré cela avec un privilège… c’est à dire l’approbation de l’état!

En fait, Hélvétius était un homme puissant, fermier général depuis 1738 et bénéficiant de la protection de la Reine. Mondain, esprit brillant, fréquentant les philosophes (il est probable qu’il participa à l’avneture de l’Encyclopédie), il comprît vite que son ouvrage de philosophie morale et politique allait avoir des difficultés à passer sous les fourches caudines de la censure.

Il va alors intriguer et faire jouer ses relations auprès de Malesherbes pour que Tercier, un agent du Roi, soit désigné comme censeur de l’ouvrage. Helvétius lui fît alors remettre le manuscrit (en désordre!) et n’aura de cesse de harceler Tercier pour que celui-ci donne son aval. Tercier est un homme débordé, et Helvétius un homme puissant, proche de la Reine, aussi le censeur survolera-t-il apparemment l’ouvrage et se contentera de demander quelques légères retouches… qui ne seront pas effectuées, puisque c’est l’imprimeur qui, prenant le relai d’Helvétius, portera les épreuves au premier commis en lui disant que tout est en ordre, et urgent….

Malesherbes réussit in-extremis à faire ajouter quelques cartons, mais l’ouvrage finît par paraître (1758), contenant à la fois le privilège et son texte proprement scandaleux… Le Parlement intervînt aussitôt en l’insérant dans une liste de livres interdits, il fût rejoint par la Sorbonne et le Pape et le livre fût brûlé publiquement les 31 janvier et 10 février 1759.
Helvétius et Tercier furent soumis à diverses humiliations, ils durent notamment se rétracter publiquement et perdirent certaines de leurs attributions… Tercier disparût rapidement et Helvétius voyagea vers d’autres cieux plus amicaux, notamment en Allemagne et en Angleterre… Son ouvrage suivant, « De l’Homme », parût en 1773, après sa mort. Ses oeuvres complètes parurent elles en 1796 (14 volumes in-8).

C’est je crois un cas unique d’un ouvrage qui parût avec un véritable privilège pour être immédiatement condamné au bûcher. Je ne suis pas philosophe mais l’ouvrage marqua son époque et participa au progrès des idées,… même si Voltaire le qualifia de « fatras »!

Triste époque où l’on brûlait ainsi des livres…

H

Images : quelques cinglés et autres « abrutis » (euphémisme gigantesque) brûlant des livres… J’aime beaucoup la première, regardez la tête de ceux qui dansent autour du bûcher. Et Helvétius.

19 Commentaires

  1. Pour finir sur un sourire, une petite citation d’Erasme, que je cite de mémoire :

    « Je m’achète des livres, et s’il me reste de l’argent, je m’achète de quoi me nourrir et m’habiller ».

    Bibliomane?

    H

  2. J’essaie de rester à l’écart des débats dans les commentaires. Vous aurez d’ailleurs remarqué que je les autorise librement, ce qui reste rare sur internet.

    Mais je les lis tous (notamment parce qu’en tant qu' »éditeur », je suis responsable légalement de ce qui est écrit sur le blog). Y répondre me prendrait trop de temps et je constate que le niveau élevé des contributions permet des discussions intéressantes.

    Je ne suis pas historien, ni théologien, et plutôt agnostique, et je ne vais pas rentrer « en profondeur » dans le débat.

    Mais je suis gêné par le fait que l’on puisse trouver une justification à l’index et à la censure (hormis la protection des mineurs, mais il s’agît plus de restriction que de censure).

    Finalement, on justifie toujours selon des principes très subjectifs. Imaginez, Wall (rien de personnel, mais vous semblez être le seul à essayer de justifier l’index), que je décide de censurer vos messages, de les mettre à l’index, bref de les effacer, pour éviter que vous ne fassiez douter Philippe, Martin et les autres (je reprends plus ou moins vos mots), ou même pour des raisons plus arbitraires, mais qui me seraient personnnelles.

    Qu’en penseriez-vous au fond? Aurais-je raison, et mes justifications personnelles vous satisferaient-elles? La mise à l’index est une fléau terrible, une perte de liberté intolérable. Dans le cas évoqué ci-dessus, très pragmatique, on voit bien que cela aurait arrêté depuis longtemps le débat auquel vous vous livrez, sans vous laisser la possibilité, Wall, de vous exprimer et de défendre vos idées.

    H

  3. Le niveau du débat monte,
    le ton monte également,
    il faut raison garder et de tolérance faire preuve.

    Pour se faire, impliquons allègrement un humaniste, si ce n’est un des plus grands de la Renaissance, Erasme.

    Ses livres eurent également à souffrir des flammes même si ce fut après sa mort…

    Érasme mourut dans la nuit du 11 au 12 juillet 1536, à Bâle où il était revenu surveiller la publication de l’Ecclésiaste. Il fut enterré dans la cathédrale de Bâle devenue protestante, bien qu’il fût resté officiellement catholique ; le 19 janvier 1543, ses livres furent brûlés publiquement à Milan en même temps que ceux de Luther. C’était la fin de la réforme humaniste de l’Église catholique…

    A vous de juger…

    Amicalement, Bertrand

  4. L’Eglise qui est un système égalitaire pour tous les Chrétiens? L’Index, un Conseil amical pour les gentils chrétiens qui ne doivent pas lire les méchants ouvrages perturbateurs de la pureté spirituelle des esprits chrétiens?
    Reste plus qu’à dire que l’Inquisition était un tribunaloù les droits de tous étaient reconnus et qui savait être juste dans son traitement envers les prisonniers.
    On sait très bien que l’Eglise, telle qu’elle s’est formée officiellement à partir du Vème siècle (avant, ce n’était qu’un outil informel de religion, très fluide, fluctuant, et peu organisé) a commencé à être un organisme de pouvoir, jalouse de ses prérogative, et désireuse de contrôler son petit monde. Pire encore, cela s’est accentué sous Léon X, Grégoire VII et Urbain II. A partir de là, l’idée même du pouvoir pontifical s’est affirmée. Et l’Eglise n’hésitait pas à jeter l’interdit sur tout opposant, jusqu’à ce que Grégoire IX n’invente l’Inquisition.
    Les idées révolutionnaires n’ont jamais eu droit de citer dans l’Eglise en tant qu’Institution. Et ce n’est pas la culture chrétienne qui était la base des idées révolutionnaires, mais celle des habitants du monde chrétien, ce qui est très différent.

  5. Pas d’accord avec vous Wall… mais je crains que le débat soit sans fin.

    Restons en aux basiques : voir l’index comme un conseil de l’Eglise aux chrétiens est une hypocrisie incroyable.

    Parce qu’enfin, si ce n’était qu’un conseil, pourquoi ne pas s’en tenir au conseil, justement.

    Vous me semblez bien informé, mais également bien naïf face à la politique de l’Eglise. Dire qu’ajourd’hui nous sommes maintenus dans l’ignorance (de quoi au fait?) en sous entendant que nous étions mieux informés à des époques om l’Eglise était plus forte, ça, c’est carrément une contre-vérité.

    JP

  6. PS:

    quand je dit « a été permis grace à la religion chrétienne », je veux dire que cette évolution des idées est une continuation de celle qu’a impliqué l’arrivée du christianisme

    wall

  7. Pourquoi le religion chrétienne est-elle à l’origine des idées révolutionnaires, mais c’est assez simple:
    -les chrétiens étaient considérés comme des révolutionnaires par les latins, car ils parlaient d’égalité (devant Dieu et non devant les hommes) et de liberté (au sens chrétien: liberté de choisir entre le bien et le mal) et c’est la première fois qu’on en parlait.
    -la franc-maçonnerie, qui eut un rôle non négligeable dans l’évolution des idées des lumières, se définissait, au travers de texte essentiels comme la constitution d’Andersen et la déclaration du chevalier de Ramsay comme de les vrais chrétiens, avec une autre vision de la liberté et de l’égalité, celle des lumières.

    Tout cela a été permis grâce à la religion chrétienne.

    Pour répondre à Michel, je sais bien que Voltaire et Montesquieu ont des idées plus proche d’Helvetius que des autres. Mais, aujourd’hui, nous sommes complètement maintenus dans l’ignorance: je vois bien avec mes connaissances étudiantes, il est rare de trouver un étudiant cultivé. Personne ne lit, on ne donne pas envie de lire aux enfants, et ça, c’est maintenir dans l’ignorance.

    Ma position pour l’index est que c’est une position de l’Eglise, un conseil de l’Eglise pour les chrétiens.

    Par ailleurs, je n’ai jamais dit que la culture chrétienne avait résisté, j’ai dit qu’elle avait atteint une apogée. Apogée qui est passée.

    PS: pour Adam et Eve, c’est un mythe, une image qui signifie autre chose. Il ne faut pas appliquer une lecture stricte de la bible.
    L’évolution est une théorie à laquelle des chercheurs opposent une autre théorie à la mode en ce moment la théorie des équilibres ponctués, basées sur les couches géologiques

  8. La culture chrétienne n’a fait que s’inspirer d’autres cultures voisines. D’ailleurs, qu’est-ce que signifie culture chrétienne? Cultures française, russe, arménienne ou autres sont-elles toutes chrétiennes, ou alors parle-t-on uniquement de la culture occidentale telle que nous l’entendons, c’est à dire celle de la pointe ouest de la péninsule européenne? C’est un vaste sujet (qi je dois le dire pour les historiens n’est toujours pas résolu).
    Dire que la culture chrétienne a tout inventé c’est l’une des plus grosses énormité que j’ai entendue! Attention à ne pas mettre ça dans une dissert’! Tout d’abord, si on doit parler d’avancée technologique ou autre, jusqu’au milieu du treizième siècle, les Chrétiens occidentaux sont pour la plupart restés des barbares, face aux cultures « civilisées » du monde byzantino-arabe. Doit-on d’ailleurs rappeler que les croisades ont permis à certains chrétiens de comprendre que finalement, les plus barbares n’étaient pas forcément ceux que l’on croyait… Beaucoup d’idées, de techniques, de progrès technologiques sont venus de ces mondes extra-européens, qui nous semblent pourtant venir bien de chez nous.
    Cette merveilleuse invention même, que nous aimons tous, l’imprimerie! Le débat fait rage pour savoir qui en aurait la primeur. Dans cette discussion entre historiens, il semblerait devenu presque acquis que Gutenberg n’ait en réalité fait qu’adapter des techniques venues de Chine! (bon, malheureusement, il est 2h du mat, et pour les références, je renvoie aux cours de M. Mollier, de l’Université de Versailles Saint-Quentin, sur l’Histoire du Livre et de l’Edition).
    Et l’Eglise Chrétienne, vecteur de la culture. Mouais… Jusqu’au XIIe-XIIIe siècles, la culture lettrée s’est limitée au monde monastique et ecclésiastique. Ce vecteur de culture qu’est soit disant l’Eglise n’était en réalité qu’un « monopolisateur » de culture. Bien sûr, depuis l’effondrement de l’Empire Romain jusqu’au XIIIème siècle, l’Eglise a été à l’origine d’un foisonnement intellectuel qui a mis en place les cadres de pensée de l’époque moderne, ainsi que les moyens physiques (universités, écoles…) nécessaires à son développement. Doit-on y voir pourtant une ouverture de l’Eglise aux idées nouvelles? A mon humble avis, non (pour ça, je renvoie au futur ouvrage de MM. Laurioux, Chastang et Anheim sur la Culture en Occident – mais bon, vous avez encore le temps! – pour les contradictions). Le but principal des débats théologiques et scolastiques était justement la mise en avant du Christianisme dans l’ensemble de la culture (quitte à dire qu’Aristote était Chrétien! Ca, ça ne posait pas de problème), pour monopoliser encore une fois tous les systèmes de réflexions, en refusant, bien sûr tout esprit de contradiction. On sait très bien ce qu’il est arrivé aux Cathares.
    L’Eglise a été principalement un lobby d’influence et de pouvoir, qui a toujours lutté pour conserver ses avantages sur ses adversaires, par des pressions, des interdictions et autres attaques physiques ou morales. L’Index ne va que dans ce sens.

    Et après, parler de vérité, voici un autre vaste sujet, bien philosophique à souhait. Mais là, après une longue… mais loooooongue journée de boulot, l’esprit n’est plus capable de trop y répondre.

  9. Wall, si je puis me permettre, vous donnez un peu trop dans le syllogisme fallacieux…

    N’oubliez pas, puisque vous êtes étudiant, qu’une citation n’est jamais une démonstration, une preuve, et encore moins une vérité.

    Citer Voltaire ou Montesquieu ne veut au fond rien dire, et oriente justement vers les syllogismes évoqués plus haut. On peut faire dire ainsi tout est n’importe quoi à n’importe qui.. et vous savez bien au fond de vous que Voltaire et Montesquieu étaient sans doute plus proches des idées d’Helvétius que des idées de ceux qui brulèrent le livre d’Helvétius.

    Autre élément logique un peu défaillant, vous évoquez le fait que la culture chrétienne est celle où les « idées révolutionnaires » ont pu se développer, comme si cela devait prouver la vertu de la religion chrétienne… Vous oubliez simplement que cette même religion chrétienne a tout fait et pesé de tout son poids, toujours, pour empêcher l’éclosion et le développement de ces mêmes idées révolutionnaires et progressistes, pécisément… et finalement, elle continue aujourd’hui à peser de la même façon dans ses discours officiels.

    Il me semble assez faux de dire que la culture chrétienne a favorisé l’éclosion d’idées révolutionnaires et de progrès (avec tout ce qu’on peut mettre dans le mot, mais je pense qu’on peut tous s’entendre sur un minimum…). En fait, il serait presque plus juste de dire que la culture chrétienne n’a pas pu résister, malgré toutes ses tentatives, aux idées révolutionnaires… et on fait là le lien avec Helvétius et d’autres, bien sûr.

    Au final, c’est plus ou moins le contraire de ce que vous avez dit. Je ne prends pas position, mais ni Voltaire, ni Montesquieu, ni votre vision de la religion chrétienne ne sont finalement de bonnes raisons pour, de près ou de loin, justifier index, censure ou autre.

    Index, censure et autres, ne sont jamais éloignés de l’obscurantisme… Interdire, brûler, proscrire, empêcher une idée de vivre, de se développer, n’est ce pas un crime terrible?…et je crains le jour où c’est la lumière des buchers qui seule nous éclairera.

    Donc, non, désolé, pas d’index… Que cela choque. Tant mieux, vous savez, ce n’est pas mortel, même pour un »charbonnier ».

    Michel, prof.

  10. Helvetius se contente d’avancer la chose la plus simple qui soit, qui est que TOUTES LES VERITES SONT BONNES A DIRE, HIER, AUJOURD’HUI, ET DEMAIN, et ce pour le BIEN PUBLIC.

    Et pour ceux qui veulent approfondir leur sujet, je leur propose de lire l’ouvrage étonnant de lucidité de Jacques Boucher de Perthes, plus connu comme préhistorien que comme économiste-philosophe, « Opinion de M. Cristophe sur les prohibitions et la liberté du commerce » (1830-1834), 4 tomes publiés chez Treuttel et Wurtz.

    Il y avance la thèse suivante « que le Bien public dépend du bonheur de chaque individu pris isolément. »

    il écrit page 9 de la première partie :

    « En admettant qu’une classe en profite, il n’est pa moins certain qu’il y a préjudice pour la masse. Or, l’état perd quand la masse perd, parce que cent paient plus qu’un. Favoriser une classe aux dépens de la masse est donc une chose injuste et par conséquent nuisible. De plus, c’est un chose dangereuse, car le plus fort, ou, en d’autres termes, la masse, finit toujours par l’emporter ; de là les déplacements de fortune, c’est à dire les révolution. »

    Je vous laisse faire la comparaison entre la pensée d’Helvetius liée à la Vérité au sens large et la pensée de Boucher de Perthes et sa notion de liberté. Liberté, vérité, deux choses étroitement liées non ?

    PS : si mal de tête prononcé, prendre un comprimé de SPINOZA le matin et deux comprimés d’HOLBACH le soir avant de se coucher. Guérison assurée en 5 jours.

    Bonne soirée les amis,
    Bertrand

  11. Et maintenant, c’est l’heure des laïcs.

    Donc, on est bien d’accord, Adam et Eve… du pipeau complet? 🙂

    Je ne répondrai pas au reste, au moins on sait de quelle chapelle vous êtes.

    C.

  12. En réponse à C.

    -Les gens d’Eglise le savaient aussi très bien. La croyance populaire disait le contraire, et comme cela n’entrait pas dans les dogmes, ils n’ont pas cherché à leur faire croire le contraire.

    -Vous faites une autre erreur, plus grande à mon avis: « Il faut maintenir les gueux dans l’ignorance pour mieux les gouverner », ca c’est du Voltaire.

    -La culture arae s’est quand même nettement bloquée avant l’an 1000, alors que la culture chrétienne s’est développé et les sciences s’y sont plus qu’ailleurs. Je crois que certaines civilisations atteignent des apogées: les grecs, puis les romains et les byzantins, puis les arabes, puis les chrétiens. Et maintenant??

    -La descendance du singe devient hors de propos, surtout que l’Eglise Catholique ne le nie pas. Ce sont les protestants et les évangélistes qui nie totalement cette thèse et présentent uniquement la thèse créationniste stricte (7jours, etc), mais là nous dévions complètement du sujet.

  13. Wall, on en tirera la conclusion qui s’impose :

    1. Soit les gens d’Eglise n’étaient pas lettrés.

    2. Soit ils l’étaient mais préféraient garder les masses dociles (et il est vrai productives), dans l’ignorance. Car c’est vrai, vous imaginez, si les gens commencent à penser que la terre est ronde… dans 6 mois, ils boufferont du curé…

    L’index, c’était pour protéger le savoir, le concentrer entre les mains d’un petit nombre et donc leur assurer le pouvoir. Je caricature, mais notamment…

    Je ne suis pas historien, mais il me semble que les religions/culture musulmanes (mathématiques), juives ou asiatiques (moins connues, il est vrai), n’ont pas à rougir face à la religion chrétienne.

    Mais ce débat est vain, tant notre grille de lecture, dans un pays pourtant laïque, passe par le prisme judéo-chrétien…

    Quand je pense à la censure, à l’index, j’essaie toujours de me demander quel aurait pu être mon rôle dans la société médiévale par exemple, chrétienne s’il en est… On naît du bon côté de la barrière, tout va bien, mais du mauvais côté… attention à ne pas marcher trop loin, la terre étant plate, on risque de tomber….Autant rester aux champs a essayer de survivre.

    Moi, je descends du singe, et j’en suis fier.

    C.

  14. Juste une petite chose: on sait depuis l’antiquité que la terre est ronde et un grec avait déjà calculé à peu près le rayon terrestre, et les gens lettrés le savaient depuis toujours.

    En ce qui concerne les sous-hommes, c’est Montesquieu qui parlait des noirs en disant: « Comment Adam qui était blanc et roux a-t-il pu donner des hommes si noirs » ou bien « Comment Dieu peut-il avoir mis une ame dans un corps si noir »

    Je crois plutot que l’index était mis en place à l’origine pour éviter aux gens dont la foi était celle du charbonnier de lire des choses qui les aurait fait douter.

    Je ferai juste une remarque: la société chrétienne avec tout ce qu’elle a pu connaitre, est quand même la société où les idées « révolutionnaires » (au sens qui changent totalement les idées de la masse) ont pu se développer (comparer aux autres sociétés) et où la science même a pu se développer énormément, malgré tout ce qu’on peut y critiquer avec la censure et l’index

  15. Pour mettre tout le monde d’accord, voici ce qu’Helvetius écrit dans la préface de son livre De l’Esprit (1758) :

    « Mille gens puissants et souvent même mal intentionnés, sous prétexte qu’il est quelques fois sage de taire la vérité, la banniraient entièrement de l’univers. Aussi le Public éclairé, qui seul en connait tout le prix, la demande sans cesse : il ne craint point de s’exposer à des maux incertains, pour jouir des avantages réels qu’elle procure. Entre les qualités des hommes, celle qu’il estime le plus est cette élévation d’âme qui se refuse au mensonge. Il sait combien il est utile de tout penser et de tout dire ; et que les erreurs même cessent d’être dangereuses lorsqu’il est permis de les contredire. Alors elles sont bientôt reconnues pour erreurs ; elles se déposent bientôt d’elles-mêmes dans les abymes de l’oubli, et les vérités seules surnagent sur la vaste étendue des siècles. »

    à méditer…

    Amicalement, Bertrand

  16. En réponse au 1er commentaire : une mise à l’index n’est JAMAIS justifiée, encore moins pour « éviter de choquer »… La censure, en dehors de la protection des moeurs et des mineurs c’est pareil.

    Choquer, remettre en question des dogmes, même en se trompant, c’est le plus souvent ainsi que la race a progressé.

    Je ne vois pas en quoi l’ouvrage de Helvétius aurait pu choquer… si ce n’est qu’il aurait pu induire les lecteurs à penser différement de ce qu’on leur imposait.

    Avec index et censure, pour éviter de choquer, nous en serions encore à penser que la Terre est plate et que les Indiens d’Amérique sont des sous-hommes (je pense à la controverse de Valladolid)…

    Index et censure sont dans une immense majorité des outils de protection mis en place par des régimes qui n’acceptent pas la contradiction.

    Leur trouver une justification quelconque en dehors de circonstances particulières (protection des mineurs, etc) est en soi un danger pour la démocratie et la liberté.

    Martin

  17. Très bel article, sur un thème que j’affectionne tout particulièrement.

    J’ai trouvé une anecdote sur les relations en Helvetius et Montesquieu, amis, au sujet de la publication de l’Esprit des Loix (1748). La voici :

    « M. Helvétius était l’ami du président de Montesquieu, et passait beaucoup de temps avec lui dans sa terre de la Brède, pendant sa tournée de fermier général. Dans leurs conversations philosophiques, le président communiquoit à son ami ses travaux sur l’Esprit des Lois. Il lui fit ensuite passer le manuscrit avant de l’envoyer à l’impression. Helvetius, qui aimait l’auteur autant que la vérité, fut alarmé, en lisant l’ouvrage, des dangers qu’allait courir la réputation de Montesquieu. Il avait souvent combattu de vive voix et par lettres, des opinions qu’il croyait d’autant plus dangereuses, qu’elles allaient être consacrées en maximes politiques par un des plus beaux génies de la France, et dans un livre étincelant d’esprit et rempli des plus grandes vérités. Sa modestie naturelle et son admiration pour l’auteur des Lettres Persanes le mettant en défiance de son propre jugement, il pria Montesquieu de permettre qu’il communiquât son manuscrit à un ami commun, M. Saurin, auteur de Spartacus, esprit solide et profond, que tous deux estimaient comme l’homme le plus vrai et le juge le plus impartial. Saurin fut du même avis qu’Helvetius. Quand l’ouvrage eut paru, et qu’ils en virent le prodigieux succès, sans changer d’opinion, ils se turent en respectant celle du public et la gloire de leur ami. (Note extraite de l’édition de 1795, 12 vol. in-18.) »

    Bonne soirée à tous,
    Bertrand

  18. En ce qui concerne l’index, je trouve que, remis dans le contexte, il était justifié: 95% de la population étant catholique pratiquante, il fallait éviter la publication de ce qui pouvait choquer, comme plus tard la censure pour les films ou les livres, dans un contexte différent. Il y a eu des abus, et à mon avis, c’est là que nait la dictature

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